À la Maison-Blanche, un président sous cloche : le récit d’un mandat orchestré par les conseillers
Un président diminué, presque sénile, dont la santé l’isolait de ses collaborateurs, et dont les plus proches étaient aux petits soins compte tenu de son âge avancé. Rien de surprenant, à se référer aux multiples images et gaffes que Joe Biden, aujourd’hui âgé de 82 ans, a cumulées pendant son mandat entre 2020 et 2024. Néanmoins, le récit publié jeudi 19 décembre par le Wall Street Journal (WSJ) confirme que tout le monde chez les démocrates (et ailleurs chez les alliés des États-Unis) faisait semblant et ce, dès le début de sa présidence, à l’âge de 78 ans. Le journal américain dévoile des détails sur le fonctionnement interne de l’administration Biden et revient sur les coulisses de nombreux événements clés.
Pour retracer le mandat de Biden et relayer les coulisses de sa gestion à la Maison Blanche, ou du moins celle de ses conseillers et ses plus proches collaborateurs, le WSJ s’est entretenu avec près de 50 personnes, dont celles qui ont pris part ou qui avaient une connaissance directe des opérations. Et bien que les gaffes de l'ancien vice-président sous Barack Obama étaient fréquentes dès le début de son mandat, son état de santé et sa capacité à diriger n’étaient ouvertement et pleinement remises en cause que lorsqu’il a annoncé, en avril 2023, sa candidature à sa propre succession.
Un Joe Biden essoufflé dès le début de son mandat
Pourtant, il était déjà dans un cocon dès le début de son mandat, fonctionnant souvent avec un cercle restreint de conseillers. Cette “culture protectrice”, fait remarquer le WSJ, a commencé avec la pandémie de COVID lorsque son personnel veillait à ce que le président ne soit pas contaminé par le virus. “Mais la carapace n’a jamais été complètement démontée”, explique le journal, qui précise que “son âge avancé l’a durcie”.
Ainsi, les plus proches collaborateurs du président le plus âgé de l’histoire des États-Unis ont adapté la Maison Blanche à ses besoins de dirigeant diminué. Les interactions avec les législateurs démocrates, y compris les alliés les plus fidèles de Biden, ou même les membres du cabinet comme les secrétaires Lloyd Austin (Défense) et Janet Yellen (Trésor) étaient de plus en plus rares. Les conseillers principaux assumaient des rôles que certains hauts fonctionnaires de l’administration estimaient incombant au chef de l’Etat.
Des limites quant au nombre de personnes avec lesquelles Joe Biden pouvait discuter, quant à ce qu’elles pouvaient lui dire étaient instaurées. Un groupe restreint d’assistants était constamment proche du président, particulièrement pendant ses voyages ou ses sorties en public, durant lesquelles ce personnel lui répétait les instructions, lui indiquait même par où entrer ou sortir d’une scène.
Ses collaborateurs voulaient aussi l’empêcher, par ces dispositifs de protection, lui qui était considéré comme “un orateur indiscipliné”, de commettre des gaffes ou des faux pas pouvant nuire à son image, voire même créer des malentendus ou “bouleverser l’ordre mondial”. Peine perdue.
Le Wall Street Journal s’attarde sur des événements majeurs du mandat de Biden et en dévoile les coulisses liées à son état de santé et son acuité remise en cause. Il est notamment question du débat, fatal pour sa campagne, avec son rival de 2020, Donald Trump, l’entretien de Joe Biden avec le procureur spécial en charge de l’enquête sur la gestion des documents classifiés, le retrait des troupes américaines d’Afghanistan ou encore son retrait de la course à un second mandat.
Inaccessible et isolé, peu endurant et léthargique
Lors de son entretien avec le procureur Robert K. Hur, Joe Biden ne se souvenait plus des répliques que son équipe avait préparées. C’était à l’automne 2023 et le président souhaitait discuter avec les enquêteurs pour se démarquer de Donald Trump, chez qui des documents classifiés étaient apparus. Les séances de préparation, rapporte le WSJ, ont duré environ trois heures par jour pendant une semaine environ. La forme de Biden était déjà instable, “en dents de scie”, lit-on. Il ne se souvenait déjà pas des arguments que son équipe lui préparait, l'entretien ne s’était pas bien passé.
Le rapport du procureur recommandait déjà de ne pas poursuivre Joe Biden car un jury était susceptible de le considérer comme un “homme âgé sympathique et bien intentionné avec une mauvaise mémoire”. Les responsables de l'administration avec lesquels le WSJ s’est entretenu disent avoir déjà remarqué que le président se fatiguait lorsque les réunions se prolongeaient et commettait des erreurs.
En outre, cette “carapace” l’avait déjà isolé de son cabinet, des présidents de commissions du Congrès et des autres hauts fonctionnaires. Les législateurs souhaitant s’entretenir en tête-à-tête avec lui devaient être brefs et leurs discussions “courtes” et “ciblées”. Les réunions devaient idéalement commencer plus tard dans la journée.
Plusieurs représentants, comme le démocrate Adam Smith (Washington) qui travaillait sur le dossier afghan et qui souhaitait exprimer ses inquiétudes quant au retrait américain d’Afghanistan en 2021, ont déploré l’inaccessibilité de Joe Biden par rapport à ses prédécesseurs. “La Maison Blanche de Biden était plus isolée que la plupart des autres (...) J'ai parlé avec Barack Obama à plusieurs reprises lorsqu'il était président et je n'étais même pas président d’une commission”, a-t-il admis.
Quant aux parlementaires qui ont pu le rencontrer, le manque d’endurance du président et sa dépendance vis-à-vis de son équipe étaient flagrants, de quoi remettre déjà en cause sa capacité à finir le mandat. “Je pensais que le président avait peut-être perdu ce combat ... cette capacité de continuer à rester au pouvoir, de continuer à travailler dur ...”, témoigne-t-on.
Même des membres du cabinet, à savoir les secrétaires du Trésor, Janet Yellen et de la Défense, Lloyd Austin, accédaient de moins en moins au président, qui semblaient souvent, selon des responsables, pas au fait des événements. Le constat s'est accentué ces deux dernières années alors que la situation exigeait des briefings plus récurrents, notamment avec les guerres en Ukraine et à Gaza.
Un mandat scénarisé
Le WSJ fait remarquer que durant son mandat, Biden a tenu neuf réunions plénières avec son cabinet, alors que son prédécesseur totalisait 25 et son ancien supérieur, Barack Obama, 19. Des donateurs démocrates pour la campagne de Biden constatent à leur tour, avec choc, l’isolement de leur candidat mais surtout son acuité dégradée, lui rendant difficile même les réponses à des questions présélectionnées, approuvées et préparées.
Des signes de déclin que les assistants s’empressaient de cacher en écourtant les apparitions ou les interventions. Jusqu’au 27 juin, lorsque Biden s’est retrouvé sur la scène d’un débat à Atlanta avec son rival, Donald Trump. Un rendez-vous fatal pour le démocrate, qui a bégayé, semblant parfois regarder dans le vide sans réaliser ce qui se passait autour de lui.
Le président sortant était aussi inaccessible aux sondeurs pendant sa campagne, qui n’avaient pas de preuves que les données lui arrivaient personnellement. Sa déclaration publique selon laquelle la course était serrée alors que Donald Trump trottait en tête des sondages laissaient le Parti démocrate penser qu’il n’était pas au courant de sa réelle situation dans la course.
Le 13 juillet, il réaffirmait sa capacité à se porter candidat à un second mandat en répondant à des législateurs démocrates. Pourtant, les appels à abandonner la course et céder le ticket démocrate à sa vice-présidente Kamala Harris se montraient insistants. Huit jours plus tard, il abandonne la course, s’isolant encore plus selon le Wall Street Journal.
Ce récit révèle des coulisses qui confirment ce que tout le monde savait et voyait. Mais ces révélations contrastent durement avec les allégations relayées jusque-là par les médias, selon lesquelles Joe Biden se montrait dynamique, physiquement ou mentalement, que ce soit lors de ses réunions ou lors de ses apparitions.
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