Accord économique avec la Chine : un Munich européen

Auteur(s)
Philippe Simonnot journaliste pour FranceSoir
Publié le 03 janvier 2021 - 13:40
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Chine Europe
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Gino Crescoli de Pixabay
Accord économique avec la Chine : un Munich européen
Gino Crescoli de Pixabay

Se dépêcher de signer un accord économique avec la Chine avant que Joe Biden, le nouveau président des Etats-Unis, soit aux manettes de la Maison Blanche,  voilà ce qu’ont accompli les nains européens en cette fin d’année calamiteuse. Les accords de Munich  de septembre 1938 sont restés le symbole de la lâcheté des démocraties  devant le nazisme, sacrifiant la Tchécoslovaquie sur l’autel de la paix. Il est à craindre que l’accord sino-européen de décembre 2020 marque une nouvelle défaite de la liberté face à la dictature. La Chine communiste termine l’année sur un double triomphe :  elle peut prétendre avoir  vaincu l’épidémie, et  son économie a retrouvé le chemin de la croissance. L’accord avec l’Europe  vient encore embellir le tableau de son hyper-puissance.

Il est vrai que beaucoup  d’arguments plaidaient en faveur de la signature de cet accord. La négociation durait depuis 2013 et il était temps d’en finir. Offrir aux entreprises européennes, abîmées par la crise sanitaire et une récession sans précédent, de meilleurs accès à l’immense et juteux marché chinois, n’était-ce pas urgentissime ? Et pourquoi aurait-il fallu attendre le blanc-seing de l’Oncle Sam alors que quatre ans de folies trumpiennes  ont pourri les relations de l’Occident avec la Chine ? Quant aux promesses de moindre dépendance par rapport au marché chinois, de déglobalisation, de relocalisation, elles sont déjà oubliées. Le capitalisme de connivence qui règne de part et d’autre de l’Atlantique ne peut se passer de son jumeau chinois.

Mais, dit-on du côté français, l’Europe ne doit-elle pas enfin afficher sa « souveraineté » ? Et de fait, le Président Macron lui-même emploie à chaque fois qu’il le peut le terme de « souveraineté européenne » - un flatus vocis vide de sens dans l’état actuel de  l’Union européenne.

Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré tout de go que l’accord sino-européen « offrira aux investisseurs européens un accès sans précédent au marché chinois ». Dans la liste à la Prévert des secteurs concernés, on trouve les automobiles électriques ou hybrides, les hôpitaux privés, les télécom, les services de cloud (stockage de données), les services financiers, les systèmes de réservation. L’association avec des entités chinoises paraît plus souple. En retour, les Chinois ont obtenu une garantie d’ouverture du marché européen, y compris dans le secteur des énergies  renouvelables.

Quid des « droits de l’Homme », de la presse, quid des camps de concentration où sont enfermés et travaillent des centaines de milliers de Ouigours ? « L’engagement de la Chine à ratifier les conventions fondamentales de l’Organisation  internationale du travail sur la lutte contre le travail forcé était nécessaire. C’est ce que nous avons obtenu », a osé déclarer sur Twitter Frank Riester, ministre français « délégué au commerce extérieur et à l’attractivité » (sic).

Quelques jours plus tôt, le même Riester constatait : « « Nous n’avons pas obtenu d’engagements suffisants de la Chine sur l’abolition du travail forcé ». Et le journal Le Monde annonçait dans la foulée « Paris ne soutiendra pas l’accord négocié par l’UE sans évolution de Pékin sur le travail forcé des Ouïgours. » (Le  Monde du 23 décembre 2020). On était donc au bord de la rupture des négociations

En moins d’une semaine, notre ministre délégué au commerce extérieur et à l’attractivité aurait donc obtenu de la Chine qu’elle capitulât sur ce sujet délicat ! Qui peut croire à un tel roman ? En tout cas, pas la partie chinoise. Selon le communiqué de l’agence Chine nouvelle, le grand timonier Xi Jinping juge cet accord « équilibré, de haut niveau et bénéficiaire aux deux parties ». Aucune allusion aux demandes européennes concernant le travail forcé. Pour le tout puissant président chinois, le sous-ministre français est une non personne, et le travail forcé en Chine un non-sujet.

Et les Ouigours ? A vrai dire, tout le monde en Europe se fiche pas mal du sort de cette peuplade lointaine et quasi inconnue, musulmane de surcroît. Cette bataille pour les droits de l’homme était juste menée pour la forme.

Mme Janka Oertel, membre du Conseil européen des relations internationales, est dans le vrai quand elle remarque : « On offre une grande victoire diplomatique à Xi Jinping, simplement parce que l’Allemagne voulait cet accord coûte que coûte, alors même que cela complique les relations avec la nouvelle présidence des Etats-Unis. » Première démonstration de la puissance reconquise en Europe par Berlin grâce à la pandémie …

Reste que le Parlement européen doit donner son aval à ce nouveau Munich. Une dernière chance pour l’honneur européen ?

 

 

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