Putsch au Niger : une intervention militaire française pour sécuriser l’approvisionnement en uranium ?

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France-Soir
Publié le 03 août 2023 - 11:00
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Lou BENOIST / AFP
Illustration : PC Crise des installations industrielles d'Orano à la Hague, décembre 2022.
Lou BENOIST / AFP

GÉOPOLITIQUE/ÉNERGIE - Malgré le putsch qui a renversé depuis le 26 juillet dernier, en quelques jours, le président nigérien élu Mohamed Bazoum, la multinationale française détenue par l'État, Orano (ex-Areva), qui exploite des mines d'uranium, poursuit ses activités. Pas sans inquiétude puisque les putschistes, menés par le général Abdourahamane Tiani, sont ouvertement hostiles à la France et ses représentations au Niger, comme son armée ou même son ambassade à Niamey. Celle-ci a été la cible dimanche de jets de projectiles lors d’un rassemblement de milliers de manifestants en soutien aux militaires putschistes. En réaction, le président Emmanuel Macron a affirmé qu’il "ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts". 

Les mines d’uranium exploitées par Orano depuis un demi-siècle sont l’un de ces "intérêts" évoqués par le Président de la République. Une intervention militaire française est-elle envisageable, comme le redoutent les putschistes, si la multinationale Orano est ciblée ? Quel serait l’impact d’une suspension par les militaires des exportations de l’uranium vers la France, comme évoquée par plusieurs médias ? 

Les exportations vers la France suspendues ? 

Les ressources naturelles du Niger, particulièrement celle de l’uranium, sont au centre des attentions depuis le coup d’État qui a visé le président élu, Mohamed Bazoum, arrêté par des membres de la Garde présidentielle, à leur tête le général Abdourahamane Tiani.

Les militaires putschistes souhaitent mettre fin à une "mainmise néo-coloniale de la France" sur Niamey et ses ressources. Outre les 1.500 soldats déployés plusieurs années auparavant dans le cadre de la lutte anti-terroriste, les intérêts économiques français au Niger se résument, principalement, à la présence de la multinationale Orano, qui y exploite trois mines d’uranium dans le nord.  

En 2022, le Niger était le deuxième fournisseur d'uranium naturel de l'Union européenne (UE), avec une part de près de 26%. 103 réacteurs nucléaires dans 13 pays européens étaient approvisionnés par ce pays du Sahel.

La moitié de ses réacteurs, soit 56, se situent en France, a fait savoir Euratom à l’AFP. Le Niger a contribué à hauteur de 19% à l’approvisionnement de la France entre 2005 et 2020, derrière le Kazakhstan et l’Australie. Orano, spécialisé dans le cycle du combustible nucléaire, y emploie quelque 900 salariés. "99% de collaborateurs sont Nigériens" et les ressortissants français, y compris les cadres de ce groupe, sont évacués à partir de ce 1er août

Le coup d’État a ainsi suscité des craintes en France comme en Europe quant à la poursuite de l’exploitation de ces mines. Mais les "activités opérationnelles d’Orano se poursuivent", a annoncé la multinationale dans un communiqué. Une annonce qui remet en doute l’information, relayée par de nombreux médias, selon laquelle la junte militaire a suspendu les exportations d’uranium et d’or vers la France.  

En réaction à la manifestation de Nigériens devant son ambassade à Niamey, l’Élysée a fermement averti: "Quiconque s’attaquerait aux ressortissants, à l’armée, aux diplomates et aux emprises françaises verrait la France répliquer de manière immédiate et intraitable".

Que se passera-t-il si une telle décision est effectivement prise par les putschistes nigériens ? La France envisagera-t-elle de sécuriser les trois mines du groupe Orano, situées à Arlit, Akouta et Imouraren, avec son armée ? Son approvisionnement en uranium sera-t-il affecté ?  

Une intervention militaire française est "improbable" 

Si Paris est accusé par les militaires nigériens de vouloir "intervenir militairement", pour défendre ses intérêts ou surtout, rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions, des parties françaises estiment un tel scénario "improbable" et relativisent la contribution du Niger en uranium.

Ce pays "n'est plus le partenaire stratégique de Paris comme il a pu l'être dans les années 1960-70", selon Alain Antil, directeur du centre Afrique subsaharienne à l'Institut français des relations internationales (IFRI). "Je ne vois pas une armée étrangère arriver à Niamey et se battre avec l'armée nigérienne, ou du moins la fraction qui soutient le putsch. Par contre, les sanctions économiques sont beaucoup plus fortes que celles qui touchaient le Burkina Faso ou le Mali", a-t-il estimé dans une déclaration à Europe1

Une intervention militaire qui pourrait également provenir des pays membres de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), toujours selon les putschistes. "L’objectif de cette rencontre (sommet extraordinaire de la Cédéao le dimanche 30 juillet, ndlr) est la validation d’un plan d’agression contre le Niger, à travers une intervention militaire imminente à Niamey en collaboration avec les pays africains non-membres de l’organisation et certains pays occidentaux", a déclaré un des putschistes. Des interventions étrangères "considérées comme des options envisageables et utilisables" contre lesquelles a mis en garde l’Algérie, qui a appelé "à la prudence et à la retenue".  

Quid de l’impact d’une éventuelle cessation des exportations d’uranium ? Le groupe Orano est le premier à réagir. "L'uranium en provenance du Niger couvre moins de 10% de l'uranium utilisé dans les centrales nucléaires françaises", précisant que le Niger ne représente que 4% de la production mondiale d'uranium. Le groupe nucléaire a aussi investi dans des mines au Canada et surtout au Kazakhstan, le premier producteur mondial (45%). Des investissements qui visent à réduire sa dépendance vis-à-vis des pays africains, dans le but de prévenir les conséquences de l'instabilité politique. 

La diplomatie française a également répondu à une question de la presse sur une "interdiction de toute exportation" de ce minerai et de l’or vers la France. "Aucune entreprise française n’exploite de mine d’or au Niger. Quant à l’uranium, nos approvisionnements sont extrêmement diversifiés, le Niger ne représente que 4% de la production mondiale", lit-on.  

Ce pays du Sahel est l’un des théâtres de l’opération Barkhane dans la région, lancée en 2014 pour lutter contre les groupes terroristes et stoppée en novembre 2022. Un départ justifié, entre autres, par l'hostilité des populations locales à l'égard de la France, accusée par les dirigeants des pays voisins, à l’instar du Mali, d’ingérence.

Des causes auxquelles s’ajoutent des "campagnes de désinformation" sur les réseaux sociaux, selon Paris, menées par la Russie, sollicitées au même titre que le groupe mercenaire Wagner par les populations locales.

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