"Charlie Hebdo" : un an après, un Dieu armé et présenté comme "assassin" en Une

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 04 janvier 2016 - 11:54
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La couverture du numéro 1224 de "Charlie Hebdo".
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©Charlie Hebdo
"Ce ne sont pas deux petits cons encagoulés qui vont foutre en l’air le travail de nos vies. Ce n’est pas eux qui verront crever Charlie. C’est Charlie qui les verra crever", écrit Riss dans ce numéro spécial.
©Charlie Hebdo
Pour son numéro spécial un an après les attentats, "Charlie Hebdo" proclame sur sa couverture que "l'assassin court toujours" en désignant Dieu, armé d'une kalachnikov et aux vêtements ensanglantés. Un dessin qui fait déjà polémique: "quand je vois ça je n'ai pas du tout l'intention de commémorer quoi que ce soit le 7 janvier", a ainsi réagi un responsable du culte musulman.

Après "tout est pardonné", au lendemain des terribles attentats du 7 janvier, Charlie Hebdo proclame, un an plus tard, que "l'assassin court toujours". Pour son numéro spécial marquant la première année écoulée après le massacre de sa rédaction par les terroristes djihadistes Chérif et Saïd Kouachi, l'hebdomadaire satirique se montre incisif à l'encontre de toutes les religions et Riss, le patron du journal, y signe un éditorial au vitriol.

Sur fond noir, toute la Une du numéro 1.224 de Charlie est occupée par le dessin d'un Dieu qui, à grandes enjambées, kalachnikov en bandoulière et tâché de sang, semble prendre la fuite. "Un an après l'assassin court toujours", dit cette couverture signée de Riss, désignant ainsi le responsable de l'attaque de la rédaction de son journal, au cours de laquelle 12 personnes ont été assassinées et 11 autres blessés.

"Un mois avant le 7 janvier, je demandais à Charb si sa protection avait encore un sens. Les histoires de caricatures, tout ça, c’était du passé (...) Mais un croyant, surtout fanatique, n’oublie jamais l’affront fait à sa foi, car il a derrière lui et devant lui l’éternité (...) C’est l’éternité qui nous est tombée dessus ce mercredi 7 janvier. Ce matin-là, après le bruit assourdissant d’une soixantaine de coups de feu tirés en trois minutes dans la salle de rédaction, un immense silence envahit la pièce. J’espérais entendre des plaintes, des gémissements. Mais non, pas un son. Ce silence me fit comprendre qu’ils étaient morts", raconte le patron du journal, lui-même blessé lors de l'attaque, dans son éditorial.  Puis de poursuivre: "et lorsque enfin un pompier m’aida à me relever, et après avoir dû enjamber Charb allongé à mes côtés, je m’interdis de tourner la tête vers la pièce pour ne pas voir les morts de Charlie. Pour ne pas voir la mort de Charlie".

Un texte rageur, où il dénonce les "fanatiques abrutis par le Coran" et les "culs-bénits d'autres religions", tous ceux qui "espéraient qu’un jour quelqu’un viendrait nous remettre à nos places. Oui, beaucoup ont espéré qu’on se fasse tuer. TU-ER". Et de conclure: "comment faire le journal après tout ça? C’est tout ce qu’on a vécu depuis vingt-trois ans qui nous en donne la rage. Ce ne sont pas deux petits cons encagoulés qui vont foutre en l’air le travail de nos vies. Ce n’est pas eux qui verront crever Charlie. C’est Charlie qui les verra crever".

Comprenant 16 pages supplémentaires, dont un cahier des dessins des disparus Charb, Wolinski, Cabu, Tignous et Honoré ainsi que de nombreuses contributions extérieures, ce numéro spécial tiré à un million d'exemplaires fait déjà polémique. "Je ne m'attendais pas du tout à cette sortie de Charlie Hebdo (...). Ils s'attaquent à tout le monde, ils s'attaquent aux religions", a ainsi réagi le président de l'observatoire de l'islamophobie Abdallah Zekri. "Lorsqu'il y a eu ces attaques du 7 janvier nous avons dénoncé ces crimes et manifesté notre solidarité. Mais quand je vois ça je vous avoue que je n'ai pas du tout l'intention de commémorer quoi que ce soit le 7 janvier".

Les attentats des 7, 8 et 9 janvier à Paris par les frères Kouachi et Amédy Coulibaly, visant des journalistes et des Juifs, avaient été revendiqués par Daech et Al-Qaïda. Profondément marqués par le plus grave attentat dans le pays depuis des décennies, avant les terribles massacres du 13 novembre, les Français avaient manifesté en masse le dimanche 11 janvier leur solidarité aux victimes et pour la liberté de la presse, ainsi que celle de caricaturer, en disant "je suis Charlie". Le "numéro des survivants" de l'hebdomadaire proclamant "tout est pardonné" s'était également arraché à 7,5 millions d'exemplaires en France et à l'étranger.

 

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