Tour d’horizon des décharges à munitions dans les fonds marins français
Après le passage des deux guerres mondiales, de nombreuses munitions inutilisées sont restées sur place. Ces dernières, chimiques ou conventionnelles (bombes ou grenades par exemple), représentent des centaines de tonnes de munitions. Alors, le gouvernement français a choisi dès les années 20 de se décharger de ces armes en les délestant dans la mer. D’une toxicité dangereuse, cette décision était la façon la moins onéreuse de s’en débarrasser. Afin d’en établir une cartographie exacte, Franceinfo et les équipes de l’émission « Vert de rage » de France 5 s’associent. L’occasion de recenser les décharges, mais aussi de signaler la présence de munitions ou de mines dans des épaves.
Bien que non exhaustif, cet inventaire permet d’observer l’ampleur du phénomène. Les sources utiles à cette étude étaient notamment les cartes maritimes du service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom), mais aussi des archives de presse ou des rapports de la Commission Olso-Paris.
Toutes les zones ne sont pas toujours balisées et certaines représentent alors un danger pour le public, ne connaissant pas de balisage et n’étant pas même bien identifiées par les préfectures maritimes.
Ces pratiques, qui aujourd’hui paraissent inconscientes et délétères, ont pourtant eu cours jusqu’en 2002. Trois modes opératoires pouvaient être mis en place. Dans un premier cas, il y a le sabordage des navires. Ceci dans le but de les faire couler. La seconde était le pétardage, où les munitions étaient enterrées afin de les faire exploser avec un moindre impact. Une pratique courante en baie de Somme. Puis, la troisième méthode consiste en l’immersion des munitions. Effectuée par avion, sous-marin ou encore bateau, avec comme prérogative d’être une zone peu fréquentée par les bateaux, celle-ci est la plus répandue.
Des opérations qui ne sont pas sans risque, même au moment de l’immersion. Le 30 avril 1997 marque le dernier jour du pétardage. En effet, un accident mortel survient avec le navire de la Marine nationale La Fidèle. Chargé d’immerger 1 450 grenades conventionnelles, soit 600kg d’explosifs, au large de Cherbourg, des grenades auraient explosé avant que la mission s’achève. Ce sont alors cinq personnes qui sont tuées et dix-sept blessés.
En plus du danger pour les humains, celui-ci n’est pas des moindre pour les espaces marins. Les risques d’explosions sous-marines et de fuite de substances toxiques menacent la faune et la flore. Le gaz moutarde finirait par se diffuser, ce qui affecte plus particulièrement les mollusques mais aussi les algues et les poissons. C’est alors l’ensemble de la chaîne alimentaire qui serait menacé. Selon les scientifiques, une munition finit par s’abîmer au bout de 80 à 100 ans. Ainsi, la période est charnière en raison de la date d’usure estimée, qui nous serait tout à fait contemporaine.
En plus de cette pollution, ces composants toxiques provoqueraient une réaction chimique qui mène à l’hypoxie. Ce phénomène désigne un taux d’oxygène insuffisant dans l’eau, étouffant les organismes vivants.
Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique à Paris, pointe auprès de Franceinfo que « le problème, c’est qu’aujourd’hui, nous n’avons pas de solution technique pour récupérer ces munitions chimiques ».
Pire, « il est probable que le remède soit pire que le mal : manipuler des munitions érodées, qui sont depuis des dizaines d'années dans la mer, risque d'accélérer la dissémination des agents chimiques dans l'eau. »
Alors, lorsqu’un sujet devient trop complexe et qu’il s’agirait en plus d’admettre son erreur, le mieux à faire serait de jouer le mort. En effet, le chercheur reconnaît que « c'est une question ultrasensible : quels responsables politiques seraient prêts à reconnaître que la France a eu des comportements aussi inacceptables ? Ces immersions ont eu lieu à une époque où la sensibilité environnementale était très réduite, voire nulle ».
Face au danger de la situation, les autorités préfèrent éviter la diffusion d’informations trop précises concernant ces stocks. À tel point que le pays oppose le secret-défense sur le sujet, d’ailleurs renforcé sous Sarkozy à partir de 2008. De quoi noyer le poisson...
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