Les enjeux de demain : Quel avenir pour la démocratie française ?

Auteur(s)
Yan Labêche, journaliste pour FranceSoir
Publié le 28 janvier 2021 - 10:29
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Armel Le Coz, coordinateur et cofondateur de Démocratie Ouverte pour les enjeux de demain.
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Référendum d’initiative Citoyonne (RIC), candidature à l’élection présidentielle, vote obligatoire,… Le coordinateur et cofondateur de l’association Démocratie Ouverte, Armel Le Coz décortique les innovations démocratiques et le défi de la confiance en nos institutions.

 

Votre association est à la pointe des améliorations démocratiques et des nouveaux outils pour améliorer le rapport du citoyen avec les élus. La démocratie peut elle être encore innové ?

On doit apporter des innovations à la démocratie. C’est un objectif, un idéal à atteindre. Nous visons plus de pouvoir réparti entre plus de citoyens. Pour y arriver, nos habitudes nos approches et méthodes doivent changer.

 

Parmi ses innovations, on beaucoup entendu parler du Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC). Est ce facile à mettre en place ?

Le RIC consiste à faire de la démocratie d’interpellations reliée à de la démocratie directe. On donne ainsi la possibilité aux citoyens de mettre dans un agenda politique un sujet. Aujourd’hui, ce sont les élus qui décident de l’agenda.  Dans le cadre du RIC, on inverse la logique. Ce sont les citoyens après un certain seuil d’une pétition qui décide que tel ou tel sujet doit être traité. La Suisse est un bon exemple de cette démocratie directe. On retrouve aussi cela dans certains Etats Américains, l’Allemagne, etc..  Ce n’est pas forcément possible ou souhaitable n’importe comment. Il faut éviter les seuils trop bas qui poussent à trop de référendums ou pire d’avoir des référendums où ne participent que ceux qui sont intéressés, laissant une place encore plus grande au lobbying. Nous sommes favorables à un RIC délibératif. Pour cela, une fois le RIC décidé, nous pensons qu’il faut des citoyens tirés au sort qui se forgent une opinion, débattent avec des experts et soumettent la question à porter à référendum.

 

Parmi les dernières innovations démocratiques, Jean-Luc Mélenchon a fait le choix d’une candidature à la présidentielle appuyée par 150 000 citoyens. Est ce une bonne méthode pour reconnecter les candidats et les citoyens ?

Le sujet de la candidature à la présidentielle n’est qu’un bout de la transformation qui doit s’opérer dans notre démocratie. Nous devons réfléchir plus loin au dysfonctionnement de nos institutions. Je pense par exemple à l’encadrement du financement des partis politiques, qui me semble plus urgent. Le mode de scrutin pose également question. Quand on regarde la dernière élection présidentielle, de nombreux électeurs se sont sentis piégés par une pensée qui se rejoint de plus en plus. On pourrait, comme l’a proposé des chercheurs français du CNRS, noter les candidats. On appelle ce fonctionnement le vote au jugement majoritaire.

 

A chaque élection, on constate une baisse massive des personnes qui se déplacent pour aller voter. Le vote obligatoire est il une solution ?

L’abstention est un révélateur du niveau de défiance vis à vis des institutions. Le baromètre de la confiance politique  du CEVIPOF, montre que 65% des français pensent que leur démocratie ne fonctionne pas bien et que 80% d’entre eux ont des sentiments négatifs par rapport à la politique. C’est d’ailleurs plus vrai en France que dans d’autres pays européens. Cela ne sert à rien de rendre le vote obligatoire. Ca serait un pansement sur une jambe de bois. Pour retrouver de la confiance, il faut plus de transparence dans notre système politique, plus de place pour les citoyens et surtout un lien plus direct entre la participation des citoyens et la décision. Par exemple, la convention citoyenne pour le climat a été très puissante dans sa mise en place mais la faille est que tout cela repose uniquement sur la parole du Président de la République qui ne la tient pas. Il faut des dispositifs où les engagements sont tenus.

 

Certains pays européens ont rénové leurs pratiques politiques (Islande, Espagne, etc..). Est ce que l’on pourrait les reproduire en France par exemple sur une réécriture de la constitution ?

Le processus constituant islandais est exemplaire sans être parfait pour autant. Il a connu une faille. Malgré un référendum positif, le parlement islandais a voté contre et stopper le processus. Une réécriture de la constitution confiée à des citoyens tirés au sort me semble une idée intéressante. En Espagne à Madrid ou à Barcelone, cela s’est joué au niveau local. On a réfléchi à des prises de décisions plus en phase avec la volonté des citoyens. Nous avons besoin aussi en France de plus de décentralisation. La crise sanitaire a montré les besoins de mettre à une échelle locale, plus de pouvoirs sur les questions de santé. Cela peut concerner aussi l’alimentation, l’énergie, etc.

 

Arrive t’on à la fin de la 5ème République ?

Je l’espère. Elle a tout de même évolué depuis 1958 mais on est toujours dans un système très présidentiel où l’on n’a pas coupé la tête du roi. Il ne faut pas avoir un faux espoir d’une démocratie parfaitement horizontale. Mais, de grâce, arrêtons avec cette verticalité et cette pyramide de décisions ! Il nous faut une constitution plus démocratique et un système plus en phase avec les enjeux de notre société.

 

Les réseaux sociaux ont modifié en profondeur la politique en bien (propositions citoyennes) ou en mal (Cambridge Analytica). Quelle perception devons nous en avoir ?

Ce n’est pas manichéen. Internet a apporté une révolution dans la circulation de l’information. On est actuellement dans une crise de l’autorité et de la médiation. C’est vrai pour les élus mais aussi pour les médecins, les journalistes, les syndicats, etc.. Nous devons nous poser la question de comment allons nous redonner de la légitimité aux corps intermédiaires. Ils ne doivent plus être désignés de la même manière. Il faut qu’ils apportent les preuves. Les réseaux sociaux ne peuvent être changés. Nous devons plutôt former les citoyens de demain. Les gens doivent débattre, remettre en cause et faire confiance aussi à des solutions. L’école mais aussi l’environnement de notre société doivent nous pousser à se forger une opinion et à accepter la contradiction.

 

Faut il toujours s’appuyer sur le tryptique « Liberté, Egalité, Fraternité » ?

Oui, ces valeurs sont fortes. Il faut garder cette devise là mais on doit mieux la respecter, réinterroger plus souvent le fonctionnement de nos institutions. Elle ne peut pas être seule à nous régir. Il faut y rajouter aussi d’autres mots comme la laïcité, la sororité, etc.. Ces 3 mots là ne doivent pas être effacés. Il ne faut pas abandonner nos idéaux pour être plus efficace face aux inégalités et aux futurs enjeux climatiques.   

 

 

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