Martin Hirsch et la prise en charge de non-vaccinés : appels à sa démission... et propos démentis par les faits

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FranceSoir
Publié le 31 janvier 2022 - 22:40
Mis à jour le 01 février 2022 - 19:10
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Martin Hirsch
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Martin Hirsch, directeur de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP).
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La sortie de Martin Hirsch sur les non-vaccinés n'en finit pas de faire polémique. Sur France 5, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) estimait qu’il faudrait questionner le droit des non-vaccinés à continuer de bénéficier de la prise en charge des soins, cause selon lui de la surcharge des hôpitaux. Or, un rapport issu de... l’AP-HP vient contredire son diagnostic, révélant que c’est la pénurie de personnel qui est à l’origine des déprogrammations d’opérations.

Mercredi 26 janvier, invité dans l'émission « C à Vous », le haut fonctionnaire a relancé le débat sur la possibilité de facturer les soins d’hôpitaux aux non-vaccinés :

« Il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de conséquence [à ne pas être vacciné] alors qu'il y aura des conséquences pour d'autres personnes hospitalisées » [en raison de l'encombrement des services, imputé aux non-vaccinés]. Puis il a ajouté : « Est-ce qu'on doit avoir droit au même niveau de prestation et de remboursement ? » [dès lors qu'on n'a pas appliqué les consignes de prévention, dont la vaccination].

Des déclarations venant de l'un des plus hauts responsables de la santé publique qui n’ont pas manqué de susciter un tollé, puisqu’elles semblent remettre en cause le principe de l'égalité d'accès au soin : « La nation (…) garantit à tous l'accès à la santé », selon le préambule de 1946, de valeur constitutionnelle et inspiré de la charte du Conseil national de la Résistance.

Voir aussi : Non, les non-vaccinés ne saturent pas les réanimations

Les déprogrammations d’opérations causées par la pénurie de personnel soignant

Comme le rapportait Le Figaro, un document interne de l'AP-HP - dont il a la charge - vient mettre à bas les affirmations de Martin Hirsch. Celui-ci révèle que la majorité des déprogrammations en Île-de-France sont le fait de postes restés vacants, et non de la vague Omicron.

Aussi, ce dimanche 30 janvier, lors de l’émission D'accord, Pas D'accord sur CNews, la journaliste Charlotte d’Ornellas expliquait-elle : « On a vu Martin Hirsch nous expliquer qu’il faudrait que les non-vaccinés paient leurs soins, parce que l’état de l’hôpital serait de leur faute. Pourtant, il y a un document interne de l’AP-HP qui sort et qui révèle que la majorité des déprogrammations dans les hôpitaux ne sont pas dues aux non-vaccinés ou même au Covid, mais au manque de personnel. Et dans le même temps, on voit que le personnel soignant risque de perdre leur travail s’ils ne font pas leur dose de rappel. »

Quant à Alexandre Devecchio, rédacteur en chef adjoint au Figaro, il a estimé que le directeur de l’AP-HP cherchait à esquiver ses responsabilités sur la situation actuelle de l’hôpital dont il supervise la gestion à Paris, en se servant des non-vaccinés comme bouc-émissaires : « Désigner les non-vaccinés comme bouc-émissaires, c’est une manière de camoufler l’échec de la gestion de l’hôpital dont Martin Hirsch est l’un des responsables, puisqu’il dirige l’AP-HP et qu’il a soutenu les politiques qui consistaient à faire de la rentabilité et à supprimer des lits. »

De son côté, l’épidémiologiste Alice Desbiolles a fait la même analyse sur Twitter suite à la publication du rapport : « Selon l’AP-HP, 18% des salles de blocs opératoires sont fermées. Seulement 4% pour cause Covid. » Selon cette même source, les fermetures s’expliqueraient majoritairement par « des postes vacants au bloc ».

Sidéré par les propos de l'ancien président d'Emmaüs, Gérald Kierzek a rebondi sur son compte Twitter : « Avant de se poser la question de soigner gratuitement ou non les non-vaccinés, l’AP-HP ferait mieux de gérer les vrais problèmes », a renchéri le médecin urgentiste. Et de poursuivre : « Le serment d’Hippocrate est fondamental pour prodiguer nos soins sans discrimination. La solidarité, principe fondateur de la sécurité sociale, l’est tout autant. De même que l’égalité et la fraternité devises républicaines. » « J’hésite entre j’ai mal ou j’ai honte », a conclu le Dr Kierzek, qui ne décolère pas.

Plus tôt, il s’était fendu d’un tweet incisif à l’endroit de l’ancien président d’Emmaüs France : « L’abbé Pierre doit se retourner dans sa tombe », s'était-il indigné.

De gauche à droite, des réactions ulcérées face aux déclarations de Martin Hirsch

Après les propos de Martin Hirsch, les réactions d’indignation ne s’étaient pas fait attendre, souvent suivies par l’appel à la démission du haut fonctionnaire. Une demande que la porte-parole de LREM n’a pas hésité à qualifier « d’outrancière » déclarant : « Je préfèrerais les entendre inciter à la vaccination plutôt que de demander la tête du directeur de l’AP-HP. » Tour d'horizon.

Au rang de ceux qui ont tiré à boulets rouges sur Martin Hirsch, Jacques Attali. « Scandaleux ou stupide ? », s'interroge-t-il. « Il faudrait alors remettre en cause la gratuité des soins des fumeurs, de ceux qui consomment de l’alcool, qui sont en surpoids… », a jugé l'ancien haut fonctionnaire. 

À la France Insoumise, la députée Danièle Obono a réclamé la démission du fonctionnaire, rappelant que les soins ne sont pas gratuits et qu’ils sont financés par l’ensemble du contribuable : « Le gouvernement qu’il soutient a fermé, en quatre ans, 17 600 lits d’hôpitaux et 5 700 d’hospitalisation en pleine pandémie. Depuis qu’il est lui à la tête de l’AP-HP, il a participé à la casse du système de santé payé par les vaccinés et non-vaccinés », a-t-elle écrit.

Pour Marine le Pen, Martin Hirsch « devrait être remplacé car ses propos sont indignes de la place qu’il occupe. »

De son côté, le député européen Gilbert Collard, qui vient de rejoindre le parti Reconquête d’Eric Zemmour, a dénoncé une « inacceptable ironie que les sans-vaccins ne puissent bénéficier de l'AME réservée aux sans-papiers ».

Pour Florian Philippot, l’idée de Martin Hirsch reviendrait à « laisser crever les pauvres »...

Sur son blog, le professeur agrégé d'histoire, Patrice Gibertie, qualifiant Martin Hirsch d'« incarnation du socialo écolo opportunisme technocratique », a estimé que « nos hôpitaux, notre système de santé sont gangrénés par des bureaucrates fort bien rémunérés qui ont une règle comptable à la place du cœur. Majoritairement à gauche ils aiment le peuple comme d’autres le beefsteak… »

Voir aussi : "Le délire scientiste" croqué par Patrice Gibertie

L’avocat Juan Branco a, lui, mis l’accent sur le salaire du haut fonctionnaire, responsable selon lui de la destruction de l’hôpital public.

Sur LCI, André Bercoff s’est demandé « comment Hirsch ne se regarde pas dans le miroir le matin sans gerber »...

Pour le professeur de philosophie René Chiche, la sortie de Martin Hirsch illustre « la tendance inhérente de la technocratie à la barbarie ».

« Je suis scotché », s’est indigné Olivier Besancenot, porte-parole du NPA et de Philippe Poutou, sur RMC. « Ceux qui ont fermé 5 700 lits d’hôpital en pleine crise sanitaire, même eux, je ne leur souhaite pas de payer s’ils vont en réanimation. Même Emmanuel Macron, s’il va en réanimation, je ne lui souhaite pas de sortir son portefeuille. Monsieur Hirsch ferait mieux de baisser d’un ton et s’attaquer aux vrais problèmes. On manque de personnel dans les Ehpad et les hôpitaux », assénait-il.

Enfin, l'essayiste Idriss Aberkane s’est demandé s’il ne faudrait pas « depuis les propos abominables de Martin Hirsch, rebaptiser l’AP-HP en "Non-Assistance Publique — Hôpitaux de Paris" » ?

Le mot de la fin pour l'essayiste Maxime Tandonnet, qui dans une tribune inspirée (Figaro Vox), y voit la continuité d'une stratégie du bouc émissaire (« haro sur le baudet ! ») et se désole que « le passage de l'abbé Pierre au passe vaccinal et à une logique d'exclusion [soit] un symptôme d'une société déboussolée, en plein naufrage et en perte de ses repères intellectuels et moraux les plus élémentaires. »

 

 

 

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