Au G20 à Rio de Janeiro, les dirigeants endossent l’idée de taxer “effectivement” les plus riches de ce monde
Le Brésil remet la taxation des milliardaires sur la table. Le pays accueille lundi et mardi le G20 à Rio de Janeiro et son président, Luiz Inacio Lula da Silva, souhaite profiter de ce sommet pour essayer de convaincre les participants à établir une taxation minimale de 2% sur la fortune totale des personnes les plus riches de ce monde. Malgré l’opposition ces derniers mois de Washington, la présidence brésilienne a réussi à faire endosser au G20 l’idée de taxer les plus riches de ce monde.
La question figurait au menu de la première séance plénière du Groupe des Vingt, composé de dix-neuf des pays aux économies les plus développées, de l’Union européenne (UE) et depuis la dernière édition de 2023 à New Delhi, de l’Union Africaine (UA). Outre la participation des pays émergents au FMI et à la Banque mondiale ou encore la finance verte, la taxation des multinationales et des milliardaires est l’autre projet si cher au président brésilien, avec l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté.
Les USA, farouches opposants à une taxation des milliardaires
Élaboré par l’économiste français Gabriel Zucman, ce plan consiste à instaurer un impôt annuel de 2 % sur le patrimoine net total des individus les plus riches du globe, et pas uniquement sur leur revenu annuel. Cette taxe incluerait alors les actifs immobiliers, les participations dans les entreprises et d’autres investissements. L’économiste a constaté que les 0,01 % les plus riches de la population paient un taux d’imposition effectif de seulement 0,3 % de leur patrimoine.
La mise en place d’une taxe pareille sur environ 2 800 milliardaires du monde, dont la fortune est estimée à quelque 13 500 milliards de dollars, pourrait rapporter jusqu’à 250 milliards de dollars par an. Et depuis de nombreuses années, parfois en marge même des sommets de Davos, des milliardaires appellent les gouvernements à les taxer davantage “pour réduire les inégalités”.
Le plan, soutenu par le Brésil ainsi que la France, l’Espagne ou l’Afrique du Sud, est toutefois rejeté de manière catégorique par plusieurs pays. En juillet dernier, lors de la réunion des ministres des Finances du G20 dans la même ville brésilienne, les États-Unis de l’administration Biden et l’Allemagne de la coalition menée par Olaf Scholz, qui s’est effondrée la semaine dernière, ont vite écarté une telle option.
La secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen avait vite refroidi l'ambiance en affirmant que son pays ne voyait "pas le besoin" de négocier à l'échelle internationale une telle taxation. Washington est “très favorable à une taxation progressive", appelant "chaque État à s'assurer que son système fiscal" soit "juste et progressif". "La politique fiscale est très difficile à coordonner", a-t-elle justifié. Les États-Unis se montrent d’ailleurs tout aussi durs dans les discussions sur la taxation des multinationales, à savoir la taxe GAFAM.
Le ministère allemand des Finances avait de son côté jugé "peu pertinente" l’idée d’une taxation des milliardaires. Pour autant, ces oppositions n’avaient pas découragé le gouvernement brésilien, qui avait affiché sa confiance quant à ce processus de longue haleine. “La force de cette proposition, c’est qu’elle émane au départ de la société civile internationale, et qu’elle pourrait être reprise par une institution qui en fera un tournant politique majeur”, assure-t-on autour de Fernando Haddad, le ministre brésilien des Finances.
Une victoire pour le Brésil ?
Quatre mois plus tard, l’hôte du G20 remet sa proposition sur la table, à savoir “commencer déjà à se pencher sur la taxation internationale” des milliardaires. Lors de ces deux jours, il est question de discuter de la lutte contre les pratiques des plus riches pour échapper à l’impôt ou encore le partage de l’information fiscale.
La tâche était rude pour Brasilia, compte tenu du contexte géopolitique dominé par les guerres (en Ukraine, à Gaza et au Liban), par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et par la COP29 et le réchauffement climatique. Autant de sujets accaparent déjà les débats. L’initiative brésilienne peut aussi bien pâtir du rejet, le mois dernier par la Chambre des députés, d’un projet d’une taxe nationale supplémentaire sur les grandes fortunes.
Mais les dirigeants du G20 ont bien endossé lundi l'idée de coopérer pour taxer “effectivement” les personnes très fortunées. “Dans le plein respect de la souveraineté fiscale, nous chercherons à nous engager de manière coopérative afin d'assurer que les personnes très fortunées soient effectivement taxées”, lit-on dans la déclaration finale. L’économiste Gabriel Zucman a salué “une décision historique”.
Lors de la première journée, lundi, le dirigeant brésilien a atteint “l’objectif central” de sa présidence du G20, à savoir le lancement de l’Alliance globale contre la faim et la pauvreté avec 81 pays signataires. “C’est à ceux qui sont autour de cette table qu’incombe la tâche urgente d’éradiquer cette plaie qui fait honte à l’humanité”, a-t-il déclaré. “Cette alliance naît au G20, mais elle est mondiale. Que ce sommet soit marqué par le courage d’agir”.
Cette Alliance compte au total 147 membres. Outre les nations signataires, l’UE et l’UA, 24 organisations internationales, neuf institutions financières et 31 ONG ont également rejoint ce groupe. Mais le président de l’Argentine, Javier Milei ne partage pas “l’idée qu’une plus grande intervention de l’Etat est le moyen de lutter contre la faim”.
Les pays du G20 se sont aussi dit “unis pour soutenir un cessez-le-feu” à Gaza et au Liban, tout en appelant à une “paix juste et durable” en Ukraine.
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