Six migrants jugés ce lundi pour avoir forcé un barrage
Huit manifestants, dont six migrants, sont jugés ce lundi 22 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) pour être montés en janvier sur un ferry dans le port de Calais en forçant un barrage, au moment où le gouvernement durcit son attitude à l'égard de cette population qu'il veut contraindre à quitter d'urgence la "jungle".
A l'origine de cet incident ayant conduit au blocage du port trois heures durant le 23 janvier, une manifestation de migrants, de militants et de sympathisants venus de plusieurs pays européens. Ils réclamaient l'ouverture de la frontière avec le Royaume-Uni où ils espèrent couler des jours meilleurs et échapper aux conditions précaires de la "jungle", camp situé à l'est de Calais, où vivent encore aujourd'hui 3.700 réfugiés selon la préfecture.
Quelque 2.000 personnes avaient défilé dans les rues de la cité portuaire, faisant écho à une manifestation d'importance similaire mi-septembre, à laquelle plusieurs ONG internationales avaient participé. Mais, événement inédit, en fin d'après-midi des groupes avaient enfoncé une clôture pour monter à bord du Spirit of Britain, en provenance de Douvres et stationné dans le port. Une cinquantaine de personnes avaient pu monter à bord, sur les quelque 150 qui avaient pénétré dans l'enceinte du port. Vers 20H30, après trois heures de blocage, les migrants et militants avaient été évacués par la police. 24 migrants et 11 militants de No Border avaient été interpellés.
L'évènement avait eu un fort retentissement et relancé le débat sur les moyens de prémunir le port, poumon économique de la zone, contre l'insécurité. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait promis "la totale fermeté de l'Etat" contre les incidents de ce genre.
L'intrusion sur le ferry était survenue au moment où la préfecture du Pas-de-Calais bouclait dans le calme le déménagement d'entre 500 et 700 migrants vivant sur une bande de 100 m de profondeur surplombée par la rocade portuaire. L'objectif était de prévenir les confrontations entre CRS et migrants tentant de monter dans les camions en partance vers l'Angleterre.
Parallèlement au procès de Boulogne, l'Etat engage une deuxième étape de ce plan, d'ampleur bien supérieure. Il a demandé il y a neuf jours aux 1.000 à 2.000 migrants, selon les sources, de la moitié sud du bidonville d'évacuer les lieux d'ici mardi 20H00, faute de quoi les forces de l'ordre interviendront.
Dans un communiqué vendredi, la préfecture a adopté un ton alarmiste, parlant d'"exactions" commises par des migrants qui "sont à l'origine d'une aggravation du niveau de tension" avec "la population calaisienne au cours des trois dernières semaines".
La préfecture disait en particulier avoir "constaté quotidiennement (...) des jets de projectiles contre les véhicules des usagers de la route et des forces de sécurité". Elle dénonçait également "des exactions commises contre des migrants par des individus membres de groupuscules radicalisés autour du camp".
Les migrants forcés de quitter leurs abris ont le choix entre intégrer le Centre d'accueil provisoire (CAP, 1.500 places) constitué de conteneurs chauffés, inauguré en janvier, et se rendre dans l'un des 98 centres d'accueil et d'orientation (CAO) disséminés en France.
Ces possibilités sont jugées "très loin des besoins et problèmes rencontrés" par huit associations dont Médecins du Monde, Emmaüs et la Cimade, qui ont demandé dans une lettre ouverte à Bernard Cazeneuve de reporter le démantèlement. "Les caractéristiques des logements (du CAP) sont en-dessous des normes internationales", a également critiqué l'Auberge des migrants, dimanche dans un communiqué à l'AFP.
Une centaine de migrants et une dizaine d'associations ont déposé un recours en référé devant le tribunal administratif de Lille pour obtenir la suspension du décret préfectoral, a indiqué dimanche à l'AFP l'avocate Julie Bonnier. Selon elle, le juge doit se rendre mardi matin dans la "jungle". L'audience au tribunal aura lieu dans la foulée, à 14H00.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.