L'Etat prend des mesures d'exception face à un risque de paralysie du pays
"La CGT ne fait pas la loi dans le pays", a lancé à l'Assemblée nationale le Premier ministre, Manuel Valls, au sujet des blocages organisés par la centrale syndicale pour protester contre le projet de loi, dont il a assuré qu'il n'y aura pas de "retrait".
Le chef du gouvernement a aussi prévenu: "aucune option" ne sera "écartée" pour lever les blocages. De son côté, le président, François Hollande, a assuré lors du conseil des ministres que "tout serait mis en oeuvre pour assurer l'approvisionnement aux Français et à l'économie", selon des propos rapportés par le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll.
L'Etat a déjà débloqué 11 dépôts pétroliers paralysés par des manifestants, envoyant par exemple à l'aube les forces de l'ordre à Douchy-les-Mines (Nord), et utilisé trois jours de stocks stratégiques de produits pétroliers sur les 115 disponibles, alors que les files d'attente aux stations-services s'étirent et s'étendent dans le pays.
"J'ai connu mai 68 et je peux vous dire que ce n'était pas marrant les pénuries donc je prends mes précautions. Le climat actuel m'inquiète, ça na va pas du tout, je crains la révolution", a témoigné à l'AFP Viviane, retraitée de 66 ans, dans une station-service de l'Allier.
Près de l'Hôtel de Ville de Grenoble, le gérant d'une petite station-service voit lui aussi défiler de façon ininterrompue depuis samedi un ballet d'automobilistes devant ses pompes, dont il a limité tout approvisionnement à 20 euros.
Autre mesure rare: les transporteurs ont été autorisés par un arrêté à déroger temporairement aux règles en matière de temps de conduite et de repos pour faciliter l'approvisionnement des stations-service.
Selon Pierre Auclair, cofondateur de l'application mobile "Essence comparateur carburant", 4.026 stations sur 11.500 sont "peu ou prou en pénurie de carburant", tandis que le site de comparaison Carbeo.com avance le nombre de 3.161 (soit plus de 26%).
Total affirme que dans son réseau de 2.200 stations, un peu plus d'un tiers sont en rupture totale ou partielle, mais le secrétariat d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, a assuré que la situation s'est améliorée mercredi grâce aux "acheminements massifs" de carburants.
Dans le Finistère, la préfecture a levé le rationnement de carburant instauré vendredi par arrêté, une mesure qui n'a toutefois pas encore été suivie dans le reste du grand ouest (Normandie, Bretagne, Pays de la Loire, Centre), où des difficultés persistaient.
Opposés à la loi El Khomri, les syndicats, CGT et FO en tête, appellent à une huitième journée de grèves et de manifestations partout en France jeudi pour réclamer le retrait du texte. Mais les protestataires étaient déjà très actifs mercredi.
Le conflit s'est cristallisé autour des sites pétroliers. Six raffineries sur huit au total étaient touchées, même si la grève dans la raffinerie ExxonMobil de Port-Jérôme-Gravenchon (Seine-Maritime), près du Havre, était sans effet sur la production mercredi, du fait d'une faible mobilisation.
La Compagnie industrielle maritime (CIM), autrement dit le terminal pétrolier du Havre, qui assure 40% des importations françaises et alimente les aéroports parisiens, a fermé les vannes jusqu'à vendredi midi au moins.
Voix syndicale dissonante, la confédération des cadres CFE-CGC a dénoncé "la prise en otage et la paralysie de la France", ayant elle fait "le pari du débat parlementaire" pour modifier le projet de loi contesté.
L'Organisation des transporteurs routiers européens a, elle aussi, brandi le spectre de "la paralysie de l'économie française" sans résolution "immédiate" de la situation, tandis que les syndicats agricole (FNSEA) et de médecins libéraux (CSMF) ont demandé que leurs membres puissent se fournir prioritairement.
Mais la CGT ne compte pas en rester là: sa branche Energie tente d'étendre la contestation aux centrales nucléaires, appelant à un mouvement d'action "le plus fort possible" jeudi. Un blocage de site et une baisse de charge ont déjà été observés à la centrale de Nogent-sur-Seine (Aube), à une centaine de kilomètres au sud-est de Paris.
Le patron de la CGT, Philippe Martinez, a d'ailleurs prévenu: il y a "des risques que la mobilisation s'amplifie", quand celui de FO, Jean-Claude Mailly, a assuré "ne pas être dans l'esprit d'arrêter" la mobilisation. D'autres secteurs économiques sont aussi ciblés, comme des centres d'Amazon.
Les organisations patronales ont appelé l'Etat à "veiller au respect du droit", le patron du Medef, Pierre Gattaz, dénonçant des méthodes de grévistes "irresponsables" et celui de la CGPME, François Asselin, un "sabotage national".
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