De Gaulle : "Il ne faut jamais se prosterner"
CHRONIQUE - En ces temps de campagne électorale, voilà déjà une idée pour les candidats à la présidence de la République, quelle que soit leur appartenance partisane, puisqu'il est désormais acquis que "tout le monde a été, est ou sera gaulliste", suivant le mot du Général.
La scène a lieu au palais de l'Élysée le 8 août 1962. Elle est rapportée par Alain Peyrefitte dans "C'était de Gaulle" : "Au milieu de tant de soucis, de déceptions et d'espoirs, de Gaulle s'est accordé une récréation en offrant un déjeuner intime à Eisenhower, de passage à Paris".
Même s'il n'est plus président des États-Unis, de Gaulle fait appliquer le protocole réservé aux chefs d'État. Deux géants de la Seconde Guerre mondiale se retrouvent. Eisenhower "est définitivement un homme de l'Histoire. On continue donc à le traiter comme tel", écrit Peyrefitte, qui dépeint le visiteur du Général : "inchangé, indestructible (...), si simple (...) qu'on est saisi du contraste entre le respect presque sacré qu'impose sa gloire, et la bonhomie modeste de son comportement".
S'adressant à de Gaulle, Eisenhower évoque la conférence au sommet organisée, en mai 1960, à l'Élysée : "Devant vous et Macmillan, Khrouchtchev s'était lancé dans une violente diatribe contre moi". La cause : un avion américain abattu quelques jours plus tôt alors qu'il survolait l'Ukraine. Ce survol de l'Union soviétique à haute altitude avait lieu depuis plusieurs années. Mais les Soviétiques, pour frapper l'opinion, avaient choisi la veille de cette conférence de Paris pour abattre un avion américain.
"Comme Khrouchtchev s'emportait, s'emportait, insultait l'Amérique en disant qu'elle était aussi hypocrite qu'une fille vertueuse qui s'est déjà fait coller une douzaine de bâtards, vous avez été -dit Eisenhower en se tournant vers de Gaulle- d'un flegme admirable. Khrouchtchev exigeait que je lui fasse des excuses. Vous avez coupé court (...) et vous lui avez dit calmement que, dans ces conditions, vous ne pouviez, à votre grand regret, que constater l'échec de la conférence de Paris et lever la séance. J'étais prêt à m'excuser".
Et de Gaulle de répondre : "Vos excuses n'auraient servi à rien. Il était prêt à tout casser. Il ne faut jamais se prosterner".
Ce "Il ne faut jamais se prosterner" est une leçon de vie.
Pas davantage que l'on ne saurait demander au peuple allemand de s'excuser éternellement de la folie criminelle d'Adolf Hitler, il ne saurait être question d'appeler périodiquement le peuple français à "revisiter" son passé et à battre sa coulpe pour des évènements qui appartiennent à l'Histoire, et dont les Françaises et les Français d'aujourd'hui ne sont en aucune manière responsables.
Les champions de la repentance et les tenants de l'excuse devraient s'inspirer du "Ne jamais se prosterner" du général de Gaulle.
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