Lutte contre les mariages forcés. Les jeunes filles en danger peuvent demander au juge une interdiction de sortie du territoire

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Laurence Beneux
Publié le 19 juillet 2024 - 09:30
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Lutte contre les mariages forcés. Les jeunes filles en danger peuvent demander au juge une interdiction de sortie du territoire
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La loi du 13 juin 2024 vient de renforcer les mesures visant à protéger les femmes victimes de violences. Ces dernières peuvent désormais obtenir une ordonnance de protection provisoire à effet immédiat, délivrée par le juge en 24 heures. Cela permet de pallier à l’urgence durant les six jours nécessaires au juge pour rendre une ordonnance de protection telle qu’instaurée par la loi de 2010, dont les effets sont par ailleurs prolongés de 6 mois à 12 mois. Dans ce contexte, les filles et jeunes femmes menacées d’un mariage forcé, dont elles sont les principales victimes, peuvent demander une interdiction temporaire de sortie du territoire avec un effet immédiat.

4% des femmes immigrées vivant en France et 2% des filles d’immigrés, nées en France, âgées de 26 à 50 ans ont subi un mariage non-consenti. Ce sont les chiffres donnés par l’Observatoire national des violences faites aux femmes dans sa lettre d’information d’octobre 2014.

Certes la pratique tend à diminuer et elle est illégale dans la plupart des pays du monde, mais elle perdure. Les filles les plus à risques d’être contrainte à un mariage non désiré sont celles d’origine maghrébine, turque ou sub-saharienne.  

Les garçons peuvent aussi être victimes de mariage forcé, mais dans une bien moindre mesure. En 2014, l’Unicef avance que les filles représentent 82% des enfants mariés avant l’âge de 18 ans et 93% de ceux mariés avant l’âge de 15 ans, dans le monde.

Il est à souligner qu’en France, l’âge de nubilité des filles n’a été porté à 18 ans au lieu 15 ans, comme pour les garçons, qu’en 2006.

Les victimes de mariage forcé subissent des violences multiples avant le mariage comme après.

La Fédération Nationale GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles) fait le bilan des violences subies par des jeunes filles, dont le futur conjoint est parfois choisi par leur famille peu après leur naissance, pour les contraindre au mariage :

  • La pression affective, « C’est pour ton bien, écoute tes parents…», « Si tu es une fille respectueuse, tu dois nous obéir. » ;
  • Le harcèlement moral, avec une répétition quotidienne de la volonté familiale ;
  • La culpabilisation et la « parentification » des enfants, « De ton mariage dépend l’honneur de la famille », « Ton père me divorcera si tu refuses de te marier à cet homme. », « Je vais tomber malade et mourir si tu refuses… » ;
  • La menace du reniement, « Si tu ne te maries pas, tu n’es plus notre fille», « Si tu ne maries pas, nous te mettrons à la porte » ;
  • La dévalorisation, « Tu n’es qu’une incapable, personne ne voudra de toi si tu n’épouses pas cet homme », « Tu n’es rien si tu ne suis pas la volonté familiale, tu ne pourras pas t’en sortir » ;
  • Des violences psychologiques,
  • Des violences physiques et matérielles (parents qui coupent l’eau chaude lorsque leur fille prend une douche, interdiction de manger à table avec le reste de la famille, suppression de l’argent donné pour la cantine, etc.).

(source Fédération Nationale GAMS)

Les violences peuvent aller jusqu’aux coups, à la séquestration et à l’enlèvement à l’étranger.

Les causes de ces mariages ? La coutume et un repli identitaire, la crainte de voir les filles s’émanciper et salir l’honneur de la famille, la peur d’une « mésalliance » avec une personne d’une autre ethnie ou d’une autre religion, l’obtention d’un titre de séjour pour un proche, …

Après le mariage, les victimes sont aussi en grand risque de subir des violences, notamment sexuelles, et des grossesses non désirées, parfois précoces si les épousées sont mineures. Car bien qu’interdits, des mariages religieux ou coutumiers de mineures continuent d’être pratiqués, avec pour conséquences des relations sexuelles contraintes.

Certaines victimes contractent aussi des MST transmises par leurs conjoints qui, eux, ne sont pas obligés d’arriver vierges au mariage pour préserver l’honneur de la famille.

Bien sûr, tout l’arsenal législatif réprimant le viol sur mineurs, le viol conjugal et les violences s’appliquent alors.

En cas de déplacement à l’étranger, dans un pays moins regardant concernant ces pratiques, il existe un délit d’enlèvement ou de tentative d’enlèvement, sans violences, par un tiers, puni d’une peine de 5 ans et de 75000 euros d’amende.

Reste que le mal est fait. Et que nombre de mariages forcés sont pratiqués durant les vacances dans les pays d’origine des familles.

Les filles et jeunes femmes qui savent, ou soupçonnent, que leurs familles ont pour projet de les contraindre au mariage durant le voyage, peuvent désormais obtenir immédiatement une interdiction temporaire de sortie du territoire français avec inscription au fichier des personnes recherchées demandée par le procureur. Si les soupçons doivent être sérieux, ils peuvent être prouvés par tout moyen (sms, messages, écrits, témoignages…).

Les victimes peuvent aussi obtenir les autres mesures de protection prévues par la loi : suspension des droits d’hébergement et de visite pour les mineurs, ou la dissimulation de son domicile ou de sa résidence qui sera effacée même des listes électorales.

Les ONG préconisent aussi une vigilance accrue concernant le reste de la fratrie, notamment les sœurs.

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