Une Américaine habituée des GAFAM aux manettes de la concurrence européenne
DÉPÊCHE — Une Américaine, professeure d'économie et ancienne cadre de l'administration Obama, a été nommée à la tête de la Direction générale de la concurrence européenne. Un rôle clé de la Commission, notamment lié à la régulation des marchés et au contrôle des monopoles des GAFAM. Sur fond de conflits d'intérêts, cette décision est vivement contestée.
Fiona Scott Morton est scrutée. Des élus de tous bords ont épinglé ses anciennes fonctions de responsable de l'analyse économique à la division "antitrust" du ministère américain de la Justice, entre mai 2011 et décembre 2012, ou de consultante pour des grands groupes de la tech comme Amazon, Apple et Microsoft. Rien que ça.
Ce qui est étonnant, c'est que cette nomination survient au moment où l'UE doit mettre en œuvre de nouvelles législations ambitieuses pour réguler le secteur, qui ne plaisent pas toujours aux GAFAM.
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De fait, cette nomination nourrit aussi les critiques contre la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, considérée pour le moins atlantiste. Nombreux sont les internautes à y voir un signe de soumission de l'Europe envers les États-Unis. Interrogé par Sud Radio ce jour, le maire de Lavaur Bernard Carayon prévoit que "l'avenir industriel de l'Europe va être sous la loupe des intérêts américains". Selon lui, "cette affaire n'est pas seulement un scandale, mais une trahison des intérêts fondamentaux de l'Union européenne."
En France, le ministre délégué au Numérique Jean-Noël Barrot a invité la Commission "à réexaminer son choix". Cette nomination "n'est pas sans soulever des interrogations légitimes", a-t-il écrit sur Twitter.
Le recrutement de Mme Scott Morton est "un scandale", a fustigé de son côté l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot, en demandant à Mme von der Leyen "d'annuler cette nomination contraire à l'éthique".
"Embaucher une lobbyiste américaine des Gafam au moment où l'Europe se décidait enfin à limiter leur pouvoir, c'est un comble. Cette nomination est au mieux maladroite, au pire dangereuse (...), la Commission doit y renoncer", a tancé l'eurodéputé conservateur Geoffroy Didier (Les Républicains).
Certains vont même plus loin : "Tout le monde s'interroge sur ce cadeau majeur qui est fait aux États-Unis. Est-il lié à la possible candidature de von der Leyen à l'Otan ?", se demande un haut responsable de l'exécutif européen, sous couvert d'anonymat. "On marche sur la tête. Plusieurs commissaires sont indignés et l'ont fait savoir à la présidente", affirme-t-il.
Selon une porte-parole de l'institution, "la Commission a soigneusement examiné si Fiona Scott Morton avait un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance". Elle assure par ailleurs qu'elle ne sera "pas impliquée dans des dossiers sur lesquels elle a travaillé ou dont elle a eu connaissance dans son emploi précédent". Oui mais...
"Comme elle a conseillé de grands groupes comme Apple, Amazon et Microsoft", cela "conduirait au scénario absurde dans lequel l'économiste en chef de l'autorité de la concurrence serait tenue à l'écart des dossiers importants", s'offusque l'eurodéputé écologiste allemand Rasmus Andresen.
Si l'on suit cette logique, soit elle ne pourra rien faire, soit elle devra abonder dans le sens des États-Unis. Quoi qu'il en soit, elle n'a pas fini de faire parler d'elle.
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