Haïti, un exemple de la politique occidentale et de la violation du droit du peuple haïtien (Partie 2)

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Catherine Roman pour France-Soir
Publié le 24 novembre 2023 - 18:30
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Haïti partie 2 Catherine Roman
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Hector Retamal / AFP
En février 2019, Port-au-Prince a connu plusieurs journées d'émeutes. Colère contre le président Jovenel Moïse. et mauvais usage du fonds Petrocaribe furent à l'origine de ces débordements.
Hector Retamal / AFP

"Pour détruire un peuple, on doit, en premier, couper complètement sa racine." (Alexandre Soljenitsyne)

 

4 - Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 et les ONG et autres organismes internationaux

Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a dévasté Haïti, ce qui a donné lieu à un pillage économique et à une destruction du tissu économique et social appuyé par l’USAID (United States Agency for International Development) et les Nations unies (Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti, MINUSTAH), sans parler de la Fondation Clinton. 

A ceci s’ajoute le Pentagone avec un rôle décisionnel dominant confié à l’US Southern Command (SOUTHCOM) avec un déploiement massif de matériel et de personnel militaires. L’absence totale de gouvernement fonctionnel en Haïti a été utilisée pour légitimer, sur une base humanitaire, l’envoi d’une puissante force militaire, laquelle a de facto pris le contrôle de plusieurs fonctions gouvernementales, du trafic aérien et de la gestion de l’aéroport de la capitale, Port-au-Prince. La militarisation des opérations d’aide humanitaire affaiblira les capacités organisationnelles des Haïtiens pour reconstruire et restaurer les institutions détruites du gouvernement civil.

La mission tacite de SOUTHCOM, avec son quartier général à Miami et des installations militaires des Etats-Unis à travers l’Amérique latine, est d’assurer le maintien de régimes nationaux serviles, gouvernements par procuration ou délégation, dévoués à un programme de politique néo-libérale. 

Bien que le personnel militaire US ait été au départ impliqué dans l’aide d’urgence et le secours aux sinistrés, cette présence militaire des Etats-Unis renouvelée en Haïti servira à poursuivre les objectifs stratégiques et géopolitiques des Etats-Unis dans le bassin des Caraïbes, objectifs largement dirigés contre Cuba et le Venezuela, et en accord avec la doctrine Monroe qui vise à affirmer le contrôle géopolitique de la région par les USA.

Les activités de la MINUSTAH seront coordonnées à celles de SOUTHCOM, la mission de l’ONU sera contrôlée de facto par l’armée américaine. La MINUSTAH, arrivée dans le pays au lendemain du coup d’Etat de 2004, est restée 13 ans dans le pays jusqu’en 2017, ce qui a achevé de déstructurer le pays et a provoqué des exactions des soldats de l’ONU. Le départ de la MINSUTAH a été suivi par la mise en place de la MINUJUSTH, mission qui lui a succédé.

Comme d’habitude, l’aide humanitaire est allée en grande partie aux entreprises, agences gouvernementales et organismes non gouvernementaux (ONG) des pays donateurs et principalement aux entités de la région de Washington (Etats-Unis).

A titre d’exemple, le Clinton-Bush Haiti Fund a investi de l’argent de l’aide humanitaire dans un hôtel cinq étoiles, alors que 500 000 Haïtiens vivaient toujours dans des camps de déplacés. Le rôle de l’International Finance Corporation (IFC), membre du groupe de la Banque mondiale, n’est pas non plus sans critiques avec le financement d’un nouvel hôtel Marriott sur l’île (presque la moitié des investissements de l’IFC ont aidé à construire des hôtels luxueux en Haïti alors que le département d’Etat US demande aux ressortissants étrangers de ne pas séjourner dans le pays sous prétexte de violence endémique). 

Le domaine si convoité de l’industrie minière n’échappe pas à la réécriture de la Constitution haïtienne avec la bénédiction de la Banque mondiale au profit des compagnies minières notamment américaines par l’octroi de dérogations en violation de cette Constitution (ce fut notamment le cas pour la compagnie Newmont).

Après ce séisme dévastateur de 2010, la Croix-Rouge US a recueilli près d’un demi-milliard de dollars pour porter secours à Haïti. Mais, selon une enquête publiée par les sites d’investigation ProPublica et NPR, "l’organisation a enchaîné les échecs sur le terrain ", et a grossièrement exagéré les montants alloués à la reconstruction du pays.

Le même doute plane sur l’emploi des fonds alloués à Bill Clinton, co-président du Fonds de reconstruction d’Haïti.

En 2013, trois ans après le tremblement de terre meurtrier, près de six milliards de dollars avaient été dépensés en Haïti sans que rien de réellement concret ait été fait. Une grande partie l’argent a disparu. 

Un des dangers vient également de la perception que le peuple haïtien a reçu énormément d’argent d’aide internationale, et malgré tout, n’arrive pas à transformer sa condition de vie, ce qui constitue une déception morale profonde pour le peuple receveur et un découragement certain chez les peuples donateurs.

De même, on notera une tentative de colonisation culturelle et religieuse des Etats-Unis par l'entremise de groupes religieux d’obédiences diverses et variées (de la scientologie aux groupes chrétiens fondamentalistes)

5 – Le Parc industriel de Caracol (PIC) et la baisse de l’économie rurale

Les investissements US et de la Banque interaméricaine de développement (BID) en appui au Parc Industriel Caracol sont également une source de désolation pour les citoyens haïtiens. Les salaires versés aux employés sont misérables et la plupart des fermiers chassés de leurs terres pour laisser la place au parc sont toujours en grande majorité sans terre. Avant, Caracol était le grenier du département du Nord-Est qui doit aujourd’hui faire face à une pénurie de certains produits locaux. Dans les années 1950, l’agriculture représentait 90 % des exportations haïtiennes. 

Aujourd’hui, 90 % des exportations sont des produits vestimentaires, alors que la moitié de la nourriture du pays est importée. Le Council on Hemispheric Affairs a critiqué Bill Clinton et d’autres anciens présidents US d'avoir maintenu Haïti dans une condition de "pauvreté endémique par le biais d’une politique intéressée d’exportation de riz… Dès 2003, environ 80 % de tout le riz consommé en Haïti était importé des Etats-Unis". La baisse de l’économie issue de l’agriculture a provoqué un exode massif des populations rurales. 

Cette situation a un impact extrêmement négatif sur les zones urbaines, entraînant une augmentation de la population des bidonvilles et une détérioration significative des conditions de vie. Une concurrence accrue de l’économie informelle dans les zones urbaines entraîne également une baisse des revenus dans cette zone. Cette situation a généré un accroissement de la violence.

La pauvreté en Haïti est présentée de façon perverse à la population comme son principal atout dans une économie capitaliste mondialisée (marché du travail peu réglementé, compétitivité du coût du travail face à la Chine…).

6- Où sont les fonds de Petrocaribe en Haïti ?

Au cours de l’année 2006, le président vénézuélien Hugo Chavez a permis la participation d’Haïti au programme Petrocaribe de soutien socio-économique promouvant les échanges Sud-Sud. Quoique le pétrole vénézuélien fut livré au prix du marché, le mode de paiement étalé sur 25 ans avec un très faible taux d’intérêt de 1 % faisait de ce programme une bouffée d'oxygène pour Haïti et les 17 autres Etats qui y participèrent. Rappelons qu’après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, qui fit plus de 300 000 morts et un million de sinistrés, le Venezuela annula 395 millions de dollars de la dette d'Haïti en plus du soutien humanitaire direct qu'il lui apporta L’accord Petrocaribe a généré près de 4 milliards de dollars mais aujourd’hui, il ne reste rien de ces fonds. En effet, l’argent de Petrocaribe a été scandaleusement gaspillé au vu et au su de tout le monde en Haïti, sans que les objectifs poursuivis de bien-être et de progrès en faveur du peuple haïtien aient été réalisés.

Française, Catherine Roman a vécu quelques années en Russie. Elle travaille dans le secteur des chiffres et se passionne pour la géopolitique et l'intelligence économique.

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