Déchéance de nationalité : le débat s'envenime à gauche, la droite évasive
Le débat à gauche s'est envenimé dimanche 27 sur la déchéance de nationalité avec l'entrée en résistance de personnalités du PS, parmi lesquelles celle, notable, de l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, tandis que la droite reste évasive sur son intention de voter ou pas cette réforme.
"Si la France est +en péril de paix+, alors ne la divisons pas davantage!". En un tweet, Jean-Marc Ayrault est sorti du bois dimanche après-midi pour s'opposer frontalement à son successeur à Matignon Manuel Valls.
Le matin même dans une interview au JDD, le chef du gouvernement avait de nouveau affirmé sa détermination à inscrire dans la Constitution la possibilité de déchoir de la nationalité française les binationaux condamnés pour des actes de terrorisme, citant à l'appui l'historien Pierre Nora: "la France est en péril de paix". Il accusait dans le même temps "une partie de la gauche de s'égare(r) au nom de grandes valeurs en oubliant le contexte, notre état de guerre, et le discours du président devant le Congrès".
Son message n'a, semble-t-il, pas été entendu au PS où d'autres ténors sont montés au créneau pour dire leur réprobation. "Je défends des valeurs républicaines et de gauche: c'est le propre de la politique et j'en suis fière!", a ainsi répliqué dans un tweet Martine Aubry. L'ex-patronne des socialistes avait déjà vivement critiqué "une remise en cause du droit du sol" s'inspirant du FN. "On ne s'égare jamais en défendant ses valeurs. C'est même l'inverse", a renchéri également un proche de Mme Aubry, François Lamy, député PS de l'Essonne. "La de nationalité pour les binationaux nés en France: rétablissement régressif des Français de souche, et du droit du sang", a même cinglé l'avocat Jean-Pierre Mignard, pourtant ami de François Hollande.
Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a continué pour sa part à briller par son silence. Selon un de ses proches, "il s'est opposé à la déchéance de nationalité jusqu'au bout" mais n'a pas pris publiquement position "pour ne pas affaiblir le président".
François Hollande avait annoncé cette réforme devant le Congrès le 16 novembre, trois jours après les attentats de Paris. En dépit de signaux contradictoires de l'exécutif, le maintien de cette mesure controversée dans le projet de révision constitutionnelle a été maintenu mercredi à l'issue du conseil des ministres. Tout un pan de la gauche avait aussitôt exprimé son sentiment de trahison face à cette possibilité de déchoir de la nationalité française les binationaux, y compris ceux nés en France, condamnés pour des actes de terrorisme.
L'ex-ministre et député PS, Benoît Hamon, porte-voix de l'aile gauche du parti, compte voter contre cette proposition jugeant que "c’est une question de valeur et de conscience" et prédisant "un schisme dans le peuple de gauche mais aussi dans la communauté nationale". Julien Dray, conseiller régional d'Ile-de-France et fondateur de SOS-Racisme, pourtant proche de François Hollande, a mis en garde contre "le risque d'une rupture avec la gauche militante".
La droite pour sa part reste dans l'ambiguïté. Le chef de file des députés Les Républicains, Christian Jacob, a ainsi refusé dimanche de dire s'il voterait pour, même s'il est d'accord "sur le principe", alors que le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau a averti qu'il ne voterait pas "les yeux fermés".
Malgré la fronde dans son propre camp, Manuel Valls se dit déterminé à aller "jusqu'au bout", "convaincu", comme il l'affirmait encore mercredi, d'obtenir "une large majorité" du Parlement pour soutenir la réforme constitutionnelle. Mais l'adoption du texte, qui sera présentée le 3 février à l'Assemblée nationale, pourrait s'avérer plus compliquée que prévu pour l'exécutif, qui devra compter sur un soutien appuyé de la droite, pour surmonter une opposition grandissante dans son propre camp. La réforme doit en effet être votée par les deux chambres séparément, puis par une majorité des trois cinquièmes au parlement réuni en Congrès à Versailles.
Les Républicains et l’UDI représentent 415 parlementaires (députés et sénateurs) sur un total de 925. Sans eux, impossible d'atteindre la majorité des 3/5e (555 voix, si tous les votes sont exprimés). François Hollande peut faire adopter sa réforme avec le vote favorable d’une moitié de la droite, même dans le cas de figure où tous les écologistes (28 parlementaires), les communistes et apparentés (34) et près de 80 socialistes sur 397 votent contre.
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