L’Europe de la santé : Entre réalité et utopie
TRIBUNE : Avec la crise du Covid-19, l’union européenne a montré ses limites en termes de collaboration interétatique. Ainsi, au cœur de la crise, un grand nombre de frictions sont apparues entachant encore un peu plus l’image d’une Europe plus désunie que jamais.
L’intérêt commun mis au second plan
Cette crise sanitaire aura été l’occasion de mettre en exergue l’individualisme des pays européens lorsque la peur se fait sentir. L’intérêt commun, pourtant prôné par l’ensemble des chefs d’Etats européens en temps normal, semble avoir été occulté par l’individualisme étatique. Ainsi de nombreuses scènes pour le moins caucasses ont entachées la gestion de cette crise sanitaire.
Prenons pour exemple la réquisition de masques à destination d’un pays européen par un autre pays européen alors que ces masques étaient simplement en transit sur son territoire national ou encore le fait d’avoir laissé l’Italie se débrouiller seule en début de crise. Bien que certains pays européens comme la France et l’Allemagne se soient entraidés dans certaines régions frontalières, ces exemples de solidarité ne sont malheureusement que marginaux.
Face à ce constat, le Président français a appelé à la création d’une Europe de la santé afin d’apporter, dans le futur, une réponse de qualité, plus en adéquation avec les valeurs européennes.
Quelle compétence a actuellement l’Union en matière de santé ?
L’Union européenne de la santé existe-t-elle déjà ? Emmanuel Macron dit qu’elle n’a jamais existé. Pourtant l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne (TFUE) évoque bien une compétence en matière de santé publique. Ainsi il est évoqué dans cet article que :
« L’action de l’union, qui complète les politiques nationales, porte sur l’amélioration de la santé publique et la prévention des affections humaines et des causes de danger pour la santé physique et mentale ».
Le terme « complète » utilisé dans cet article nous indique qu’il ne s’agit pas ici d’une compétence exclusive de l’union européenne et qu’elle n’a donc pas toutes les cartes en main pour pouvoir agir. L’alinéa 2 de cet article apporte des précisions quant à l’action de l’union : « L’union encourage la coopération entre les Etats membres dans les domaines visés au présent article et, si nécessaire, elle appuie leur action ». Ces précisions montrent que les Etats sont encore seuls maîtres à bords et que l’Union Européenne, en se limitant à une compétence d’appui, n’a que très peu de pouvoir en la matière donnant ainsi raison au Président.
Afin de pouvoir créer une Europe de la santé uniforme et éviter les querelles étatiques, l’Union Européenne aura besoin d’avoir une compétence exclusive en matière de santé publique. Reste à savoir si les Etats seront prêts à lui donner cette compétence. Très peu probable dans le contexte de repli national actuel.
Marc Antognetti, pharmacien et spécialiste en droit de la santé et droit européen. Apporter le regard d'un professionnel de santé sur des sujets en rapport avec la Santé est clé pour informer.
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