Chevaux morts à Jublains : peine de prison ferme pour maltraitance animale, tout savoir sur ce jugement

Auteur:
 
Lalia Andasmas et Marion Renson-Bourgine, édité par la rédaction.
Publié le 07 avril 2017 - 12:49
Mis à jour le 08 avril 2017 - 14:10
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Chevaux maltraités
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©30 Millions d'amis/Twitter
Le propriétaire d'un élevage de chevaux a été condamné pour avoir affamé ses animaux.
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Le 31 mars dernier, un éleveur de 60 ans a été condamné par le tribunal correctionnel de Laval à un an de prison dont six mois ferme pour ne pas avoir donné de nourriture ni d’eau à ses chevaux. Pour "Franceoir", deux juristes spécialisées dans le droit animalier reviennent sur ce jugement "intéressant en raison des sanctions prononcées (...) qui en pratique sont relativement rares".

Le verdict est tombé pour l’exploitant agricole qui avait laissé ses chevaux mourir de faim et de soif à Jublains (Mayenne). Au total, sur 80 chevaux, 14 avaient péri. Le tribunal de grande instance de Laval a condamné le 31 mars dernier cet éleveur à un an de prison dont six mois ferme, deux ans de mise à l'épreuve et une interdiction définitive de détenir un animal. Les animaux confisqués ont été remis à la Fondation 30 Millions d'Amis qui était partie civile. Ce jugement est intéressant en raison des sanctions prononcées quant à la durée de la peine et de l'interdiction définitive de détenir un animal qui en pratique sont relativement rares.

En ce qui concerne la durée de la peine, l'article 521-1 du code pénal précise que "le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende (…)". L’effectivité de cette disposition a souvent été mise à mal. En effet, les juges sont traditionnellement cléments, n'appliquant jamais le code pénal dans toute sa rigueur en se contentant de prononcer des amendes peu élevées (de l'ordre de 500 à 1.000 euros) et jamais de prison ferme (le plus souvent quelques mois de sursis). Nombre d'affaires sont également classées sans suite ou se soldent par des non-lieux. La liste exhaustive ne peut être faite en raison du grand nombre de décisions rendues en ce sens.

À titre d’exemple, un homme a tiré avec un arc sur un chien pour sa défense et celle de sa chienne. L'acte a causé des lésions importantes provoquant des heures de souffrance ainsi que l'euthanasie de l'animal. L'état de nécessité ne pouvait être invoqué en raison de la qualité de professionnel aguerri à la maîtrise des animaux dangereux du prévenu et de l'absence de trace de nature à établir que la vie de sa chienne était en péril. Le prévenu ne pouvait ignorer les blessures et les souffrances qui en résulteraient, ce qui signifie qu'il était animé d'une véritable volonté de faire mal à un animal, correspondant à l'élément moral constitutif du délit de sévices graves ou d'acte de cruauté envers un animal. Malgré la gravité reconnue des faits valant au titre de l’article 521-1 du code pénal une peine d’emprisonnement de deux ans, seulement un sursis de deux mois a été prononcé par la cour d'appel de Nîmes[1] et une amende de 5.000 euros.

En 2009, une décision isolée [2] a pu faire honneur à la teneur des dispositions légales en prononçant une peine d’emprisonnement sans sursis ainsi qu’une interdiction définitive de détenir un animal. Dans cette affaire, le prévenu, récidiviste, avait donné des coups de pieds à son animal. Il a fait l’objet d’une comparution immédiate et a reconnu les faits. Il est condamné – pour avoir sans nécessité, exercé des sévices graves ou commis un acte de cruauté, envers un animal domestique ou apprivoisé – à une peine de trois ans d’emprisonnement et à titre de peine complémentaire à l’interdiction définitive de détenir un chien. Il est intéressant de citer une autre affaire connue, celle du chat Oscar jeté sur un mur par un jeune marseillais, acte qui a été filmé et qui a fait le tour des réseaux sociaux. Le 3 février 2014, le tribunal correctionnel de Marseille l’a condamné à un an de prison ferme.

S’agissant de l'interdiction de détenir un animal, l'article 521-1 alinéa 3 du code pénal dispose que les personnes physiques encourent la peine complémentaire d'interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal. Le délit de sévices, actes de cruauté et abandon d'un animal est la seule infraction contre les animaux avec celle de pratiquer des expérimentations illicites[3] sur les animaux où l'interdiction de détenir un animal est prévue. Cette peine complémentaire d'interdiction de détenir un animal a été créée par la loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, par la suite l'ordonnance n° 2006-1224 du 5 octobre 2006 l'a introduite dans les dispositions de l'article 521-1 du code pénal.

Par ailleurs, et de façon plus générale, depuis la loi du 5 mars 2007 (article131-21-2 du code pénal), l'interdiction de détenir un animal peut être limitée à certains animaux ou certaines catégories d'animaux lorsqu'elle est encourue à titre de peine complémentaire; lorsqu'elle est encourue pour un crime ou un délit, elle est soit définitive ou temporaire (cinq ans maximum). Dans le domaine des sévices et actes de cruauté, l'interdiction est donc soit définitive, soit d'une durée maximale de cinq ans et concerne tous les animaux. De plus,  il importe peu de savoir si l'auteur de l'infraction est le propriétaire de l'animal. Par conséquent, elle peut être prononcée à l'encontre de l'auteur propriétaire de l'animal victime mais aussi lorsque l'auteur a commis les faits sur un animal appartenant à autrui.

Il convient de préciser que la peine ne peut être prononcée à l'égard des personnes morales dans la mesure où l'article 521-1, alinéa 4, du code pénal énonce que les peines applicables à celles-ci sont celles prévues par l'article 131-39, 2°, 4° et 7° à 9° alors que l'interdiction de détenir un animal a été insérée au paragraphe 11° de ce texte.

L’évolution juridique actuelle en faveur de la protection des animaux et en réponse à la sensibilité humaine grandissante à l’égard de la maltraitance animale rend incontournable la répression des actes de cruauté ou de sévices graves à l’égard des animaux. La décision récente du 31 mars 2017 vient renforcer les décisions isolées allant dans ce sens.


[1]Cour d’appel de Nîmes, 21 Février 2014, n° 14/00130, n°JurisData : 2014-005782.

[2]http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/50_RSDA_1-2009.pdf   p. 152  TGI de Guéret 27 janvier 2009 (n° de Parquet 09000461 ; n° de jugement : 45).

[3]  Article 521-2 du code pénal

 

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