"Expérimentation sauvage" contre la tuberculose : fin de partie pour Mediapart et les détracteurs du Pr Raoult
Le 22 octobre 2021, le journal Mediapart portait des accusations graves à l’encontre du Pr Didier Raoult et de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille qui auraient mené « une expérimentation sauvage contre la tuberculose ». Des allégations qui seraient infondées selon Didier Raoult qui rapporte dans un communiqué les conclusions de l’ANSM après son inspection : "Il n’y a jamais eu le moindre essai thérapeutique sur la tuberculose au sein de l'IHU".
Rappel des faits : les accusations portées par Mediapart
Selon Mediapart et la journaliste Pascalle Pascariello, l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) aurait mené depuis 2017 et jusqu’en mars 2021 "une expérimentation sauvage contre la tuberculose". L’alerte aurait été donnée par des membres de l’IHU qui se seraient inquiétés des conséquences d’un essai thérapeutique mené par le Pr Didier Raoult et son adjoint, le Pr Michel Drancourt.
Dans tout essai clinique, il y a un initiateur et un promoteur. Concernant cette affaire, l'initiateur est l'IHU et le promoteur est l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM).
L'essai thérapeutique, dénoncé par certains membres du personnel de l'IHU et par certaines autorités de santé, aurait été entrepris sans l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
"Nous avons constaté de graves complications rénales sur certains patients, mais je ne sais pas si ces effets ont été officiellement déclarés puisque cet essai n’était pas autorisé", aurait déclaré Laurent, qui travaille au sein de l’IHU et témoigne de manière anonyme. Son collègue, Alban, affirme lui aussi que Didier Raoult aurait utilisé "des patients, précaires et souvent étrangers, comme des cobayes".
Dans son article, la journaliste affirme que Mediapart aurait eu accès aux comptes rendus d’hospitalisations et à des échanges de courriels qui auraient révélé que, malgré le refus de l’ANSM, les médecins de l’IHU auraient prescrit "une combinaison de quatre médicaments, dont l’efficacité dans le traitement de la tuberculose n’a jamais été démontrée, ni même évaluée, et qui pouvait même être toxique". Plusieurs patients, dont un mineur de 17 ans, auraient rencontré de graves complications médicales suite à ce traitement expérimental.
Après avoir été alerté par Mediapart, le directeur de l’AP-HM, François Crémieux, a répondu qu’en "lien avec les autorités de tutelle, l’ANSM et l'ARS, l’AP-HM donnera suite à toutes les alertes sur cet essai non autorisé et sur ses complications". Par ailleurs, il a indiqué que "des enquêtes seront diligentées sans délai, des mesures prises en cas de manquements, afin qu’aucun essai clinique ne puisse plus être mené en dehors de toute réglementation".
Pour rappel, les essais cliniques sont très encadrés en France ; selon le Code de la santé publique, enfreindre leur réglementation peut être puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Dans le traitement de la tuberculose non résistante, dite à "bacille sensible", le traitement préconisé par les instances sanitaires nationales et internationales, dont l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), consiste à associer quatre antibiotiques, pendant six mois. En France, 95 % des patients guériraient de cette affection après avoir été traités.
Pour la tuberculose multirésistante aux antibiotiques standards, une liste d’antibiotiques est recommandée par l’OMS. Les molécules de cette liste sont classées selon leur degré d’efficacité et réévaluées chaque année.
Que reproche-t-on aux médecins de l’IHU ? D’avoir prescrit un protocole non autorisé en donnant des molécules (la sulfadiazine et la minocycline) qui ne sont pas incluses dans cette liste. Par ailleurs, les deux autres antibiotiques donnés (la clofazimine et le pyrazinamide) auraient "une efficacité limitée pour l’une, et faible pour l’autre".
Interrogé sur cet essai thérapeutique, le professeur Vincent Jarlier, chef de service bactériologie à la Pitié Salpétrière, déclare avoir été alerté en 2019 sur l’essai thérapeutique conduit à l’IHU.
" Ce traitement ne correspond à aucune recommandation internationale. L’IHU associe quatre antibiotiques dont deux, la minocycline et la sulfadiazine, n’ont pas prouvé leur efficacité contre la tuberculose, par exemple, dans des modèles animaux. La sulfadiazine peut entraîner des complications, notamment dermatologiques. Ne pas appliquer les recommandations internationales représente une perte de chance pour les patients", a déclaré le professeur Vincent Jarlier.
Selon Mediapart, l'IHU, qui administre le traitement depuis 2017, aurait soumis le 6 août 2019 un dossier de demande d'autorisation à l'ANSM pour tester "un traitement court de la tuberculose pulmonaire" avec les quatre antibiotiques cités ci-dessus.
Le 12 septembre 2019, l'ANSM aurait adressé un courrier à l'IHU qui ne va pas dans le sens d'une approbation de cet essai thérapeutique. Selon elle, "aucun argumentaire scientifique n'est apporté sur le choix des molécules, l'association, la posologie et la durée du traitement envisagé".
L'ANSM aurait mentionné qu'il n'y a jamais eu de données "in vivo" qui permet de conclure à une quelconque efficacité, pas même un modèle animal.
Par ailleurs, même si elle a constaté que l'étude prise comme référence par l'IHU aurait apporté des données intéressantes, elle aurait conclu "qu'un essai doit être réalisé dans la tuberculose du macaque".
Enfin, l'ANSM n'aurait pas donné son accord pour cet essai clinique, justifiant son refus par le fait que "ces données ne permettent pas en l'état actuel des connaissances de passer à un essai humain directement".
En outre, l'ANSM rappelle que l'une des études mise en avant par l'IHU, réalisée en 2013 avec ce protocole, n'aurait pas permis de conclure à une quelconque efficacité. Les raisons tiendraient à la courte durée de prescription de 90 jours, "ce qui est insuffisant pour conclure à une guérison". Cependant, au bout des trois mois, un autre antibiotique, la bédaquiline, dont l'efficacité a été prouvée et faisant partie des molécules recommandées par l'OMS, aurait été ajoutée.
Néanmoins, si la demande a été abandonnée suite à la décision de l'AP-HM "de retrait de sa demande d'autorisation d'essai clinique le 26 septembre 2019", la recherche qui n'a pas été autorisée, aurait "été menée en toute illégalité : avant, pendant et après cette demande d'autorisation abandonnée", selon Alban qui s'interroge sur l'absence de contrôle l'ANSM dans ces pratiques.
En juillet 2020, l'IHU aurait effectué une nouvelle demande, proche de la première avec quelques différences. Si le protocole combinait toujours quatre antibiotiques, l'un d'entre eux, la sulfadiazine, aurait été supprimé en raison des effets indésirables au niveau des reins et "remplacé par un autre dont l'efficacité dans le traitement de la tuberculose n'a pas davantage été évaluée".
Une enquête poussée effectuée par l’ANSM
À la suite de ces accusations, les médecins de l’IHU ont reçu le 4 novembre 2021, une lettre signée conjointement par le ministre de la Santé, Olivier Véran, et la ministre de l'Enseignement, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal.
Professeur @raoult_didier dans sa vidéo hebdo : l’article de @Mediapart et le courrier des deux ministres sont diffamatoires... C’est du vrai harcèlement en bande, organisé par l’état.. c’est de mon devoir de monter qu’il y a une limite !
— Mouâd Boutaour Kandil (@boutaour) June 8, 2022
📽 complète : https://t.co/CMzaerITRy pic.twitter.com/QYUqMVtqOB
Une lettre qui, selon les dires du professeur Raoult « porte le jugement sans présomption d’innocence, un jugement basé sur un truc publié dans Mediapart sur la tuberculose, où on laisse sous-entendre que la direction de l’Assistance publique confirme ces données-là, à propos du traitement de la tuberculose. Les gens sont venus, ils avaient les poings fermés, moi aussi d’ailleurs, je n’ai pas l’habitude d’avoir peur des gens qui viennent me faire des insinuations puisque je n’ai pas le sentiment de faire des choses qui soient illégales. Et donc très rapidement, ils sont repartis en disant qu’ils n’avaient rien trouvé de ce point de vue-là, mais qu’ils avaient deux éléments qu’ils allaient regarder d’un peu plus près. Je n’ai toujours pas reçu de courrier me disant ‘on s’est trompé’. Donc, j'ai poursuivi Mediapart pour diffamation, c'est diffamatoire. Je ne sais pas ce que je ferai vis-à-vis de ces ministres parce que ces courriers sont des courriers qui sont diffamatoires. Ce sont des courriers qui montrent l’utilisation des moyens de l’État pour harceler des gens quand ils ne sont pas d’accord avec vous. Moi, je pense que c’est mon devoir, même si cela m’ennuie, de montrer qu’il y a une limite. On ne vit pas dans une dictature. On ne peut pas utiliser tous les moyens d’État parce que les gens ne sont pas d’accord avec vous, pour les harceler. Il faut que ça s’arrête à un moment. Alors, maintenant, je le dis : on doit être à 800 heures gaspillées pour quelque chose dont on sait qu’il n’y a rien. Dedans, on doit être à 180 e-mails. On a dû transmettre 3 000 dossiers par internet. Heureusement, que cela n’a pas été envoyé par papier, c'est une forêt entière, ça correspond peut-être à 30 000 feuilles de papier. Ils n’arrivent même pas à la lire en réalité, c’est juste pour me harceler puisqu’ils nous demandent deux fois, trois fois la même chose. Donc, c'est du vrai harcèlement en bande qui est organisé par l’État. C’est terrible parce que moi, j’avais une grande naïveté de croire que toutes ces institutions d’État dont certaines datent de la monarchie étaient là pour réguler les choses. »
Lorsqu'on entre dans le rapport complet de l'ANSM, on trouve à la page 19 les conclusions de cette enquête longue de plusieurs mois. Les inspecteurs concluent qu'il n'a jamais existé de Recherche impliquant la personne humaine (RIPH) non autorisé par l'ANSM et "qu'ils n'ont reçu aucune information, alerte ou témoignage, sous quelque forme que ce soit, en amont ou en aval de l'inspection, accréditant la thèse de la mise en œuvre d'une recherche non autorisée portant sur le traitement de la tuberculose".
Suite à l’enquête de l’ANSM, le Pr Didier Raoult a fait paraître un communiqué dans lequel il fait état des comptes-rendus de l’inspection. L’ANSM aurait constaté « qu’il n’y a jamais eu le moindre essai thérapeutique sur la tuberculose mené au sein de l’IHU Méditerranée Infection contrairement aux allégations contenues dans l’enquête interne de l’AP-HP et dans les articles de Mediapart ».
Beaucoup de bruit pour rien, donc… Des attaques infamantes qui n’ont cependant pas empêché le célèbre professeur Raoult d'être, cette année encore, classé numéro un mondial en tant que microbiologiste, comme l'atteste le document publié ci-dessous.
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