France : l'inflation en juillet atteint son plus haut niveau depuis 1985 et serait encore sous-estimée
La hausse des prix à la consommation en France a de nouveau grimpé en juillet pour atteindre 6,1% sur un an après 5,8% en juin, a annoncé l'Insee vendredi dans son estimation définitive. Il s'agit du niveau d'inflation le plus élevé depuis juillet 1985. Pour autant, cet indicateur, sur la base duquel est calculé le pouvoir d'achat, est encore en deçà de la réalité, selon l'historien Emmanuel Todd et l'économiste Philippe Herlin.
Les prix de l'énergie ont continué à peser sur les chiffres de l'inflation, mais moins fortement que ces derniers mois, a souligné l'institut de statistiques qui note une accélération des prix des services, de l'alimentation, et des produits manufacturés.
Des conséquences de la guerre en Ukraine, qui a entrainé une fièvre sur les marchés mondiaux, les tarifs de l'énergie ont flambé ces derniers mois. Les prix du pétrole ont toutefois un peu reflué ces dernières semaines du fait notamment de craintes sur l'activité économique en Chine.
Résultat : les prix de l'énergie ont cru de 28,5% sur un an en juillet après une hausse de 33,1% le mois précédent.
Voir aussi : Électricité: des entreprises désemparées face à des prix toujours plus hauts
Les prix des services ont de leur côté augmenté de 3,9% en juillet par rapport à la même période de 2021, contre 3,3% le mois précédent, et les prix de l'alimentation de 6,8% après 5,8% le mois dernier.
Sur un mois, les prix à la consommation ont augmenté de 0,3%, après +0,7% en juin.
L'indice des prix à la consommation harmonisé, qui sert de base aux comparaisons européennes, a augmenté de 6,8% sur un an après 6,5% en juin.
Les calculs de l'Insee minorent-ils la réalité de la baisse du pouvoir d'achat ?
Oui, si l'on en croit le célèbre anthropologue et historien Emmanuel Todd, ainsi que l'économiste Philippe Herlin, qui dénoncent le mode de calcul du pouvoir d’achat des Français réalisé par l'Insee. Reprenant la critique de Philippe Herlin, Emmanuel Todd dans son essai sur la Lutte des classes en France au XXIe siècle (paru aux éditions Seuil), souligne que l'indicateur ne reflète que partiellement la réalité de la hausse des prix, tout d'abord en raison de "l'effet qualité" utilisé par l'institut :
« Lorsque le prix d’un produit augmente, pour peu que ce produit présente quelques améliorations, la hausse est… effacée. Herlin prend l’exemple du nouvel iPad d’Apple [qui] coûte le même prix que l’ancien mais -attention- comme il est plus puissant, que le modèle précédent, l’Insee considère que vous en avez pour votre argent et inscrit dans sa base un prix en baisse, inférieur au prix affiché […] Sur le long terme, poursuit Herlin, « l’effet qualité donne des résultats aberrants » : ainsi « un ordinateur qui valait environ 6 500 francs (1 000 euros pour simplifier) en 1996 ne vaudrait plus aujourd’hui que 50 euros ! » Il est bien entendu impossible, dans la vie réelle, de se procurer un ordinateur neuf (et même d’occasion) à un prix pareil. »
Ensuite, l'historien explique que les calculs de l’Insee ne tiennent pas compte du coût du logement. De quoi surprendre, puisque la part de revenu consacrée à cette dépense représente en moyenne un tiers du budget des ménages : « … dans son calcul de l’indice des prix, le coût des loyers vaut pour 6 % du budget total des ménages et le coût des remboursements bancaires (que l’immense majorité des gens est obligée de contracter pour s’acheter un logement) pour 0 % ! »
Il convient pourtant de souligner que le prix de l’immobilier a explosé au cours des vingt dernières années, progressant de 153 % entre 1999 et 2018 selon l’indice des notaires et... de l’Insee lui-même, relatait BFMTV. Déjà en 2018, soit quatre ans plus tôt, les Français allouaient 24,3 % de leur budget en frais de logement, d'après le constat dressé par le baromètre Sofinscope spécialisé dans les habitudes de consommation des Français. Une dépense considérable qui affecte directement la capacité d’épargne.
Aussi, à la suite de Philippe Herlin, Emmanuel Todd en déduit que la suppression de l’effet qualité et l’ajout du coût du logement se traduirait dans le résultat par une augmentation de l'inflation de 1 à 2 % par an, un niveau qui démontrerait ainsi une baisse du pouvoir d'achat des Français encore plus substantielle que celle communiquée publiquement.
⚠️Si l’#inflation est moins élevée en France qu’en UE, le "bouclier énergétique" compte peu (l’énergie ne pèse que 8,86%) comparé au "talent" de l’#INSEE pour minorer la hausse des prix… (cf mon livre: https://t.co/PBtJE8GtlS)
— Philippe Herlin (@philippeherlin) August 12, 2022
✅ https://t.co/1mG4BbI6zy pic.twitter.com/UpgiCe93R5
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