DSA : La CE et Thierry Breton épinglent X pour ses badges bleus, Elon Musk dit refuser un “deal secret et illégal” de censure

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France-Soir
Publié le 15 juillet 2024 - 10:58
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J. Brown / AFP
DSA : La CE et Thierry Breton épinglent X pour ses badges bleus, Elon Musk dit refuser un “deal secret et illégal” de censure
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Thierry Breton fait-il une fixette sur Elon Musk ? Dix mois après un bras de fer entre le commissaire européen et le propriétaire du réseau social X (ex-Twitter), la Commission européenne (CE) a adressé vendredi 12 juillet 2024 ses “constatations préliminaires” pour “violation de la législation”, à savoir le règlement européen sur les services numériques (DSA). Thierry Breton, commissaire au marché intérieur et Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, ont listé trois griefs au richissime homme d’affaires et sa plateforme, dont une liée aux fameuses coches bleues des comptes certifiées, dont le système “tromperait” les utilisateurs.  

Entré en vigueur en août 2023, le Digital Services Act est perçu comme une tentative de l’UE d’imposer l’autocensure aux réseaux sociaux. Le texte oblige les plateformes à retirer les “contenus illégaux” et “analyser et de corriger le risque systémique qu'elles font peser sur la sécurité publique ", sous peine de s’acquitter d’une amende pouvant atteindre jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires mondial, et d'être coupés sur l'ensemble d’un territoire. "Il est vraiment temps pour l'Europe de fixer ses propres règles", s’était félicité Thierry Breton. "Pour protéger nos citoyens et nos démocraties des contenus illégaux", affirmait-il, ses services seront "très rigoureux pour vérifier que les plateformes systémiques soient conformes au DSA". 

Thierry Breton revient à la charge contre Musk 

Le commissaire européen lance rapidement les hostilités et la première plateforme concernée n’est autre que X, anciennement appelée Twitter et acquise, fin 2022, par le milliardaire Elon Musk, propriétaire majoritaire de SpaceX et de Tesla. Outre la divulgation des Twitter Files sur les précédentes équipes de modération et leurs manœuvres en coulisses, l’homme d’affaires américain a entrepris une refonte du business plan et du fonctionnement du réseau social. Et sa manière ne passe pas aux yeux de la CE et de son commissaire.  

En octobre, Thierry Breton a lancé les hostilités, en adressant un avertissement à Musk concernant la modération des contenus illégaux et de la désinformation sur X, notamment en lien avec le conflit israélo-palestinien, lui donnant un délai de 24 heures pour se conformer aux règles du DSA. Musk a riposté en demandant des précisions publiques sur les violations présumées. Les échanges tendus se sont poursuivis pour aboutir, en décembre 2023, à l'ouverture par la Commission européenne d'une enquête officielle contre X. Cette plateforme ouvre le bal des entreprises officiellement investiguées dans le cadre du DSA.  

Dix mois plus tard, Thierry Breton revient à la charge. Dans un communiqué diffusé vendredi 12 juillet 2024, la Commission européenne adresse au réseau social son “avis préliminaire” à propos de “violations” du DSA. La CE reproche à Elon Musk et sa plateforme des “interfaces truquées”, un manque de transparence de la publicité et un accès restreint aux données pour les chercheurs. 

“Premièrement, X conçoit et exploite son interface pour les ‘comptes vérifiés’ avec la ‘marque bleue’ d'une manière qui ne correspond pas à la pratique du secteur et induit en erreur les utilisateurs”. Peu après son acquisition de Twitter, Elon Musk a pour rappel apporté des changements au système de badges bleus, introduisant un abonnement payant qui permet à quiconque de payer pour obtenir un badge bleu, auparavant réservé aux comptes vérifiés de personnalités publiques ou institutions. La mesure a d’abord suscité la controverse, puisqu’elle a brouillé la distinction entre les comptes authentifiés et les abonnés.  

X a alors introduit des badges de différentes couleurs, comme les dorés pour les entreprises ou les gris pour les organisations officielles. “Étant donné que toute personne peut s'abonner pour obtenir un tel statut ‘vérifié’, cela a une incidence négative sur la capacité des utilisateurs à prendre des décisions libres et éclairées concernant l'authenticité des comptes et le contenu avec lesquels ils interagissent. Il existe des preuves que des acteurs malveillants motivés abusent du ‘compte vérifié’ pour tromper les utilisateurs”, insiste la CE.  

Avant, écrit Thiery Breton, “BlueCheck signifiait des sources d’information dignes de confiance. À présent, la CE estime à titre préliminaire qu’ils trompent les utilisateurs et violent la législation sur les services numériques (...) X a désormais le droit de la défense, mais si notre point de vue est confirmé, nous imposerons des amendes et des changements importants”, affirme-t-il.  

Elon Musk rejette le “deal secret et illégal” de la CE 

Le deuxième reproche concerne la transparence en matière de publicité et la plateforme, toujours selon les collègues de Thierry Breton, “ne fournit pas de registre publicitaire fiable et consultable, mais met en place des caractéristiques de conception et des barrières d'accès qui le rendent impropre à son objectif de transparence à l'égard des utilisateurs”.  

Quant au troisième point de “violation”, il s’agit de l’accès par les chercheurs aux données publiques. Selon la même institution européenne, X “ne donne pas accès à ces données (...) En particulier, X interdit aux chercheurs éligibles d'accéder de manière indépendante à ses données publiques”, notamment “à son interface de programmation d'applications (API)”. Ceci “dissuaderait” les chercheurs “de mener à bien leurs projets de recherche ou ne leur laisser d'autre choix que de payer des honoraires disproportionnés”.  

“X ne respecte pas la législation européenne dans le domaine clé de la transparence en utilisant des interfaces truquées et en induisant ainsi les utilisateurs en erreur, en ne fournissant pas un registre de publicités adéquat et en bloquant l'accès aux données pour les chercheurs”, conclut, de son côté, Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence. 

La société américaine “a désormais la possibilité d'exercer ses droits de la défense en examinant les documents figurant dans le dossier d'enquête de la Commission et en répondant par écrit à ses conclusions préliminaires”, conclut-on à Bruxelles. Si cet “avis préliminaire” devait se confirmer, X pourrait faire l’objet d’une amende à hauteur de 6 % de son chiffre d’affaires annuel.  

Elon Musk va-t-il, une fois de plus, revoir en profondeur son système ? En attendant, le milliardaire, qui a reçu de nombreux soutiens, n’a pas manqué de répondre. “La Commission européenne a proposé à X un accord secret et illégal : si nous censurions discrètement les discours sans en parler à personne, ils ne nous imposeraient pas d'amende. Les autres plateformes ont accepté cet accord. Pas X”, a-t-il posté dans un “retweet” d’un post de Margrethe Vestager. 

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