Loi Travail : des milliers de manifestants dans la rue contre le projet de réforme El Khomri
Des lycées bloqués et des manifestations à Paris et dans plusieurs villes: la fronde contre le projet de réforme du droit du travail se traduisait ce mercredi 9 dans la rue, au cours d'une journée marquée aussi par des perturbations dans les transports.
A la mi-journée, plusieurs milliers de personnes défilaient en direction du ministère du Travail à l'appel de la CGT, de FO de la FSU et de Solidaires. "Loi travail: non merci!": leur slogan reprenait le titre d'une pétition en ligne contre ce projet, ayant recueilli plus d'un million de signatures.
"On demande le retrait (du projet). Plus que jamais, il faut remettre les compteurs à zéro pour un code du travail qui protège vraiment les salariés", a déclaré en tête du cortège le numéro un de la CGT, Philippe Martinez. "On rentre dans un bras de fer dont personne ne connaît l'issue", a affirmé Jean-Claude Mailly, numéro un de FO, lui aussi en tête de la manifestation où figurait notamment le secrétaire national du Parti communiste, Pierre Laurent.
Les manifestants scandaient des slogans tels que "Valls, Hollande, arrêtez les conneries, retrait, retrait de la loi El Khomri". Ils devaient ensuite rejoindre la place de la République où un rassemblement était prévu à 14h à l'appel d'organisations de jeunesse (Unef, Fidl notamment), soutenues par des organisations politiques de la jeunesse de gauche et des syndicats (CGT, FO, FSU...).
Un cortège de lycéens et étudiants, parti de la place de la Nation à Paris, avait déjà rejoint peu avant 13h la place de la République en scandant "El Khomri, t'es foutue, la jeunesse est dans la rue" et en lançant des œufs, des fumigènes et des pétards, a constaté une journaliste de l'AFP. "Cette loi est absurde: le travail de nuit, les licenciements abusifs... C'est affligeant de voir ça, surtout de la part des socialistes", s'insurgeait Lucie Ferreira, 21 ans, étudiante en IUT à Fontainebleau. Une centaine de lycées, dont une quarantaine en Ile-de-France, ont fait l'objet d'un blocage, total ou filtrant, selon l'UNL, un des principaux syndicats de lycéens.
Beaucoup évoquent la révolte contre le CPE, il y a dix ans, qui avait fait plier l'exécutif sur ce contrat "première embauche" destiné aux moins de 26 ans assorti d'une période d'essai particulièrement longue.
Des rassemblements étaient aussi en cours ou prévus en régions, à l'image de Rouen, où plusieurs milliers de manifestants (4.500 selon la police) s'étaient rassemblés en fin de matinée, étudiants, lycéens et militants syndicaux mêlés. Ils étaient environ 5.000 à Marseille, selon la préfecture. La contestation contre la loi Travail se cristallise sur la réforme du licenciement économique et le plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif. Deux mesures perçues comme des concessions au patronat.
Le front syndical est néanmoins fissuré: les syndicats "réformistes" (CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa) et la Fage (étudiants) préfèrent des rassemblements distincts le 12 mars. Plutôt qu'un retrait du texte, ils demandent "de profondes modifications", comme l'a répété mercredi le patron de la CFDT, Laurent Berger, sans écarter la possibilité d'un "conflit social" si le gouvernement ne bouge pas.
Hasard du calendrier, la SNCF et la RATP sont aussi en grève pour des motifs internes, liés aux conditions de travail et aux salaires. A la SNCF, où seul un train sur trois circulait en moyenne, le taux de participation à la grève s'établissait en matinée à 35,5% pour l'ensemble du personnel. Le trafic était en revanche quasiment normal à la RATP sauf sur le RER B. Plus de 300 agents de la RATP en grève ont investi le hall du siège dans la matinée avec sifflets et pétards pour réclamer une hausse générale des salaires.
François Hollande a rappelé en conseil des ministres les "principes fondamentaux qui guidaient la loi de Myriam El Khomri", selon ses propos rapportés par le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll. Il s'agit de "renforcer le dialogue social et la négociation collective (...) jusque dans l'entreprise", "donner de la visibilité aux employeurs et salariés" et lutter "contre la précarité" alors que 80% des contrats signés le sont en CDD ou en intérim, assurer la "sécurité" des salariés avec le compte personnel d'activité, a-t-il énuméré.
En attendant la présentation du projet en conseil des ministres le 24 mars, Manuel Valls poursuit les concertations avec les partenaires sociaux avant une réunion plénière de "restitution" lundi prochain.
Le Premier ministre a promis des "améliorations", mais ses marges de manœuvre semblent étroites entre des syndicats, dont "aucun (n'est) d'accord avec la loi", résume Philippe Martinez, et le patron du Medef, Pierre Gattaz, pour lequel un retrait du texte serait "dramatique pour le pays".
Mais le gouvernement fait aussi face à une profonde division de la gauche, déjà alimentée par le débat sur la déchéance de nationalité. "Si ce projet passe, je pense qu'on aura malheureusement fracturé la gauche", craignait mercredi Benjamin Lucas, président du Mouvement des Jeunes Socialistes qui s'oppose au texte.
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