La Russie accuse Kiev de “terrorisme énergétique” après une attaque contre TurkStream, désormais le seul gazoduc permettant le transit du gaz russe vers l'Europe
Peu inquiète jusque-là de l’arrêt du transit du gaz russe par l’Ukraine, Budapest craint désormais pour son approvisionnement énergétique. Moscou a accusé lundi 13 janvier 2025 d’avoir attaqué, à l’aide de drones, une station de distribution de gaz du gazoduc TurkStream, situé dans la région de Krasnodar. Il s’agit, après la fin le 01 janvier dernier du contrat entre Naftogaz et Gazprom, et depuis le sabotage de Nord Stream en septembre 2022 en mer Baltique, du seul gazoduc opérationnel reliant les territoires russe et européen. Le Kremlin dénonce un "terrorisme énergétique" tandis que la Hongrie “une atteinte à la souveraineté”.
Kiev a annoncé le 31 décembre dernier la fin du transit du gaz russe sur son territoire. Tout en se privant d’une manne de 800 millions d'euros, Kiev a décrit un “événement historique” qui fait perdre à la Russie et Gazprom “ces marchés” et lui fait subir des “pertes financières”, dont 5 milliards d’euros de revenus. Le contrat établi en 2019 entre la compagnie Naftogaz et le géant russe Gazprom, permettait le transit du gaz russe via plusieurs canalisations dont les gazoducs Bratstvo et Soyouz.
“Terrorisme énergétique”
Avant le 01 janvier, et depuis le sabotage de Nord Stream en septembre 2022 en mer Baltique, la Russie transmettait son gaz vers le Vieux continent par deux routes. Le premier gazoduc traversait justement l'Ukraine avec un réseau de connexions et à l’annonce de Kiev, un vent de panique a soufflé sur les pays de l’Europe centrale et de l’Est.
La Slovaquie a dénoncé la fin du transit du gaz russe et son Premier ministre, Robert Fico, tout en regrettant une décision “irrationnelle et erronée”,a menacé d'interrompre l'approvisionnement en électricité dont Kiev a besoin face aux bombardements de ses infrastructures énergétiques.
Lundi encore, il invitait le président ukrainien, Volodymyr Zelensky à une “négociation” sur les "discussions techniques possibles" pour rétablir le transport de gaz russe vers son pays. "Cette rencontre" devrait avoir lieu, "de préférence, le plus tôt possible", pour créer de "bonnes conditions préalables à une discussion ouverte sur l'approvisionnement en gaz de la Slovaquie" via l'Ukraine, a-t-il expliqué. Le président ukrainien s’est contenté de répondre par un post X : “Ok. Venez à Kiev vendredi”.
Le second gazoduc est le TurkStream, et son prolongement, Balkan Stream, sous la mer Noire, vers la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie. Ces pays-là ne sont désormais approvisionnés en gaz russe que par cette connexion, inaugurée en 2020 et capable d’acheminer chaque année 31,5 milliards de m3 de gaz. Cet approvisionnement est désormais tout aussi menacé par Kiev. Il n’est pas question de la fin d’un quelconque contrat mais de “terrorisme énergétique”, comme l’affirme le Kremlin.
La Russie a accusé lundi l'Ukraine d'avoir attaqué aux drones une station de distribution de gaz du gazoduc TurkStream dans la région de Krasnodar. "Le régime de Kiev a tenté d'attaquer avec neuf drones (...) afin de faire suspendre les livraisons de gaz vers les pays européens", a affirmé l'armée russe dans un communiqué.
Tous les appareils ont été abattus, poursuit-on, sans que le fonctionnement du gazoduc n’ait été entravé. L'attaque "n'a pas non plus fait de blessés" parmi le personnel de la station de compression visée, située à Gaï-Kodzor, ajoute la même source.
“Une atteinte à la souveraineté”, aux yeux de la Hongrie
Le Kremlin, par la voix de son porte-parole Dmitri Peskov, a de son côté dénoncé un acte qui constitue “essentiellement une continuation du terrorisme énergétique” que Kiev “poursuit, apparemment sous la tutelle d’amis étrangers”. “De telles décisions conduisent à une certaine déstabilisation des marchés internationaux de l'énergie”, a-t-il ajouté. Après l’annonce de la fin du transit par l’Ukraine, le cours du gaz européen avait vite atteint la barre symbolique des 50 euros le mégawattheure, une première depuis plus d’un an.
La Hongrie, qui s’en est bien sortie après l’expiration du contrat entre Gazprom et Naftogaz, a cette fois-ci vite dénoncé l’attaque ukrainienne, qui a ciblé un système "essentiel à l'approvisionnement en gaz naturel de la Hongrie et de l'Europe centrale.
"Toute action qui menace la sécurité de notre approvisionnement en énergie doit être considérée comme une atteinte à la souveraineté", estime le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjarto.
Un arrêt de ce pipeline pourrait aggraver la situation géopolitique et énergétique en Europe. Si l’UE parvient à se passer de gaz russe via l'Ukraine comme Bruxelles l’affirmait en début d’année, la fin de l’acheminement du gaz via la Turquie pourrait bien la forcer à revoir ses calculs.
En outre, un tel scénario pourrait fragiliser le soutien de certains pays de l’Europe centrale et de l’Est à l’Ukraine, qui se retrouveraient privés de l’un des rares moyens d'approvisionnement énergétique. La Turquie serait l’autre perdante, aussi bien géopolitiquement, compte tenu de son rôle stratégique dans ce transit, qu’économiquement, en raison des revenus générés par le TurkStream.
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