Etats-Unis : deux sénateurs démocrates empêchent un coup d’Etat

Auteur(s)
Anthony Lacoudre, pour FranceSoir
Publié le 25 janvier 2022 - 13:04
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Joe Manchin et Kyrsten Sinema
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AFP
Kyrsten Sinema, sénatrice de l'Arizona, et Joe Manchin, sénateur de Virginie-Occidentale
AFP

CHRONIQUE - Le 19 janvier dernier se tenait un vote au Sénat sur le projet de loi de réforme électorale adopté en mars 2021 par la Chambre des représentants. 

Un projet de loi facilitant la fraude électorale 

Ce projet de loi, intitulé « The Freedom to Vote Act », présenté par les démocrates comme protégeant le droit de vote des citoyens,  visait en fait à limiter les pouvoirs des 50 États de l’Union concernant l’organisation des élections fédérales (élections présidentielles, législatives et sénatoriales). 

Et ce, alors même que d’après la Constitution américaine, le droit électoral relève de la seule compétence des États (ce qui a fait dire à nombre d’observateurs que ce texte de loi serait in fine abrogé par la Cour suprême).

L’une des mesures phares de ce projet de loi consistait à interdire aux États d’exiger que les électeurs présentent leur carte d’identité notamment pour pouvoir voter par correspondance. 

Les démocrates ont en effet réalisé lors des élections de novembre 2020, tenues dans un contexte de crise sanitaire aigüe, que la mise en place du vote universel par correspondance associée à l’absence de contrôle de l’identité des électeurs pouvait leur être très bénéfique. 

Nous renverrons à ce titre à nos analyses précédentes concernant les soupçons de fraude massive intervenue lors de l’élection de Joe Biden en novembre 2020 (voir "L'élection miraculeuse de Joe Biden", 19 janvier 2021). On rappellera que le vote universel par correspondance fut interdit en France en 1975 en raison des risques inhérents trop élevés de fraude électorale. 

Kamala Harris résume bien la situation, de son point de vue (interview télévisée du 21 janvier dernier) = « Notre projet de loi est la solution pour contrer le fait que dans le pays, des États ont mis en place des lois (NDR : les États républicains qui exigent que les électeurs prouvent leur identité) dans le but de rendre plus difficile l’exercice du droit de vote. Nous ne pouvons pas permettre cette grossière érosion de notre démocratie ». 

Pour les démocrates, qui sont si prompts à exiger de leurs concitoyens la preuve de leur identité pour se rendre au restaurant ou au cinéma, il est inacceptable – voire, d’après Joe Biden « raciste et esclavagiste » - de dévoiler son identité lorsqu’il s’agit de voter. « C’est de la subversion des élections » dit Joe Biden ("voter suppression and election subversion"). À tel point que « Le résultat des élections de 2022 ne sera pas légitime si notre loi électorale n’est pas adoptée » renchérit Joe Biden.

L’échec du vote sur la clôture des débats

En réalité, le vote au Sénat ne portait pas sur le texte du projet de loi en lui-même, mais sur une motion visant à mettre fin aux débats en cours sur ledit projet de loi. 

En effet, une loi ne peut être présentée au vote des sénateurs (à la majorité simple) que si les débats ont été clos au préalable (« debate cloture »). Or, pour clore les débats, il est nécessaire d’obtenir une majorité des deux tiers des sénateurs (« filibuster rule »). 

En l’occurrence, les 50 sénateurs républicains ont voté contre la clôture des débats alors que les 50 sénateurs démocrates ont voté pour. Insuffisant puisqu’il fallait donc obtenir une majorité de 60 sénateurs pour mettre fin aux débats. 

« L’option nucléaire »

En réaction à cet échec, Chuck Schumer, le président démocrate du Sénat, a déclenché « the nuclear option », en proposant aux sénateurs de voter dans la foulée l’abrogation de la règle du flibustier.  

Pour ce faire, une simple majorité était suffisante. Il suffisait donc que les 50 sénateurs démocrates votent en faveur de cette abrogation (auxquels se serait joint le vote du vice-président Kamala Harris) pour réformer en profondeur le fonctionnement du Sénat.  

Des débats intenses

« On peut dire qu’aujourd’hui est le jour le plus important dans l’histoire du Sénat. Ces radicaux de gauche sont prêts à détruire le Sénat » a déclaré solennellement Mitch McConnell, le président de la minorité républicaine.

Les sénateurs républicains rappellent que, si la Chambre des représentants adopte les textes de loi à la majorité simple, le rôle du Sénat est de délibérer en prenant en compte les droits de la minorité. 

Autrement dit, le Sénat est une institution servant à bloquer l’adoption de textes de lois jugés trop extrêmes, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas susceptibles de recevoir un consensus bipartisan. Le Sénat garantit une certaine modération et stabilité politique au pays, protégeant la démocratie contre « les passions passagères de la majorité ». 

C’est dans ce contexte, par exemple, que les sénateurs républicains ont accepté de ne pas bloquer la loi sur les infrastructures chère à Joe Biden, adoptée par le Congrès en novembre dernier, 19 d’entre eux ayant même voté en faveur de cette loi onéreuse (1,2 trillion de dollars de dépenses publiques).

Joe Manchin, sénateur de la Virginie-Occidentale, déclare quant à lui durant les débats : « Mes collègues démocrates du Sénat ont changé d’avis sur ce point, pas moi ». Il fait référence au temps (pas si lointain, en 2018) où 61 sénateurs (dont 33 démocrates) adressèrent à la fois au président républicain d'alors (Mitch McConnell) et au président de la minorité démocrate du Sénat (Chuck Schumer) une lettre pour défendre avec vigueur le droit de la minorité au Sénat en les alertant sur les dangers d’une élimination potentielle de la règle du flibustier, afin « de préserver la capacité du Sénat de mener des débats approfondis ». En 2017, le même Chuck Schumer déclarait, dans un discours passionné, qu’il était fondamental de conserver cette règle, "sinon c'est la dictature". Du reste, sous le mandat de Donald Trump, les démocrates ont eu recours au blocage du flibustier plus de 300 fois…

Joe Manchin poursuit : « Nous sommes les États-Unis, pas les États-Désunis. C’est trop facile d’abroger la règle du flibustier... À la place, il faut accepter d'entreprendre le travail difficile d’élaborer des compromis. Par exemple, nous pouvons nous mettre d’accord pour rendre plus facile l’accès au vote et pour rendre plus difficile la triche aux élections. En 233 ans, aucun débat n’a été stoppé à la majorité simple ». 

À l’origine, en effet, il ne pouvait même pas y avoir de vote pour décider de la fin des débats puis, en 1917, la règle du flibustier a été introduite, prévoyant la possibilité d’un vote à la majorité renforcée des deux tiers des sénateurs. Joe Manchin conclut en citant James Madison (président des États-Unis de 1809 à 1817) : « L’objet du Sénat est de protéger le peuple contre ses dirigeants. Nous ne devons jamais, au grand jamais, détruire le seul mur qu’a cette nation contre les excès de la branche exécutive et la tyrannie de la majorité ». 

Deux sénateurs démocrates s’opposent frontalement à Joe Biden

Lors de ce second vote du 19 janvier au Sénat, deux sénateurs démocrates, Joe Manchin (Virginie-Occidentale) et Kyrsten Sinema (Arizona), ont rejoint le bloc des 50 sénateurs républicains pour voter contre l’abrogation de la règle du flibustier.  

Ils ont préféré préserver cette caractéristique fondamentale du Sénat, et ce, alors même qu’ils se sont publiquement prononcés en faveur de la réforme électorale proposée par leur parti. 

Ils ont surtout compris que dans peu de temps, ils seront minoritaires au Sénat, souhaitant continuer à jouir de la possibilité de bloquer les projets de loi qui seront adoptés par la prochaine majorité républicaine à la Chambre des représentants. 

Joe Manchin et Kyrsten Sinema auront donc tenu bon, en dépit des pressions intenses et des menaces émanant de leur propre camp, des médias et du monde du show-biz. 

« Sinema et Manchin ont préféré donner priorité à la minorité républicaine au détriment des droits des électeurs issus des minorités » reprochent les ténors du parti démocrate au lendemain du vote du Sénat.

Il n’en demeure pas moins que la loi sur la réforme électorale ne pourra donc pas être présentée au vote des sénateurs, le projet de loi adopté par la Chambre des représentants restera lettre morte. « Je suis profondément déçu que le Sénat n’ait pas su protéger notre démocratie » a immédiatement réagi Joe Biden.

Le véritable enjeu de la réforme électorale

Les démocrates auront donc tenté le tout pour le tout. Dans un contexte d’impopularité historique de Joe Biden et de Kamala Harris et confrontés à des sondages désastreux pour les prochaines élections législatives et sénatoriales de novembre 2022, les démocrates savent bien qu’ils risquent une déroute électorale magistrale dans 10 mois. 

Dans ces conditions, leur seul espoir consistait à réitérer « le coup » de 2020.  « Nous allons perdre si nous ne pouvons pas refaire ce que nous avons pu faire en novembre 2020 » reconnaissent les responsables du parti. D'où l'adoption dès le début de l'année 2021, sans l'appui d'aucune voix républicaine, du projet de loi de réforme électorale par la Chambre des représentants.

« Avec Joe Biden, nous avons eu droit à une série de propositions législatives adoptées par la Chambre des représentants qui ont pour but de détruire les États-Unis, notamment le projet de loi truquant les élections à perpétuité, en permettant la fraude massive » réagit le sénateur républicain Lindsey Graham. Mitch McConnell renchérit : "les démocrates veulent s’emparer du Sénat, pour s’emparer des élections, pour s’emparer des États-Unis ».

Des irrégularités avérées en Arizona, en Géorgie et dans le Wisconsin

Deux sénateurs démocrates auront donc sauvé la République d'une tentative de coup d'État orchestrée par leur propre parti. 

Pour illustrer le propos, on soulignera qu'en Arizona, État remporté par Joe Biden avec 10 000 voix d’avance, l’audit des résultats du comté de Maricopa (Phoenix), rendu public en septembre 2021, a identifié 54 000 bulletins irréguliers (électeurs non-résidents dudit comté ou décédés, immigrés légaux ou clandestins non titulaires du droit de vote, etc.). Une enquête judiciaire ouverte par le ministre de la Justice de l’Arizona est en cours.

Voir aussi : Résultats de l’audit en Arizona : 54 000 bulletins illégaux identifiés

En Géorgie, le secrétaire d'État Brad Raffensperger a ordonné en juillet dernier la mise sous tutelle du comté de Fulton (Atlanta) et le lancement d’un audit sur la gestion des élections de 2020, dans le but de lui retirer la responsabilité de gérer les élections à venir, comme l’autorise la nouvelle loi électorale adoptée en mars 2021 par la législature de l’État de Géorgie, le comté étant jugé « pas fiable ». 

On se souvient des images choc des caméras de surveillance d’un bureau de vote d’Atlanta montrant les assesseurs (employés municipaux d’Atlanta) attendre le départ de la presse et des observateurs vers 23 h 00 pour extirper des valises remplies de bulletins cachées sous des tables et scanner les bulletins en dehors de toute supervision.

Assurément, la reprise en main par le pouvoir exécutif des États de l’Union de la gestion des élections, au détriment des comptés et des grandes villes, sème véritablement la panique au sein de l’establishment démocrate. 

Joe Biden a bien senti le danger, dénonçant le 13 janvier à la presse avec rage que le problème vient du fait que « les législatures des États continuent de modifier la loi non pas sur qui a le droit de voter, mais sur qui compte les bulletins, qui compte les bulletins, qui compte les bulletins !!! »

Dans le Wisconsin, un tribunal a reconnu le 14 décembre dernier que 215 000 bulletins par correspondance ont été comptabilisés à tort en novembre 2020, sans que n’ait été vérifié le statut de « confiné permanent » des électeurs, ce statut leur ayant permis de voter sans devoir montrer leur pièce d’identité. 

Par ailleurs, la Cour suprême du Wisconsin a jugé il y a 15 jours totalement illégale l’installation par des fonds privés (notamment provenant de Mark Zuckerberg, le président de Facebook) de « boites aux bulletins » ("ballot drop boxes"), sorte de boîtes aux lettre disposées dans la rue dans lesquelles les électeurs pouvaient déposer leur bulletin de vote pour éviter de se déplacer au bureau de vote.

Des collectes illégales de bulletins par correspondance

Au cours de l’année 2020, le parti démocrate a saisi la justice dans plusieurs États-clefs de l’élection présidentielle pour faire annuler l’interdiction de collecter des bulletins prévue par la loi électorale de ces États (« ballot harvesting »). 

Il était interdit en effet que des personnes se rendent au domicile d’électeurs pour les faire voter puis déposent en leur nom les bulletins au bureau de vote. La justice a confirmé la validité de la prohibition dans chacun des États concernés, mais cela n’aurait pas empêché les démocrates de procéder à des collectes de bulletins auprès de groupes d'électeurs sélectionnés avec soin comme si de rien n’était lors des dernières élections de novembre 2020.

L'année dernière en Arizona, plusieurs personnes ont été inculpées précisément pour collecte illégale de bulletins, alors qu’en Géorgie, le secrétaire d'État a déclaré aux médias au début du mois de janvier qu’il lançait une investigation sur la base de preuves crédibles de fraude électorale dans son État via des opérations à grande échelle de collectes de bulletins de vote.

L'avenir dira ce qu'il adviendra de ces enquêtes sur la régularité des élections présidentielles de novembre 2020. Il n'en reste pas moins que les soupçons de triche et de manipulations sont omniprésents dans l'esprit de la population, la tension montant alors que la date des élections de mi-mandat se rapproche. D'après un sondage Rasmussen publié la semaine dernière, 58 % des Américains sont désormais persuadés que l'élection de Joe Biden a été entachée de fraude.

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