Un fait divers impliquant la police parisienne passe sous le radar. Pourquoi ?
FAIT DIVERS - Lors d’une intervention pour interpeler un individu armé, une voiture de police a quitté la route et blessé 5 piétons samedi soir, dans le XIXe arrondissement de Paris. Aucun blessé grave mais victimes et témoins comme policiers sont très choqués (voir notre article du 6 février).
Samedi dernier, le 3 février à 23 heures 15, une voiture de police, gyrophares et sirène en marche, descend à grande vitesse l’avenue Mathurin-Moreau et s’apprête à prendre un virage serré rue des Chaufourniers dans le XIXe arrondissement de Paris. À l’intérieur, un équipage de quatre policiers en route pour interpeller un individu armé d’un fusil (qui s’avèrera être un fusil à pompe), signalé non loin de là.
À l’angle de l’avenue et de la rue, des piétons bavardent ou fument une cigarette sur la terrasse d’un café. En amorçant son virage, le conducteur croit voir une ombre et donne un coup de volant pour l’éviter. Le véhicule de police quitte la route et s’encastre dans un poteau métallique (qui se trouve fort heureusement placé pour protéger la terrasse de l’établissement) et dans une voiture à l’entrée de la rue des Chaufourniers, mais renverse au passage cinq piétons, membres de la même famille, qui se détendent après avoir passé la journée à déménager un appartement situé sur l’avenue Mathurin-Moreau.
Trois d’entre eux, jeunes, sont très légèrement blessés, un homme plus âgé perd connaissance et souffre de contusions multiples, et une jeune femme a la mâchoire fracturée.
Les secours et des cadres de la police arrivent rapidement sur les lieux. Les policiers accidentés subissent un test d’alcoolémie qui se révèle négatif. Ils sont physiquement indemnes mais en état de choc, et la Préfecture de Police de Paris nous a d’ailleurs indiqué hier soir qu’un soutien psychologique leur a été offert.
"Nous sommes en alerte attentat élevée", nous rappelle une source policière, "et il ne faut pas oublier que ce jour-là, il y a eu une attaque au couteau gare de Lyon, qui a fait trois blessés, et que nous avons d’abord considérée comme terroriste, même si le parquet n’a, par la suite, pas retenu cette qualification."
On nous explique que les policiers en intervention ce soir-là ont envisagé que l’homme armé s’en prenne lui aussi à des passants innocents et qu’ils étaient donc sous pression.
"Notre angoisse, c’est qu’il y ait un bain de sang et notre première préoccupation est de l’éviter à tout prix", nous dit encore le policier en contact avec ses collègues accidentés.
La Préfecture de Police nous a d’ailleurs indiqué que, si « les faits ont entraîné la saisine du Service du traitement judiciaire des accidents (STJA) et de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) par le parquet qui leur a confié l’enquête pénale, rien n’est venu à ce stade justifier l’ouverture d’une enquête administrative ».
Le civil ayant perdu connaissance a rapidement été emmené à l’hôpital. Les autres blessés ont dû, en revanche, attendre plus d’une heure.
"Nous avons eu énormément de chance", nous dit quand même une des victimes, "ça aurait pu être beaucoup plus grave". Elle nous déclare que les blessés ont été auditionnés et ont porté plainte.
« Énormément de chance », c’est aussi ce que pense un des témoins de l’accident à l’intérieur du restaurant au moment du choc : « S’il n’y avait pas eu le poteau, la voiture serait certainement entrée dans le restaurant ! » Elle nous explique que soudainement, à 23 heures 15, les clients dans l’établissement ont entendu un énorme choc, puis des gens qui hurlaient.
"Pour tout vous dire, nous avons pensé à une attaque terroriste. Des gens se sont d’ailleurs abrités derrière les tables", nous raconte-t-elle.
"J’ai été prise d’un tremblement qui m’a parcouru tout le corps. Nous avons tous été extrêmement choqués", ajoute-t-elle.
Paradoxalement, les témoins parlent d’ailleurs avec plus de colère que les victimes de l’accident qui, certes, veulent obtenir des explications et réparations, mais expriment surtout un soulagement d’avoir, dans leur malheur, échappé au pire.
Une question qui revient avec force est : "Comment se fait-il qu’on en ait parlé nulle part dans les jours qui ont suivi ?"
"J’ai écumé Internet en vain à la recherche d’une mention de ce fait divers qui était quand même grave et aurait pu l’être plus encore", commente un témoin avec perplexité.
De notre côté, quand nous avons été alertés des faits par des clients du restaurant et que nous avons commencé nos recherches pour en savoir plus sur le déroulement des évènements, nous avons constaté que des policiers en service ce soir-là n’avaient pas eu vent de l’accident impliquant leurs collègues. Et nous n’avons effectivement pas trouvé une ligne sur l’accident, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux.
Pourquoi ?
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