La réserve mondiale de semences du Svalbard déjà mise à l'épreuve

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France-Soir avec AFP
Publié le 13 mai 2024 - 16:14
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La Réserve mondiale de semences du Svalbard, qui assure le stockage à long terme de doubles de semences provenant de banques de gènes du monde entier. A Longyearbyen, dans l'archipel du Svalbard, au nord de la Norvège.
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Geoffrey Hawtin et Cary Fowler, reçoivent le prix mondial de l'alimentation, ils ont la même vocation : sauvegarder le plus de semences possibles pour un jour profiter de leurs caractéristiques génétiques comme leur résistance à la chaleur ou à des maladies. 

Leur grande oeuvre est d'avoir participé à la création d'une réserve mondiale sur l'archipel norvégien du Svalbard, dans l'Arctique, sorte de coffre-fort géant de graines creusé dans un glacier, où sont désormais stockés 1,25 million d'échantillons. Le but est toujours d'y conserver en sécurité le plus de semences agricoles possible, explique à l'AFP Geoffrey Hawtin, un agronome britanno-canadien de 75 ans, au cours d'une interview avec son colauréat par visioconférence. 

"Ce qui a changé un peu depuis son ouverture en 2008, est ce qui y rentre", dit-il : après avoir surtout recueilli des semences de plantes "domestiquées" comme le blé ou l'orge, la réserve accueille de plus en plus d'espèces sauvages plus ou moins proches des plantes cultivées. Et ces dernières ont souvent "des gènes particulièrement intéressants au vu du changement climatique", remarque-t-il. 

- Innombrables expérimentations - 

La domestication des plantes est "le résultat de milliers d'années et d'expérimentations innombrables", rappelle Cary Fowler, spécialiste américain des semences du haut de ses 74 ans. 

Il serait "arrogant" de penser que les outils actuels de l’ingénierie génétique, même les plus sophistiqués, puissent reproduire "avant longtemps" cette richesse. Et "c'est bien plus cher que de conserver la diversité des semences dans des banques" dédiées, dit-il. L'édition des gènes va "jouer un grand rôle, le problème est de savoir quoi éditer", ajoute Geoffrey Hawtin. 

"La réponse d'une plante au changement climatique, qui peut se traduire par de la chaleur, du froid, de la sécheresse, des inondations, dépend de dizaines de milliers de gènes", explique-t-il. Même avec l'intelligence artificielle, "je doute qu'on puisse un jour comprendre totalement toutes leurs interactions." 

Il prédit toutefois la montée en puissance de banques de semences numériques, où seront stockées de plus en plus d'informations détaillant les caractéristiques génétiques des plantes. 

- Sauvés en Syrie - 

Les deux hommes ont débuté leur carrière dans les années 1970. L'objectif alors n'est pas encore l'adaptation au changement climatique mais de produire le plus possible de blé, de maïs et de riz. "On voyait la famine en Ethiopie, en Inde. Notre souci immédiat était de remplir les estomacs", rappelle Cary Fowler. 

Pour y parvenir, les experts de l'époque recommandent de se concentrer sur les semences aux plus hauts rendements, de recourir massivement aux engrais et aux pesticides. Depuis, ils ont compris l'importance de développer des systèmes agricoles plus durables et d'élargir le panel de plantes cultivées, affirme Cary Fowler, actuellement envoyé spécial des Etats-Unis pour la sécurité alimentaire dans le monde. A ce poste, il promeut le recours en Afrique à des plantes traditionnelles, souvent délaissées par les programmes de recherche au profit du maïs, du blé et du riz, mais potentiellement plus nutritives et adaptées à l'environnement. 

Geoffrey Hawtin a, lui, commencé sa carrière au Moyen-Orient, allant à la rencontre des paysans pour collecter des semences de légumes en Afghanistan, en Ethiopie, au Liban, en Jordanie... et ensuite les croiser. Ne voulant pas les jeter, il a commencé à les conserver. Trois décennies plus tard, la guerre en Syrie a forcé la banque de semences d'Alep, où l'agronome a un temps travaillé, à "évacuer" en urgence ses échantillons ; beaucoup ont été envoyés dans la réserve du Svalbard. Certains, dont des graines de légumes collectées par Geoffrey Hawtin et son équipe, ont déjà été retirés de la réserve pour rejoindre des collections au Maroc et au Liban. 

"Il y a deux semaines, au Maroc, j'ai vu certaines de ces semences être plantées dans les champs pour tester leur résistance à la sécheresse", s'amuse Geoffrey Hawtin. 

Que la réserve mondiale ait servi aussi vite leur laisse une pointe d'amertume. 

"C'est comme une assurance auto. On préférerait ne pas avoir à l'utiliser", explique Cary Fowler. "Malheureusement, on va sans doute avoir de plus en plus de situations de conflits ou de désastres naturels qui mettront en danger les banques de semences". Le prix reçu jeudi par les deux hommes est remis depuis 1986 à des individus ayant amélioré la qualité, la quantité ou l'accessibilité de la nourriture dans le monde. 

Il est à noter comme pouvait le préciser Médiapart dès juillet 2011, que la Réserve mondiale de semences du Svalbard, gérée par la Norvège avec le Global Crop Diversity Trust, conserve les semences appartenant aux dépositaires initiaux, interdisant toute recherche sur site.  

Financée majoritairement par des états et des donateurs privés comme Syngenta, Dupont-Pioneer Hi bread (qui possède 25% des semences propriétaires dans le monde), ou la Fondation Gates (gros investisseur chez Bayer/Monsanto et qui a financé à hauteur de 30 millions de dollars l’acheminement des graines vers Svalbard), cette réserve mondiale suscite encore des controverses quant à l'influence des géants des biotechnologies et leur rôle dans ce grenier pour l’humanité, l'agriculture du future, et ce malgré son objectif de préservation à long terme des variétés de plantes essentielles. 

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