Avez-vous compris où en était l’épidémie de CoVid-19 ?

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Stéphane Gayet pour FranceSoir
Publié le 28 août 2020 - 16:57
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Tribune : L’épidémie de CoVid-19 est arrivée en France en tout début d’année. On a commencé à parler de la situation en métropole au cours du mois de février. Cette épidémie encore débutante est venue bousculer la préparation du premier tour des élections municipales, fixé au dimanche 15 mars 2020. Ce télescopage de deux événements – l’un planifié, l’autre imprévu et subi – a constitué un sérieux obstacle à la bonne gestion du second à son stade initial. Le gouvernement a fait le choix de maintenir la date du premier tour, malgré la confirmation de la progressive installation de l’épidémie en France. Et ce même gouvernement de décider, non dans une certaine précipitation, un confinement généralisé et obligatoire prenant effet mardi 17 mars, soit le surlendemain du premier tour des élections. C’est probablement là que s’est joué l’avenir épidémique et économique de la France en 2020.

 

Il est ardu de s’y retrouver parmi tous les indicateurs de santé disponibles

Il est assez difficile de suivre correctement l’épidémie, ne serait-ce qu’en France, en raison de l’hétérogénéité des informations qui nous sont données quotidiennement par les différents médias. On nous parle tantôt de décès, tantôt de personnes accueillies en service d’urgences, tantôt d’individus nouvellement hospitalisés, tantôt de personnes en cours d’hospitalisation, tantôt de malades encore soignés en réanimation, tantôt de personnes infectées sans plus de précisions, tantôt de sujets testés avec un résultat positif… Comment s’y retrouver ? Que comprendre dans toutes ces données ?

Le site « GEO données en santé publique » de Santé publique France met à la disposition de tous de nombreux indicateurs de morbidité, de mortalité et de biologie concernant la CoVid-19 : une quarantaine dans le domaine de la morbidité (maladies) et la mortalité (décès) et une vingtaine dans celui des analyses biologiques (prélèvements).

Parmi ces quelque soixante indicateurs en libre consultation, il est particulièrement ardu de s’y retrouver pour le non initié. Parallèlement, le flux quotidien de données quantitatives ou plus souvent semi-quantitatives, voire qualitatives, apporté par les médias, est plutôt indécryptable et qui plus est volontiers tendancieux.

 

Les six indicateurs les plus pertinents et synthétiques pour suivre l’épidémie en France

On ne fait pas la guerre à un virus qui n’est qu’un brin d’ARN encapsidé associé à quelques enzymes ; on ne peut pas non plus éradiquer le SARS-CoV-2 parce qu’il y a beaucoup de porteurs asymptomatiques et que ce virus peut infecter certains animaux mammifères. Ce virus circule actuellement en France comme dans d’autres pays du monde et c’est inéluctable, car il se transmet assez facilement d’une personne à l’autre ; d’autant plus facilement qu’outre les porteurs excréteurs asymptomatiques, les malades paucisymptomatiques (très peu de manifestations et maintien de leurs activités) et symptomatiques sont fréquemment déjà contagieux deux à trois jours avant le tout début des symptômes (ce que l’on ressent) et des signes (ce que l’on constate).

Depuis des semaines, on pratique beaucoup de tests viraux qui permettent de détecter l’ARN du virus dans les fosses nasales : de l’ordre de 120 000 personnes font actuellement l’objet de ce test (désagréable) chaque jour ; le nombre quotidien de tests réalisés augmente régulièrement (il était aux alentours de 70 000 le 15 juillet).

Voici l’évolution du nombre quotidien de personnes testées (indicateur 4 : voir plus loin).

 Leur taux de positivité est longtemps resté proche de 2 % et il a augmenté récemment jusqu’à 4 %. Certes, mais plus de la moitié de ces personnes est asymptomatique et bon nombre sont paucisymptomatiques. Cette dernière précision n’a été révélée que tout récemment ; elle est pourtant essentielle pour une bonne compréhension du phénomène épidémique.

Il est hautement probable que la fin de l’épidémie (et de la pandémie) sera obtenue grâce à une immunisation collective, sachant que cette infection virale est immunisante. Cette immunisation collective nécessite une circulation active, mais « douce » du virus : plus on est contaminé intensément (beaucoup de particules virales lors de la contamination : c’est l’inoculum) et plus on a tendance à développer une forme symptomatique, voire sévère ; en d’autres termes, il vaut mieux être contaminé par une personne porteuse excrétrice asymptomatique que par une personne franchement malade (car le niveau de contagiosité est lui-même fonction de l’intensité de l’infection). Une circulation active, mais « douce » du virus est donc une circulation assurée par des sujets porteurs excréteurs asymptomatiques. En fin de compte, les mesures préventives (mesures d’hygiène, encore appelées mesures « barrières ») servent à freiner la diffusion virale (on ne peut pas l’empêcher) de façon à éviter un emballement de l’épidémie. Mais il faut de toute façon que l’immunisation collective s’effectue.

 

Parmi les nombreux indicateurs mis à disposition par Santé publique France, six me paraissent pertinents pour comprendre ce qui se passe actuellement :

1. Le nombre quotidien de personnes nouvellement hospitalisées spécifiquement pour CoVid-19.

2. Le nombre quotidien de personnes nouvellement admises en réanimation pour CoVid-19.

3. Le nombre quotidien de personnes nouvellement décédées d’une CoVid-19.

4. Le nombre quotidien de personnes testées à la recherche de l’ARN du SARS-CoV-2.

5. Le nombre quotidien de personnes testées pour SARS-CoV-2 avec un résultat positif.

6. Le taux quotidien de positivité des tests effectués (rapport de l’indicateur 5 sur l’indicateur 4, multiplié par 100).

La courbe épidémique en France métropolitaine est à un niveau bas et assez plat

Voici la courbe des indicateurs 1, 2 et 3 depuis le 19 mars 2020, et un grossissement avec changement d’échelle depuis le 1er juin 2020. L’indicateur 2 a été multiplié par un facteur de 3,5 de façon à le faire apparaître avec la même échelle que les deux autres : il faut donc diviser par 3,5 la valeur affichée pour connaître la valeur exacte.

On voit que la courbe épidémique est assez plate et basse depuis début juin. Il existe néanmoins une légère augmentation depuis fin juillet et nous avons retrouvé le niveau de début juin. Les jours qui viennent nous diront si cette augmentation se confirme ou pas. Mais a priori, la vague épidémique est sur le déclin. Néanmoins, le maintien des mesures préventives (essentiellement le port du masque à l’intérieur des locaux) paraît nécessaire pour continuer à freiner la diffusion du virus ; toutefois, leur durcissement est quand même plus difficile à justifier.

Voilà donc ce que l’on peut dire de façon synthétique en cette fin du mois d’août, mais il y a bien sûr lieu de rester prudent étant donné ce que virus nous a déjà réservé des surprises.

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier

 

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