Guerre en Ukraine : la Russie lance une “opération militaire spéciale”, des affrontements en cours

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FranceSoir
Publié le 24 février 2022 - 14:36
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Vladimir Poutine
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ALEXEY NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP
Le président russe Vladimir Poutine au Kremlin, à Moscou, le 21 février 2022.
ALEXEY NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP

La guerre est bel et bien déclarée entre la Russie et l’Ukraine. Alors qu’un obus avait touché une école située dans l’Est ukrainien, le 17 février, Vladimir Poutine a annoncé dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 février, le lancement d’une « opération militaire spéciale ».

« J'ai pris la décision de mener une opération militaire », a déclaré le président russe dans une déclaration surprise à la télévision peu avant 3 heures GMT. À nouveau, il a accusé l'Ukraine de commettre un génocide dans l'est du pays. « Je vous appelle à déposer les armes », a-t-il dit à l’adresse des militaires ukrainiens, leur assurant qu'ils pourront alors « quitter le champ de bataille sans entrave ».

Pour justifier cette opération militaire, le président russe s’est appuyé sur l'appel à l'aide des républiques de Donetsk et de Lougansk annoncé dans la nuit, ainsi que sur la politique agressive de l'Otan contre la Russie, dont l'Ukraine serait l'outil. Les deux régions séparatistes pro-russes avaient vu leur indépendance reconnue par la Russie lundi.

La Russie reproche à l'Occident le manquement à sa promesse de ne pas étendre aux pays de l'Est l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), censée être dissoute après la fin de la guerre froide et la dissolution de l'Union soviétique en 1991. Une critique aussi reprise par d'autres candidats à l'élection présidentielle comme Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour, qui n'hésitent pas à pointer du doigt un « impérialisme américain ».

Samedi 19 février, lors de la conférence sur la sécurité de Munich, le chef de l'OTAN Jens Stoltenberg avait promis à la Russie que si elle cherchait à avoir « moins d'OTAN » à ses frontières, elle n'obtiendrait que « plus d'OTAN ». Ces propos interviennent après des propositions de désescalade émises par la diplomatie russe, qui, depuis plusieurs semaines, a adressé des propositions d'accords de sécurité mutuelle à ses partenaires occidentaux, portant notamment sur l'arrêt de l'extension de l'Alliance militaire. Mais ces derniers ont jugé cette demande irrecevable. « Moscou tente de faire "reculer l'histoire" et de recréer sa sphère d'influence », avait accusé Jens Stoltenberg.

Dans son discours, l’objectif affiché par Vladimir Poutine est celui de la « démilitarisation » et de la « dénazification » de l’Ukraine. Il a ensuite adressé un avertissement martial à ceux « qui tenteraient d'interférer avec nous (...) » : « Ils doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n'avez encore jamais connues ».

Aucune précision sur l’ampleur de l’opération militaire — se limitera-t-elle à l'est de l'Ukraine ? — n'a en revanche été fournie par le président russe.

Des frappes en cours

Plusieurs explosions auraient été entendues à Kiev en Ukraine, sans qu’on en connaisse l’origine, rapporte 20 Minutes, et les sirènes anti-bombardement ont retenti dans la capitale ukrainienne. D’autres villes du pays ont aussi été touchées. Ce sont notamment des infrastructures militaires telles que les installations de défense aérienne ou encore les postes de garde-frontières qui ont été visés par le Kremlin.

Ce jeudi matin, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a instauré la loi martiale et appelé ses concitoyens à ne pas céder à la panique après le déclenchement de l'opération militaire russe dans le Donbass. « Pas de panique, nous sommes prêts pour tout, nous allons vaincre », a-t-il assuré dans une vidéo diffusée sur Facebook. Plus tard, le président ukrainien a appelé à créer une « coalition anti-Poutine » dans l’objectif d’obliger la Russie à mettre fin à cette opération. « Nous sommes en train de bâtir une coalition anti-Poutine [...] Le monde doit contraindre la Russie à la paix », a-t-il martelé après s'être entretenu avec les dirigeants américain, britannique et allemand.

Dans le camp adverse, le ministère de la Défense russe a souligné que les forces armées russes ne tirent aucun missile ou ne mènent aucune frappe d’artillerie sur les villes ukrainiennes. Selon cette même source, les armes de haute précision détruisent les infrastructures militaires : aérodromes militaires, aviation, installations de défense antiaérienne des forces armées ukrainiennes. Le ministère l’assure : « Rien ne menace la population civile ».

Dans la matinée, Léonid Passetchnik, président de la République populaire autoproclamée de Lougansk, a appelé les forces ukrainiennes à rendre les armes et à mettre fin à une résistance qui, d'après ses dires, ne sert à rien. Il a également indiqué que deux avions ukrainiens et deux drones avaient été abattus.

Le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, le général Valery Zaloujni a fait savoir que le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait donné l'ordre d'infliger le maximum de pertes aux forces russes. « Le commandant suprême des forces armées [le président Volodymyr Zelensky] a donné l'ordre qu'un maximum de pertes soient infligées à l'agresseur », a-t-il expliqué. Plus tard, l'armée ukrainienne a affirmé avoir tué une cinquantaine d'« occupants russes ». Vers 9 h 30, les garde-frontières ukrainiens ont fait état d’un bilan de trois morts dans leurs rangs le long de la frontière avec la Crimée. Le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiy Reznikov, a annoncé la distribution d'armes légères à tous les vétérans et volontaires en capacité de s'en servir. L'Ukraine vise l'adoption d'un « mode défense totale », un simple passeport étant exigé pour acquérir une arme. Le président Zelensky a soumis le projet de loi sur la mobilisation générale au Parlement ukrainien.

Une condamnation unanime

Le président français Emmanuel Macron s'est exprimé ce matin, déclarant : « La France condamne fermement la décision de la Russie de faire la guerre à l’Ukraine. La Russie doit mettre immédiatement fin à ses opérations militaires [...] La France est solidaire de l’Ukraine. Elle se tient aux côtés des Ukrainiens et agit avec ses partenaires et alliés pour que cesse la guerre. »

Le candidat à l'élection présidentielle de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a dénoncé dans un communiqué de presse une « initiative de pure violence manifestant une volonté de puissance sans mesure » de la part de la Russie. « L’histoire du Vieux continent bascule », a-t-il asséné. Et d’ajouter : « La Russie [...] installe [en Europe] de nouveau la guerre comme moyen de règlement des conflits. Elle oblige chacun à passer des méthodes et des logiques du temps de paix à celles du temps de guerre. »

Même son de cloche chez Eric Zemmour, qui « condamne sans réserve l’intervention militaire russe en Ukraine ».

De son côté, Marine le Pen a, elle aussi, estimé qu’« aucune raison ne peut justifier le lancement d’une opération militaire contre l’Ukraine par la Russie qui rompt l’équilibre de la paix en Europe. »

Voir aussi : Ukraine: les principaux candidats à la présidentielle condamnent l'invasion russe

Le président des Patriotes a fait savoir que le rôle de la France est de chercher l’apaisement, « ce qui suppose de tenir très loin de tout ça les néoconservateurs, l’OTAN et l’UE », a-t-il estimé. Dénonçant tout de même un discours ultra-propagandiste dans les médias :

Le président de l'UPR, François Asselineau, a jugé qu'« en droit international, on ne peut que condamner ce recours à la force » avant de lancer un sondage pour savoir si les Français étaient néanmoins prêts à sacrifier leur vie pour les intérêts militaires de l'OTAN et des États-Unis :

À l'ONU, l'Ukraine demande à la Russie « de mettre un terme à la guerre ». À New York, un Conseil de sécurité des Nations unies sur la crise en Ukraine s’est tenu suite au début de l'opération militaire russe. S'adressant au président russe Vladimir Poutine, le chef de l'ONU Antonio Gueterres a déclaré : « Ce conflit doit s'arrêter maintenant ».

L'ambassadeur du gouvernement d’Emmanuel Macron à l'ONU, Nicolas de Rivière, a dénoncé mercredi soir une décision du président russe qui « illustre le mépris dans lequel la Russie tient le droit international et les Nations unies ».

Dans un communiqué, M. Stoltenberg, secrétaire général de l'Otan, a déclaré : « Je condamne fermement l'attaque téméraire et non provoquée de la Russie contre l'Ukraine, qui met en danger d'innombrables vies civiles. Une fois encore, malgré nos avertissements répétés et nos efforts inlassables en faveur de la diplomatie, la Russie a choisi la voie de l'agression contre un pays souverain et indépendant ».

« L'Allemagne condamne de la manière la plus ferme cet acte sans scrupules du président Poutine, notre solidarité va à l'Ukraine et à ses habitants », a déclaré dans un communiqué le chancelier allemand, Olaf Scholz.

Dans la soirée du 23 février, la Maison-Blanche a annoncé que le président des États-Unis Joe Biden avait échangé avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. Ce premier lui aurait promis le soutien des États-Unis face à l'opération militaire de la Russie dans le Donbass.

Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a condamné sur Twitter l'intervention militaire russe dans le Donbass, évoquant des « événements horribles en Ukraine », et qualifiant même Vladimir Poutine de « dictateur russe ». L'Australie a annoncé une « deuxième série » de sanctions à l'encontre de la Russie.

Hua Chunying, porte-parole de la diplomatie chinoise, a annoncé que la Chine suivait « de près » la situation dans Donbass, ajoutant : « Nous exhortons toutes les parties à faire preuve de retenue pour éviter que la situation ne devienne hors de contrôle. »

Dominique Seux, journaliste à France Inter, a relayé une information sur les réseaux sociaux selon laquelle les dirigeants européens vont discuter ce jeudi l'idée de proposer à l'Ukraine le statut de candidate à l'adhésion à l'Union européenne.

Paradoxes et contradictions soulignés par des personnalités

Pour l'avocat Philippe Prigent, la Russie imite le comportement des mêmes pays occidentaux qui dénoncent actuellement cette opération militaire :

Même son de cloche chez l'avocat Régis de Castelnau :

Le professeur de philosophie René Chiche a ironisé en pointant du doigt la livraison d'armes à l'Ukraine par les pays occidentaux, qui aurait conduit la Russie à mener cette intervention militaire. Il a aussi attiré l'attention sur le fait que l'Occident fournisse des armes à des milices néo-nazies quand il les envoie à l'Ukraine pour attiser la guerre au Donbass, ajoutant que « diaboliser Poutine est un peu trop facile. »

L'avocat Maxime Thiébaut a estimé que « pour retrouver la paix, la seule solution possible est d’assurer à la Russie une neutralité de l’Ukraine et de permettre l’autonomie du Donbass avec un référendum local. La contrepartie serait le retrait immédiat des forces militaires russes. »

L'économiste Philippe Herlin a, lui, estimé que le président américain Joe Biden a voulu provoquer la Russie à des fins purement électorales, ce qui a débouché sur cette opération militaire russe : « Avec Trump, la Russie n'aurait jamais envahi l'Ukraine ».

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