Critique- "Ága" : le grand blanc (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 19 novembre 2018 - 15:51
Mis à jour le 21 novembre 2018 - 15:57
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Film Aga
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©Arizona Films
Feodovia Ivanova (à gauche) et Mikhail Aprosimov sont les deux acteurs principaux du film.
©Arizona Films
CRITIQUE – Présenté hors-compétition au dernier Festival de Berlin en février dernier, le film "Ága", qui sort ce mercredi, raconte la vie quotidienne d'un couple de vieux Iakoutes, dans le nord-est de la Sibérie, que leur fille a quittés pour aller vivre à la ville.

SORTIE CINÉ – Dans le grand Nord sibérien, tout blanc de neige, un couple de vieux Iakoutes vit harmonieusement son quotidien traditionnel, loin du monde moderne: c'est un grand bol d'air frais qu'offre le film Ága, qui sort ce mercredi 21 novembre sur les écrans français.

Tous deux ont la cinquantaine. Ils vivent dans une yourte isolée au milieu de l'étendue blanche, sans personne aux alentours. Chaque matin l'homme, Nanouk, part en traîneau avec son chien en quête de nourriture, posant des pièges ou creusant des trous dans la glace pour pêcher du poisson. Sa femme, Sedna, répare les filets de pêche et tanne les peaux de bêtes pour en faire des vêtements chauds.

Ils ont tout le confort sous leur tente: chaudière à bois, lampe à pétrole, poste de radio. En guise de réseaux sociaux, le soir avant de s'endormir l'un contre l'autre, ils se racontent des histoires de rennes ou d'ours.

Lire aussi – En Sibérie, les éleveurs de rennes face au rouleau compresseur pétrolier

Ils sont isolés du monde, parfois un avion passe et laisse dans le ciel sa traînée blanche, de temps en temps un jeune homme à moto-ski vient leur apporter, de la ville, du bois de chauffage, du pétrole, du tabac et des nouvelles de leur fille Ága. Celle-ci a abandonné cette vie traditionnelle et rude pour aller vivre à la ville et travailler à la mine de diamants, et s'est fâchée avec son père depuis plusieurs années…

Tourné en Iakoutie, région du nord-est de la Sibérie, Ága est le deuxième film du réalisateur bulgare Milko Lazarov. Il a été présenté hors-compétition en clôture du dernier Festival de Berlin.

Le tournage, sur place, a duré 36 jours. "Nous étions équipés comme des explorateurs au Pôle nord, ce qui fait que nous n’avons jamais eu froid, même par –30 degrés au début du tournage, puis –42 par la suite. Nous passions environ 13 heures par jour dehors, sans jamais souffrir des températures, grâce à notre équipement", raconte le réalisateur.

Le film est contemplatif, a un rythme lent et s'intéresse au quotidien de ce vieux couple iakoute, entre deux vues de paysages superbes dans les immensités blanches et glacées où le ciel se confond avec la terre. Il fait penser à Nanouk l'Esquimau, le long-métrage documentaire (voir un extrait ici) réalisé en 1922 par l'Américain Robert Flaherty –et à l'origine du mot "esquimau" déposé par les glaces Gervais en 1928 pour désigner les bâtonnets glacés vendus à l'entracte dans les cinémas.

Lire la critique – Dans les forêts de Sibérie: un grand bol d'air frais

Mais ce n'est pas un documentaire. Même s'il ne se passe pas grand-chose pendant la première moitié du film, vers la fin l'histoire humaine prend corps, on est pris par l'émotion, l'épilogue réchauffe le cœur après une heure et demie de paysages glacés.

Ces paysages, loin du monde moderne et de la civilisation citadine, sont bien sûr d'une extrême beauté –falaises et rochers à la lisière de la toundra, grands espaces enneigés, tempête, corbeaux et rennes– et donnent au spectateur un inhabituel grand bol d'air frais. Mais on s'intéresse finalement plus aux êtres humains qu'à la nature, et à l'histoire simple de ce couple de vieux Iakoutes qui rêvent de renouer les liens avec leur fille: les visages burinés en gros plan des deux acteurs principaux sont le plus beau des paysages dans ce film limpide, apaisant et émouvant.

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