Gavage des oies et canards : "le combat n'est pas contre les éleveurs, il est du côté des animaux"

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Amandine Zirah
Publié le 20 janvier 2016 - 16:38
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Des canards en batterie.
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"Tous (les députés, NDLR) se bougeraient les fesses s'ils voyaient une scène de cruauté devant eux", selon Brigitte Gothière.
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A l'Assemblée nationale, la députée écologiste Laurence Abeille s'est offert le soutien de Pamela Anderson pour défendre une proposition de loi interdisant le gavage des oies et des canards. Pour la porte-parole de l'association L214, Brigitte Gothière, qui s'est confiée à "FranceSoir", cette démarche "est une formidable opportunité de faire parler de la cause animale".

A l'heure où la crise aviaire a entraîné le gel de la production et le non-renouvellement temporaire des canards gras et oies dans les élevages du Sud-Ouest pour plusieurs mois, l'actrice américaine Pamela Anderson a soutenu à l'Assemblée nationale la proposition de loi de la députée écologiste Laurence Abeille contre le gavage. Alors que sa venue a suscité une levée de boucliers chez certains députés, l'association de protection animale L214, qui a répondu aux questions de FranceSoir, a appuyé et défendu l'initiative.

 

> Pamela Anderson a soutenu à l'Assemblée nationale la proposition de loi de la députée écologiste Laurence Abeille pour dénoncer le gavage des oies et canards. Pensez-vous qu'en pleine crise de grippe aviaire et alors que des milliers d'emplois sont menacés, cette venue était appropriée?

"Laurence Abeille a fait une proposition de loi qui fait suite à la publication d'un rapport de Cambridge disant que le gavage est préjudiciable aux oies et aux canards. C'est pour cela que Pamela Anderson est venue à l'Assemblée. Dans l'actualité, ça tombe mal mais ce n'est pas fait exprès. C'est peut-être justement une chance. Les producteurs vont vivre une période difficile cette année mais des aides conséquentes leur seront probablement données. Nous sommes à peu près convaincus que le gouvernement va lâcher quelques millions d'euros. C'est systématique.

"Ils ne saisissent pas l'opportunité, ils ne se disent pas qu'il y a 70% des personnes qui sont favorables à l'interdiction du gavage. Il faut aider les producteurs à se reconvertir plutôt que de s'obstiner dans un système qui ne fait pas l'unanimité dans l'opinion publique. Les réactions à l'Assemblée nationale ont été hallucinantes. Tous se bougeraient les fesses s'ils voyaient une scène de cruauté devant eux. Ils cherchent à dénigrer. Il y a vraiment un décalage entre les représentants qu'on a élus et les paroles sexistes, machistes, dénigrantes qui ont été dites. C'est écœurant. Il n'y a pas de courage politique".

 

> Certains députés emploient le terme de "politique spectacle". Avez-vous été surprise?

"Ils sont tous dans la politique spectacle. C'est vraiment l'hôpital qui se moque de la charité. Ils sont jaloux. Laurence Abeille avait des soutiens de poids: Pamela Anderson et Paul Watson, qui sont tous les deux des personnes engagées de longue date. Ce n'est pas un parachutage d'une starlette en mal de reconnaissance. On n'est pas du tout dans une pièce rapportée qui sort de nulle part. Ça fait des dizaines d'années qu'elle est engagée sur la question animale. Elle connaît le sujet, elle est légitime à en parler. Certains disent qu'elle n'est pas de notre pays et donc qu'elle ne peut pas parler sur nos traditions, c'est complètement chauvin. C'est vraiment le niveau zéro. Il n'y a aucune argumentation.

"Si la grippe aviaire se répand aussi facilement, c'est aussi parce que nous avons des animaux extrêmement vulnérables. Un bon point en revanche à Yves Jego. Sa réaction a été drôlement courageuse au milieu des autres qui ont essayé d'organiser un lynchage collectif".

 

> Cette démarche a provoqué également la colère des agriculteurs qui n'ont a priori pas l'intention de changer leurs habitudes et de tirer un trait sur l'une des "traditions" du pays. Le débat n'est-il pas stérile?

"Je veux revenir sur le terme de tradition parce que nous sommes en plein enfumage. Nous n'avons pas de tradition du foie gras en France. C'est juste une opération marketing qui a bien marché. A partir des années d'après-guerre, nous avons commencé à industrialiser la filière alors que cette pratique s'était développée pendant la guerre à un moment de pénurie. Donc, nous ne sommes pas du tout sur une tradition qui se fait depuis des millénaires. C'est complètement récent. Aujourd'hui, nous sommes le premier producteur mondial, premier consommateur mondial. C'est vraiment un produit franco-français. Les exportations ne représentent quasiment rien".

 

> Quelles sont les alternatives à la production du foie gras?

"Il existe des alternatives. On peut rappeler que le fois gras n'est pas un produit indispensable ou nécessaire. En France, les producteurs s'attachent au gavage parce que ça leur permet d'aller vite, de rendre malade les oiseaux rapidement (le foie gras résultant d'une stéatose hépatique, NDLR) et ça les ennuie bien qu'il existe des alternatives. Nous avons beaucoup parlé par exemple d'un producteur espagnol qui produit du foie gras sans gavage. Il a d'ailleurs été primé en France en 2006 au Salon international de l'Alimentation avant que nos vaillants producteurs interviennent et disent que le foie gras doit être obtenu par gavage, que l'on ne peut pas reconnaître ce produit comme du foie gras. Il y a d'ailleurs eu un amendement déposé à l'Assemblée qui stipule qu'il ne peut être obtenu seulement par gavage. Le verrouillage fait à ce niveau-là est complètement illégal au regard des lois de l'Union européenne qui dit dans l'article-3 de la directive du 20 juin 1998 qu'aucun animal ne peut être alimenté ou abreuvé de façon à ce qu'il en résulte des souffrances inutiles.

"Les personnalités s'engagent et c'est une formidable opportunité de faire parler de la cause animale. Ça ne veut pas dire que nous oublions les producteurs. Le combat n'est pas contre les éleveurs, il est du coté des animaux. Nous nous faisons traiter de tous les noms, alors que nous essayons de mettre sur la table un sujet important.

"Nous devons accompagner les producteurs pour les sortir de cette production. Aujourd'hui, nous allons droit dans le mur. La filière s'est beaucoup industrialisée. Elle est tenue par trois grosses entreprises, les petits producteurs servent juste de vitrine. Ce ne sont pas eux qui fournissent les grandes surfaces. Il y a un lobby derrière, extrêmement puissant. Il suffit de pousser une porte de salle de gavage pour se rendre compte que c'est dégueulasse".

 

> Dans un sondage IFOP pour la Fondation Brigitte Bardot de janvier 2016, 70% des Français se disent favorables à l'interdiction du gavage. Selon vous, au fil des années, quels sont les facteurs qui ont permis aux Français de changer leurs habitudes alimentaires?

"Beaucoup de choses s'entrecroisent. Cette évolution provient tout d'abord des personnalités qui prennent position, notamment celles qui ont écrit des livres, comme Fabrice Nicolino, Jonathan Safran Foer, Aymeric Caron et Matthieu Ricard. Dans le même temps, Nous avons fait d'énormes progrès dans les sciences cognitives et en éthologie, en sachant de mieux en mieux qui sont les animaux. Nous savons aujourd'hui qu'un cochon est aussi intelligent qu'un chien. Et puis, il y a les images. En France, nous étions très en retard. Enfin, une fois que nous sommes confrontés à la réalité, il y a ensuite le paradoxe de la viande qui nous arrive en plein dedans. Nous sommes tous conscients qu'il y a un problème et, malgré cela, nous nous trouvons des bonnes excuses au quotidien alors que le changement est facile".

 

> Vous êtes à l'initiative de nombreuses vidéos chocs qui ont pu parfois en surprendre plus d'un(e). Qu'avez-vous à dire aux lecteurs qui font le choix de continuer à manger de la viande, en toute connaissance de cause?

"Quand nous avons publié les images sur l'abattoir d'Alès, les gens ont été choqués. Il n'y a guère d'exception, mis à part quelques psychopathes. De leur côté, les ouvriers d'abattoir sont complètement insensibilisés au bout de quelques jours. Ils ne peuvent plus se rendre compte de la cruauté animale, sinon ils claqueraient la porte et s'en iraient. En parallèle, les gens ne restent pas lorsqu'ils n'arrivent pas à se former une carapace pour pouvoir continuer à travailler dans ces lieux-là. C'est pour ça qu'il y a un gros turn-over dans les abattoirs.

"A chaque fois que nous montrons des vidéos comme celle-ci, il s'agit toujours d'une exception, selon les politiques. Les personnes qui savent, les personnes qui parlent pour nous faire manger de la viande, ce sont des personnes qui ont autorité. C'est-à-dire le ministre de l'Agriculture, tous les services du ministère, les médecins. C'est vraiment important de montrer que tout le monde n'est pas dans l'espèce de consensus dans lequel on essaye de nous mettre. Il y a de plus en plus de voix qui refusent ce que nous faisons subir aux animaux, qui se renseignent et qui changent leurs pratiques en matière d'alimentation, qui sautent le pas du végétarisme ou du véganisme". 

 

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