La Chine étend son crédit social à l'international
Officiellement annoncé en 2014, le système de crédit social chinois fonctionne de mieux en mieux, et de plus en plus. En posant des caméras partout, en développant toujours plus de QR-Codes et en incitant à la délation, le Parti Communiste Chinois (PCC) crée Le Meilleur des Mondes. Quand il s'agit de surveillance, le credo est le suivant : toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort. Aujourd'hui, tous les citoyens chinois sont répertoriés dans la base de données, et sont notés. Ce système de crédit social que l'on dit souvent "orwellien", est double : nous avons d'un côté la surveillance individuelle, et de l'autre la surveillance des entreprises.
Comment cela fonctionne-t-il pour les citoyens ?
En France, nous avons par exemple l'habitude du permis à points pour la conduite. Grillez un feu rouge, vous perdrez quatre points (si vous vous êtes fait prendre). Soyez sages pendant plus de six mois, ou payez pour un stage, et vous récupérerez des points. Si vous êtes chauffeur de taxi, propriétaires de maisons d'hôtes ou simplement commerçants sur Internet, le système de notation vous est aussi familier. Soyez aimables, et les clients vous remercieront en vous notant correctement, ce qui vous donnera meilleure réputation. Si en revanche vous faites mauvaise impression pour telle ou telle raison, vous serez mal noté, et Dieu sait à quel point les notes influencent l'opinion publique.
Maintenant, imaginez que ces systèmes soient étendus à tous les aspects de notre vie quotidienne. C'est difficile, mais c'est réel. Comme dans un jeu vidéo, votre score ne cesserait de varier en fonction de vos actions. Voilà la promesse du crédit social chinois :
Ce qui vous ferait gagner des points : donner votre sang, faire l'éloge du gouvernement, réaliser un acte "héroïque", prendre soin des personnes âgées, aider les plus pauvres, s'engager dans une oeuvre de charité, avoir un bon historique de crédit financier.
Ce qui vous en ferait perdre : tricher sur des jeux en ligne, participer à ce qui peut être considérer comme une secte, ne pas être sincère quand vous vous excusez pour un crime que vous avez commis, répandre des rumeurs sur Internet, poster des messages contre le gouvernement sur les réseaux sociaux, ne pas aller voir vos aînés régulièrement, protester illégalement contre les autorités, commettre des infractions routières.
Ce dont vous pourrez bénéficier avec un bon score : la priorité pour des admissions scolaires ou professionnelles, un accès facilité à des emprunts bancaires ou des crédits, des locations de véhicules, un accès à des salles de sport, des transports en commun moins chers, des temps d'attentes moins longs à l'hôpital, une promotion accélérée au travail, pas de file d'attente pour l'accès au logement social, des taxes réduites.
Comment vous serez punis si vous avez un mauvais score : certains services sociaux vous serons refusés, les vols et les TGV vont seront interdits, vous n'aurez plus droit aux crédits, vous ne pourrez pas travailler auprès du gouvernement, vous n'aurez pas accès aux écoles privées.
La liste noire : si votre score descend trop bas, vous serez ajouté à la liste noire. Le gouvernement vous humiliera alors volontairement auprès du public en affichant votre nom, votre numéro d'identité et votre photo à la télévision ainsi que dans les espaces fréquentés. Aussi, ceux qui vous appelleront sur votre téléphone sauront grâce à un message automatique que vous faites partie de la liste noire. Entrer sciemment en contact avec une telle personne vous fait aussi perdre des points...
Ce modèle n'est pour le moment présent qu'en Chine.
Réplication du modèle des entreprises au Canada
Le système est tout à fait similaire pour ce qui est des entreprises. En évaluant les performances de cette dernière et en analysant plusieurs composantes (taxes, protection de l'environnement, droit de douanes, etc), le gouvernement peut ensuite récompenser les bonnes entreprises et punir les mauvaises.
L'année dernière, le Canada assurait que ce dispositif était prêt à être mis en place chez eux.
Aujourd'hui, à Vancouver, un restaurant de la chaîne chinoise Haidilao Hot Pot est pleinement opérationnel. Équipé de 60 caméras, deux à chaque table, l'endroit est prêt à accueillir ses clients, et à les surveiller en permanence. Ryan Pan, le responsable du restaurant, rapporte lui-même que les caméras sont installées "pour punir les citoyens qui n'adhèreraient pas aux choix de l'entreprise", assurant par ailleurs que "les données récoltées étaient ensuite transférées en Chine." Ainsi, le mode de vie chinois se répend à l'international car le PCC considère que ses citoyens doivent être surveillés même s'ils sont expatriés. De facto, cela leur permettra aussi d'avoir un oeil sur les Canadiens. Ce qui peut être inquiétant, c'est que les entreprises chinoises sont aujourd'hui très largement réparties à travers le monde. Les restaurants Haidilao à eux seuls sont présents à 935 endroits différents et comptent plus de 60 000 salariés.
La réponse canadienne
Si certaines personnalités canadiennes se sont vivement montrées contre ces installations, il se trouve que les lois actuelles du pays ne peuvent pas réellement empêcher les entreprises chinoises d'installer leurs caméras. Le ministre du Travail de Colombie-Britannique, Harry Bains, a été interrogé pour savoir s'il avait prévu de modifier les lois pour protéger les citoyens canadiens vis-à-vis de la protection des données, mais aussi des punitions qu'ils encourent. Lui, tout comme la ministre des Services aux citoyens Lisa Beare, espère simplement que les citoyens respecteront et adhèreront au système, qui se repose uniquement la Personal Information Protection Act (PIPA).
Le 9 février 2021, David Vigneault, le directeur du service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), assure au cours d'une déclaration publique que "la menace ne vient pas du peuple chinois, mais plutôt du gouvernement chinois qui poursuit une stratégie d'avantage géopolitique sur tous les fronts - économique, technique, politique et militaire - et utilise tous les éléments du pouvoir de l'État pour mener des activités qui constituent une menace directe pour notre sécurité et notre souveraineté nationales."
Malgré cette mise en garde, et des relations parfois tendues avec la Chine, Justin Trudeau ne semble pour l'instant pas opposé à l'insertion du modèle chinois au Canada.
La Chine, après avoir imposé au monde son modèle économique en seulement quelques années, propose désormais son modèle social fondé sur la surveillance permanente des citoyens, les récompenses et les punitions.
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