"Jungle" de Calais : les associatifs se désolent du démantèlement programmé

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 16 février 2016 - 15:21
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Des migrants dans la jungle de Calais.
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©Philippe Huguen/AFP
Les migrants qui vivent dans la zone concernée doivent être relogés dans les habitats "en dur" de la "jungle" ou des centres répartis en France.
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D'ici le 19 février, la moitié de la "jungle" de Calais doit être vidée par les autorités. Une décision qui inquiète les associations de protection des migrants, et bien sûr les quelque 4.000 d'entre eux qui vivent dans ce campement.

"C'est le lien social qu'on détruit. C'est très violent". Attablée dans l'un des nombreux restaurants afghans de la "Jungle" de Calais, Maya grimace quand on lui parle du démantèlement programmé d'une vaste partie du bidonville, qui indigne les associatifs.

La bénévole de l'Auberge des migrants, association fournissant une aide humanitaire dans ce campement où vivent près de 4.000 personnes, soupire en désignant la salle obscure où exilés et bénévoles se côtoient devant des assiettes de riz parfumé. "Pendant des mois, on a été dans un état de survie. La Jungle était en train de devenir un espace à part, et c'est maintenant qu'on le détruit", regrette-t-elle.

Mohammed, le propriétaire du restaurant, hausse les épaules quand on lui demande ce qu'il compte faire en cas de démantèlement: "Je n'ai pas d'autre endroit où aller. Je veux rester ici". Comme une grande partie des petits commerces qui ont poussé sur cette ancienne pâture, son restaurant est promis à la destruction, se trouvant dans la partie sud du bidonville que les autorités ont l'intention de démanteler.

La mesure concerne 50% de la superficie totale, a précisé la préfecture, qui a laissé une semaine aux migrants pour engager une dynamique de départ. Ils ont le choix entre le Centre d'accueil provisoire (CAP) ouvert en janvier dans la partie nord du camp, et capable d'accueillir 1.500 personnes dans des conteneurs aménagés, ou différents centres d'accueil et d'orientation (CAO) mobilisés ailleurs en France, loin des côtes britanniques.

Sous pression d'une population calaisienne fatiguée, les pouvoirs publics justifient la mesure par le caractère intenable de ce camp, qui baigne dans la boue, et l'absence de perspective de passage en Grande-Bretagne.

"Bien entendu que le bidonville n'est pas une fin en soi. Mais ce n'est pas en vidant le camp de Calais qu'on résoudra le problème des milliers de personnes qui fuient leur pays pour gagner la Grande-Bretagne", soupire Dominique Bernard, coordinatrice de projet pour Médecins sans frontières à Calais.

Comme beaucoup des associatifs croisés sur le bidonville, elle tique à l'estimation de "800 à 1.000 personnes" devant partir, avancée par la préfecture. "Il y en a plutôt 2.000", avance-t-elle, au vu des nombreuses tentes implantées sur cette partie du camp.

Beaucoup sont vides, assure-t-on du côté des pouvoirs publics, qui fondent leur estimation sur un recensement récent. Pour les associations au contraire, cette partie du bidonville à grossi depuis l'évacuation, fin janvier, d'une bande de cent mètres le long de la rocade. Et l'annonce d'un nouveau démantèlement risque de mal passer auprès des migrants. "Leur confiance en l'Etat est très faible. Ils sont désemparés, certains ne vont pas bouger et attendre de se faire déloger", Dominique Bernard, qui a "peur qu'un drame se produise".

Du côté de la préfecture, on assure que l'idée n'est pas d'employer la manière forte mais de convaincre les migrants d'accepter des solutions d'hébergement plus dignes. "L'évacuation de la bande de 100 mètres s'est faite sans usage de la force, il n'y a pas de raison que ce soit différent", explique-t-on.

Mais les bénévoles s'inquiètent aussi de la présence, sur la zone concernée, d'une école inaugurée la semaine dernière et de l'église "historique" du camp. "L'école ne sera pas rasée, les lieux de culte non plus", affirme la préfecture.

La réponse laisse les associatifs sceptiques. Une école au centre d'un no man's land perdrait toute signification, souligne Roland Biache, délégué général de Solidarité laïque. Pour lui, "on ne règle pas le problème, on le déplace".

Beaucoup redoutent en effet que les migrants ne partent s'installer plus loin -vers Dunkerque ou la Belgique, ou plus au sud, du côté de Dieppe ou de Cherbourg- en cas de démantèlement.

C'est pourquoi "il faut revenir sur les accords du Touquet", qui prohibent tout passage sans titre de séjour en Grande-Bretagne, soupire Nathalie, une des institutrices de l'Ecole des Dunes. Une perspective réclamée par beaucoup, mais fermement rejetée par le gouvernement.

 

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