Référé-Liberté de Me Krikorian : passe sanitaire, ou comment fracturer un peu plus la société française

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FranceSoir
Publié le 22 juillet 2021 - 17:54
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Philippe Krikorian le retour
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Me Philippe Krikorian de retour
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Me Krikorian a écouté l’allocution du président et comme beaucoup de Francais s’est interrogé sur la portée des décisions liberticides sur le passe sanitaire ou la vaccination obligatoire des soignants. Le projet de loi est en cours de discussion à l’Assemblée nationale et Me Krikorian a déposé sa requête hier afin d’obtenir réponse au plus vite. 

Il a répondu à nos questions :

 

Entretien

FS : Maître Krikorian, vous venez de déposer un référé-liberté devant le Conseil d'Etat par lequel vous demandez la suspension d'exécution de l'allocution télévisée du Président de la République en date du 12 juillet 2021 et une mesure d'injonction concernant le nouveau dispositif du passe sanitaire. Pourriez-vous nous en dire plus ? 

PK : Très volontiers ! Ce référé-liberté valeur de test démocratique. Il est fondé sur l'article L. 521-2 du Code de justice administrative ( CJA ) aux termes duquel : 

« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des referes peut ordonner toutes mesures necessaires a la sauvegarde d'une liberte fondamentale a laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit prive charge de la gestion d'un service public aurait porte, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illegale. Le juge des referes se prononce dans un delai de quarante-huit heures. » 

Je considère, en effet, qu'en présentant le futur vote comme un fait irrévocablement acquis et en ne précisant pas, lors de son allocution télévisée du 12 juillet 2021, que le dispositif dit passe sanitaire ne s'appliquerait pas aux situations suivantes : 

1) groupe familial au sein duquel l'un, au moins, des membres justifie d'une vaccination, d'un rétablissement ou d'un dépistage récent ne concluant pas à une contamination ;
2) réservation de l'activité par une ou plusieurs personnes avant l'entrée en vigueur du nouveau dispositif.
3) port du masque et respect de la distanciation physique par les personnes ne justifiant pas de l'une des trois modalités du passe sanitaire, 

Le Président de la République a d'ores et déjà, sans considération aucune du texte qui sera définitivement voté et promulgué, porté à la liberté d'aller et de venir ( articles 2 et 4 DDH ), ainsi qu'au droit au respect de la vie privée et familiale ( article 8 CEDH ), une atteinte grave et manifestement illégale, au sens et pour l'application de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative.

Imaginez, en effet, une famille au sein de laquelle deux membres sont vaccinés et les deux autres ne le sont pas. Que devra faire le restaurateur auquel s'appliquerait le nouveau dispositif ? Leur refuser l'accès à son établissement ou admettre seulement les deux membres vaccinés, scindant en deux cette famille d'estivants ? 

Devrons-nous, dès lors, nous en remettre à la Providence en espérant que le Parlement rejettera le projet gouvernemental ou agir selon les voies de droit ? 

C'est cette seconde option que j'ai choisie. Mon recours part du principe que le Président de la République n'a pas voulu mal faire, mais que l'absence de précisions dans son message aux Français du 12 juillet 2021 porte immédiatement atteinte aux libertés fondamentales susvisées, sans qu'on ait besoin d'attendre le vote définitif de la loi prévu début août. 

S'agissant d'une décision d'une autorité de l'Etat, sa justiciabilité ne devrait pas faire difficulté. On peut, en effet, raisonnablement apprécier l'allocution télévisée comme le vecteur d'une véritable norme juridique, à valeur de décret. Le Chef de l'Etat entend, ainsi, conditionner les Français, les préparer à respecter docilement le nouveau dispositif que le Premier ministre est chargé de mettreen œuvre. 

S'il devait être interprété littéralement, le projet de loi déposé ce mardi 20 juillet 2021 heurterait de front les motifs de l'ordonnance rendue le 6 juillet 2021 dernier par le juge des référés du Conseil d'Etat. 

 

Ainsi, pour rejeter la demande de suspension de la mise en œuvre du passe sanitaire, le juge des référés du Conseil d'Etat a énoncé, dans son ordonnance du 6 juillet 2021 (n°453505 – pièce n°4 de mon référé-liberté ) : 

« ( … ) 

13. Enfin, le passe sanitaire est de nature a permettre, par la limitation des flux et croisements de personnes qu'il implique, de reduire la circulation du virus de la covid-19 dans le pays. Son usage a ete restreint aux deplacements avec l'etranger, la Corse et l'outre-mer, d'une part, et a l'accès a des lieux de loisirs, d'autre part, sans que soient concernees les activites quotidiennes ou l'exercice des libertes de culte, de reunion ou de manifestation. En outre, l'usage de l'application TousAntiCovid demeure facultatif, les justificatifs pouvant etre produits par voie papier ou sur tout autre support numerique, au choix de la personne concernee. ( … ) », prenant soin de préciser que ce dispositif n'était pas manifestement illégal « ( … ) à la date de la presente ordonnance ( … ) », réservant, ainsi, l'avenir. 

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