Venezuela : Nicolas Maduro réélu président avec 51,20% des suffrages, selon le Conseil national électoral

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France-Soir avec AFP
Publié le 29 juillet 2024 - 12:02
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Barreto / AFP
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Le président sortant Nicolas Maduro a été réélu pour un troisième mandat à la tête du Venezuela, a annoncé dimanche soir le Conseil national électoral (CNE), au terme d'une campagne où l'opposition a dénoncé des intimidations et des craintes de fraudes. 

Nicolas Maduro, héritier de l'ancien président Hugo Chavez (1999-2013), a obtenu 5,15 millions de voix, devant le candidat de l'opposition Edmundo Gonzalez Urrutia, avec un peu moins de 4,5 millions (44,2%), selon les chiffres officiels annoncés par le président du CNE, Elvis Amoroso, après le dépouillement de 80% des bulletins et une participation de 59%. Le résultat est "irréversible", a-t-il déclaré. 

Salué par un petit feu d'artifice, M. Maduro est sorti sur une scène au palais présidentiel de Caracas pour fêter sa victoire avec ses partisans chantant "Vamos Nico". 

Malgré des sondages donnant largement vainqueur le candidat M. Gonzalez Urrutia, Nicolas Maduro, qui s'appuie sur l'appareil militaire, s'est toujours montré sûr de sa victoire malgré une crise économique sans précédent. 

Le pays pétrolier, longtemps un des plus riches d'Amérique latine, est exsangue, empêtré dans une crise économique et sociale sans précédent : effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté et systèmes de santé et éducatif totalement délabrés. Sept millions de Vénézuéliens ont fui le pays. 

L'opposition qui espérait mettre fin à 25 années de pouvoir chaviste était pourtant confiante. "Les résultats ne peuvent être occultés. Le pays a choisi un changement en paix", a écrit Edmundo Gonzalez Urrutia sur X. 

Peu avant minuit, Omar Barboza, un leader de l'opposition, s'est insurgé contre un éventuel "faux-pas" ou "précipitation autoritaire" du pouvoir, lui demandant de respecter le résultat "au nom de la paix". "Les procès-verbaux ne font que confirmer ce que nous avons vu dans les rues. La projection de leur contenu donne clairement un résultat qui ne doit pas être mis en doute".  

Une grande partie de la communauté internationale a exprimé lundi ses doutes sur la réélection, contestée par l'opposition, du président Nicolas Maduro au Venezuela, soutenu par ses alliés traditionnels en Amérique latine et en Chine. 

- Les Etats-Unis très dubitatifs  - 

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a exprimé de "sérieux doutes" sur les résultats annoncés. 

"Nous craignons sérieusement que le résultat annoncé ne reflète pas la volonté ou le vote du peuple vénézuélien", a ajouté M. Blinken lors d'une conférence de presse au Japon, tout en estimant que "la communauté internationale suit la situation de très près et réagira en conséquence". 

- L'Europe demande de la "transparence" - 

Le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a néanmoins réclamé une "transparence totale dans le processus électoral" au Venezuela. 

"Les Vénézuéliens se sont prononcés sur l'avenir de leur pays pacifiquement et en grand nombre. Leur volonté doit être respectée. Il est essentiel de garantir la transparence totale du processus électoral, y compris le décompte détaillé des voix et l'accès aux procès-verbaux des bureaux de vote", a écrit M. Borrell. 

Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Jose Manuel Albares, a également réclamé la "transparence totale" à travers une "publication des résultats, bureau de vote par bureau de vote, afin que nous puissions vérifier les résultats". 

Son homologue italien Antonio Tajani a exprimé sa "perplexité" sur le déroulement "régulier" de l'élection, en exigeant "des résultats qu'il est possible de vérifier et l'accès aux documents". 

- Rejet catégorique du Chili, de l'Argentine et du Costa Rica - 

Pour le président du Chili, Gabriel Boric, "le régime de Maduro doit comprendre que les résultats qu'il publie sont difficiles à croire". Il a prévenu que "le Chili ne reconnaîtra aucun résultat qui ne soit pas vérifiable". 

"DICTATEUR MADURO, DEHORS !!!", a lancé le président argentin, Javier Milei. "Les Vénézuéliens ont choisi de mettre fin à la dictature communiste de Nicolas Maduro", a-t-il estimé. 

Le président du Costa Rica, Rodrigo Chaves, "rejette catégoriquement" la proclamation de la victoire de Maduro qu'il qualifie de "frauduleuse". 

Il a ajouté que son pays travaillerait "avec les gouvernements démocratiques du continent et les organisations internationales pour que la volonté sacrée du peuple vénézuélien soit respectée". 

- Soutien des alliés habituels en Amérique latine - 

Nicolas Maduro a reçu le soutien de ses alliés habituels : Cuba, Nicaragua, Bolivie et Honduras. 

Le président de Cuba, Miguel Diaz-Canel, a notamment indiqué avoir appelé son "frère" Maduro pour le féliciter chaleureusement de son "triomphe électoral historique". ”J'ai parlé avec mon frère Nicolas Maduro pour le féliciter chaleureusement au nom du parti, du gouvernement et du peuple cubain pour le triomphe électoral historique obtenu", a déclaré le président de Cuba, allié traditionnel du Venezuela. 

- Félicitations de la Chine, prête à "enrichir" son partenariat - 

La Chine qui entretient des liens étroits avec le Venezuela a félicité Maduro et s'est dite "prête à enrichir le partenariat stratégique habituel et à en faire bénéficier les peuples des deux pays", selon le porte-parole de la diplomatie chinoise Lin Jian. 

Le président russe Vladimir Poutine a félicité lundi Nicolas Maduro pour sa réélection à la tête du Venezuela, allié traditionnel de Moscou. M. Poutine s'est dit "prêt" à poursuivre un "travail constructif commun" sur les dossiers liés aux relations bilatérales et l'agenda international, dans un télégramme adressé à M. Maduro, a annoncé le service de presse de la présidence russe. "Vous serez toujours le bienvenu en terre russe", a-t-il souligné. 

Successeur désigné d'Hugo Chavez en 2013, le président du Venezuela Nicolas Maduro, considéré comme un syndicaliste sans envergure par ses détracteurs, a su se maintenir au pouvoir en dirigeant le pays pétrolier d'une main de fer, remportant dimanche un troisième mandat de six ans au terme d'un scrutin contesté par l'opposition. 

Grand, la moustache fière, l'ancien chauffeur de bus, 61 ans, rappelle fréquemment ses origines et aime cultiver cette image d'homme du peuple, simple et terre-à-terre. 

Il se plaît à évoquer le bon sens, à massacrer des mots anglais, à parler de baseball ou de ses soirées télé avec sa femme Cilia Flores, la "première combattante", ancienne procureure omniprésente sur la scène politique vénézuélienne. 

"C'est un genre qu'il se donne. Pour l'anglais, il a été ministre des Affaires étrangères pendant des années (2006-2013). Difficile de croire qu'il ne le maîtrise pas parfaitement", confie une source diplomatique. 

En le désignant en 2012 comme son héritier, un an avant sa mort, Hugo Chavez (1999-2013) avait loué "l'un des jeunes dirigeants ayant les meilleures capacités" pour prendre la tête du pays. 

Beaucoup l'ont sous-estimé. Il a su s'imposer face à ses rivaux au sein du Parti socialiste unifié (PSUV) dont il est le président, manœuvrer face aux manifestations monstres -- durement réprimées -- qui ont suivi son élection contestée de 2018 boycottée par l'opposition. Et les appareils policier et judiciaire sont à son service, emprisonnant opposants ou activistes. 

Il a également réussi à survivre à une crise économique sans précédent, les sanctions économiques, la pandémie et des scandales de corruption se chiffrant en milliards de dollars. 

Tout en déjouant des complots, réels et imaginaires, qu'il dénonce régulièrement. 

- "Super moustache" et coq de combat - 

La propagande lui a consacré un dessin animé, où il est présenté en "Super-Bigote" (Super-moustache), super-héros "indestructible !" qui, tel Superman, défend le Venezuela contre les monstres et les méchants que sont les États-Unis ou des "opposants-saboteurs". 

Pour cette campagne électorale, Maduro s'est fait appeler "Gallo Pinto" (coq de combat), mettant en avant sa bonne forme physique en comparaison à celle de son adversaire Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans. 

Il n'a pas le charisme ou l'éloquence d'un Chavez, mais passe des heures à la télévision ou sur les réseaux avec une communication bien huilée. 

Alliant discours politique pur et dur, blagues parfois lourdes et parenthèses personnelles, il sait tenir une foule en haleine. 

Une image sympathique jurant avec sa manière de diriger le pays, qui repose en grande partie sur l'armée et l'appareil sécuritaire. L'opposition l'accuse d'être un "dictateur". 

Face à la crise économique et derrière le discours socialiste, M. Maduro a coupé dans toutes les dépenses sociales, supprimé les droits de douane à l'importation pour permettre le réapprovisionnement d'un pays qui manque de tout et autorisé la dollarisation pour juguler l'hyperinflation. 

- "Marxiste et chrétien" - 

Intransigeant dans son discours anti-américain, M. Maduro sait aussi négocier en catimini. 

Il est ainsi parvenu à faire lever de novembre à avril des sanctions américaines alors que l'inéligibilité de la principale opposante Maria Corina Machado se confirmait. 

Il a aussi su obtenir la libération de deux neveux de Cilia Flores condamnés pour trafic de drogue aux Etats-Unis, et surtout en décembre d'Alex Saab, considéré comme un des principaux intermédiaires du Venezuela, incarcéré aux Etats-Unis pour blanchiment. 

S'il se dit toujours marxiste, il a soutenu la béatification par l'Eglise catholique de José Gregorio, le "médecin des pauvres", en 2021. 

Mais il a surtout opéré un virage vers les églises évangéliques chrétiennes. Certains y voient une manœuvre en direction d'une manne électorale. D'autres une vraie foi. 

"Je suis un enfant de notre Seigneur Jésus-Christ et je sais pourquoi il me protège. Ils (les ennemis) n'ont pas pu m'atteindre parce que le Christ est avec nous", dit-il. 

Maduro se résume d'ailleurs ainsi : "Bolivarien (de Simon Bolivar, né au Venezuela et figure emblématique de l'émancipation des colonies espagnoles en Amérique du Sud), marxiste et chrétien".

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