Perturbateurs endocriniens : la définition de Bruxelles déçoit

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 17 juin 2016 - 12:36
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La Commission européenne assure s'être appuyée sur la définition établie par l'OMS en 2002 qui fait consensus dans le monde scientifique.
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La définition retenue par la Commission européenne pour caractériser les perturbateurs endocriniens a provoqué un tollé chez les associations de défense de l'environnement et les écologistes qui ont déploré un grand recul législatif et un "échec pour la santé publique".

"Désastreux", "catastrophique"... Jeudi 16, les associations de défense de l'environnement et les écologistes ont ouvertement crié leur colère et de leur déception après que Bruxelles a dévoilé les critères retenus dans la définition des perturbateurs endocriniens (PE).

"Un PE est une substance qui a des effets indésirables sur la santé humaine, qui agit sur le système hormonal et dont le lien entre les deux est prouvé", a déclaré le commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis, mercredi 15. Cette définition était censée aider à mieux réglementer au sein de l'Union européenne ces substances chimiques présentes dans de nombreux pesticides, plastiques, cosmétiques et conditionnements alimentaires, susceptibles de modifier le système hormonal et de provoquer des maladies comme le cancer du sein, l’infertilité ou encore le diabète et l’obésité.

Furieuses, les associations reprochent notamment à Bruxelles de restreindre les "effets indésirables" des PE à la santé humaine. Car certains signaux d'alerte proviennent du monde animal et tous ne sont pas forcement "pertinents" dans le sens de la définition. Les PE sont par exemple à l'origine de l'imposex, un trouble qui procure des pénis aux femelles bulot. Si aucun mal équivalent n'a été constaté à ce jour chez les humains, le constat n'en est pas moins alarmant. 

Autre critique: la Commission a renoncé à classer les PE dans un système de catégories calqué sur celui des cancérogènes. Au lieu de les répartir en trois groupes en fonction de leur dangerosité -substances actives, perturbateurs suspectés et perturbateurs avérés-, elle a finalement choisi de n'évoquer que les PE avérés comme tels. Elle exige donc un niveau de preuve d'effets nocifs très difficile à atteindre.

A titre de comparaison, à peine plus d’une centaine de substances atteignent le "statut" de cancérogène certain pour l’homme selon la classification de l’OMS. Parmi elles l’amiante, le tabac ou l’arsenic. " La Commission européenne a placé la barre si haut qu’il sera ardu de l’atteindre, quand bien même il existe les preuves scientifiques de dommages", déplore l’Endocrine Society, la société savante des endocrinologue, dans un communiqué, fustigeant un "échec pour la santé publique".

"Le niveau de preuve est si élevé qu’il nous faudra attendre des années de dégâts sur la santé avant de pouvoir retirer du marché" un perturbateur endocrinien, analyse quant à elle Lisette van Vliet, de l’association HEAL, qui représente plus de 70 ONG santé-environnement en Europe, citée par Le Monde.

Enfin, la Commission propose de modifier les clauses d'exception de la loi de 2009 relative aux pesticides. Alors que cette loi interdisait toute substance contenant un PE dès qu'elle est en contact avec l'homme, Bruxelles propose désormais de remplacer le terme "exposition" par "risque". "On va devoir désormais procéder à une évaluation de risques pour identifier les effets sur la santé d’une substance et déterminer les doses à laquelle elle n’aura pas d’effet sur l’être humain, un travail de recherche lourd et complexe", explique Rémy Slama, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), à Libération.

Pour Michèle Rivasi, la députée européenne du groupe Verts/Alliance, ce dispositif va "totalement à l’encontre de la législation européenne qui défend l’idée de l’évaluation des substances selon le danger intrinsèque qu’elles représentent et non pas le risque supposé qu’elles pourraient causer".

Etonnement, l'industrie chimique n'est pas non plus satisfaite de la définition de la Commission. Car, pour l’Association européenne de l’industrie phytosanitaire (ECPA), qui compte parmi ses membres Bayer, Syngenta ou Monsanto, les critères retenus ne distinguent pas "les substances qui sont vraiment nocives et les autres qui ne posent aucune menace à la sécurité des humains". "Selon nous, cela pourrait mener à l’interdiction de pesticides avec les mêmes propriétés de perturbateur endocrinien que l’on retrouve dans des produits de la vie courante comme le café", regrette Jean-Charles Bocquet, directeur général de l’ECPA.

Face à la polémique, la Commission européenne assure s'être appuyée sur la définition établie par l'OMS en 2002 qui fait consensus dans le monde scientifique. Désormais, les Etats membres, le Parlement européen et le Conseil devront valider cette définition. Un processus qui s'annonce compliqué. "Les écologistes s’opposeront fermement (à cette proposition) au Parlement européen", a prévenu Michèle Rivasi.

 

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