Les médecins ne sont décidément plus des toubibs...
TRIBUNE
La pandémie actuelle, la première dans des pays riches depuis 1920, a définitivement fait basculer la médecine dans la technologie et la technocratie.
Les médecins libéraux, cette catégorie autrefois prestigieuse mais aujourd'hui rentrée dans le rang des "professionnels de santé", ont tout simplement lâché prise.
Certes, depuis longtemps, ces médecins étaient dans la main de la "Sécu": leurs revenus, leurs habitudes de prescription, leurs frais,... tout est codifié, analysé et normalisé. Les médecins libéraux s'en remettent avec une certaine complaisance à ses diktats, compensés par ses facilités. Seule excuse, les employés de la Sécu, ayant une assez haute idée de la santé publique, savaient encore que, sans le premier rempart de la médecine libérale, beaucoup de maladies passeraient à travers les mailles du filet pour exploser un peu plus tard.
Depuis mars 2020, tout s'est modifié avec le coronavirus. La médecine libérale s'est vu interdire de traiter - d'ailleurs, elle a perdu l'habitude d'aller au chevet des patients - et la médecine hospitalière a été placée directement en première ligne par le pouvoir sanitaire. Ce dernier, voulant oublier que l'hôpital public était sporadiquement en grève depuis plusieurs mois, a fait ruisseler sur lui des montagnes de crédits. Des oukases édictés à son profit sont venus rendre obligatoire le transfert direct du quasi-placebo doliprane - mis en vente libre - à la réanimation, sans passage par la case médecine de ville.
Aujourd'hui n'importe quel fonctionnaire à casquette peut vous déclarer malade, cas contact ou cas contact de cas contact, sans qu'un médecin l'ait confirmé, et peut vous expédier à l'hôpital ou, au mieux, en quarantaine. En se fondant au besoin sur le résultat de tests, dont la fiabilité est plus que contestable...
Etrangement, les quelques 100 000 médecins libéraux français n'ont absolument pas réagi pour défendre leur rôle, sans parler de ceux qui sont allés se confiner docilement en oubliant leur serment d'Hippocrate.
On croyait que leur Ordre était là pour les défendre et les piloter dans les batailles contre les microbes. Grosse erreur, l'Ordre, en dehors de défendre des intérêts corporatistes, est là pour servir de relais aux consignes étatiques. On sait que son origine et son histoire ont inscrit cette soumission dans ses gènes.
Et malheur au médecin qui déroge en appliquant un traitement préventif ou curatif : immédiatement détecté et dénoncé par la Sécu et/ou les apothicaires, il se voit "rappelé à l'Ordre".
Et d'ailleurs il n'est pas si facile d'appliquer un traitement. La plupart des produits de traitement de terrain cités ici ou là ne sont plus disponibles ; d'une part, ils ne sont plus fabriqués car, peu chers, ne sont plus assez rentables pour l'industrie pharmaceutique, même pour les génériqueurs. Dans certains cas en outre, les pharmaciens, obéissant eux aussi à leur Ordre, refusent de délivrer.
De toutes façons, des polémiques acharnées et orientées ont presque réussi à discréditer les traitements de base tentés par tel ou tel mandarin. Sans jamais dire qu'il n'y avait aucun autre traitement crédible.
En médecine, la lutte contre les microbes ne passe donc plus par le "colloque singulier" entre le médecin et le malade, mais par des protocoles. Les machines détectent, les institutions décrètent et on applique alors le protocole officiel.
Désormais, les plus hauts personnages de l'Etat, au lieu de s'occuper des grandes options régaliennes, se délectent dans les aléas de la piquoûse. En fait, la messe était dite quand un discours d'investiture récent de Premier ministre a été consacré aux sujets sanitaires du moment : prix du tabac et vitesse sur les routes. Le covid serait arrivé deux ans plus tôt, il en aurait farci tous ses prolégomènes.
On lit ici ou là que la pandémie est moins létale dans les pays peu développés. Au-delà de controverses sur les produits y disponibles pour des traitements précoces, on relèvera seulement que le rôle du médecin dans ces pays, hérité de la courageuse médecine coloniale, y est resté celui du "toubib" de terrain dispensant aux malades les soins à sa portée. Même et surtout en cas d'épidémie.
Lionel Fleury est ancien coordinateur Médias-Santé à l'Université d'Aix-Marseille.
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