La déchéance de nationalité en six questions

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 22 janvier 2016 - 13:28
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Le drapeau français flotte sous l'Arc de triomphe le 11 novembre 2013.
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©Ian Langsdon/Reuters
Le projet de réforme constitutionnelle prévoit la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français coupables de "crimes contre la vie de la Nation".
©Ian Langsdon/Reuters
Depuis plusieurs mois, la question de la déchéance de nationalité agite la classe politique. La prochaine réforme de la Constitution prévoit d'y inscrire son extension aux binationaux nés en France. Décryptage d'une mesure qui remonte à 1848.

En quoi consiste la déchéance de nationalité, mesure lourde de symbole de l'arsenal antiterroriste, qui est au cœur des consultations de François Hollande vendredi avec les responsables des partis?

>Quelle est l'histoire de la déchéance de la nationalité?

La Révolution française avait jeté les bases du concept de citoyenneté. La dénaturalisation apparaît en 1848, pour sanctionner les Français continuant à pratiquer la traite après l'abolition de l'esclavage.

Pendant la Première Guerre mondiale, une législation spéciale permet de déchoir de leur nationalité des Français originaires de puissances ennemies. Plus de 500 personnes sont touchées.

Sous le régime de Vichy, la déchéance est massive, avec 15.000 cas: "le seul moment où on a dénaturalisé des Français de naissance, comme De Gaulle", relève Serge Slama, maître de conférence en droit public à l'université Paris Ouest-Nanterre La Défense. Ces dispositions sont annulées après guerre et une ordonnance de 1945 fixe les grandes lignes de la déchéance de nationalité, qui ont peu bougé depuis.

> Quelles sont les conditions de la déchéance et son utilisation?

L'article 25 du Code civil prévoit qu'un individu naturalisé français depuis 15 ans ou moins peut être déchu de la nationalité "s'il est condamné" pour un crime ou délit tel que "l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation", le "terrorisme" ou encore le fait de se livrer au profit d'un Etat étranger "à des actes préjudiciables aux intérêts de la France". Cette déchéance est prononcée par décret, "après avis conforme du Conseil d'Etat".

La disposition est peu usitée. Selon le ministère de l'Intérieur, 26 déchéances de nationalité ont été prononcées depuis 1973, dont 13 pour terrorisme.

>Que changerait une révision constitutionnelle?

Le projet présenté le 23 décembre en Conseil des ministres porte sur une révision de l'article 34 de la Constitution, pour rendre possible une déchéance de nationalité "pour les binationaux nés Français", et plus seulement ceux ayant acquis la nationalité.

Hypothèse un temps évoquée, les Français n'ayant pas d'autre nationalité ne seraient pas concernés, pour éviter de créer des apatrides, ce qui serait contraire aux conventions internationales et à une disposition de la loi Guigou de 1998.

La déchéance vise à sanctionner les auteurs de "crimes contre la vie de la Nation", mais pas de simples délits. Pour fixer les modalités d'application, notamment la liste des crimes concernés, une loi ordinaire serait nécessaire.

>Quels sont les garde-fous?

Face aux inquiétudes, notamment pour les 3,5 millions de binationaux en France, Manuel Valls a assuré que le champ d'application de cette mesure serait "strictement limité" et qu'il faudrait pour l'enclencher "une condamnation définitive" édictée par un tribunal indépendant, et pour "un crime grave" de l'ordre du "crime terroriste".

Au bout du compte, cette mesure est "symbolique", de l'aveu même du Premier ministre. Le Conseil d'Etat lui-même a souligné que la perspective d'une éventuelle déchéance "aurait sans doute peu d'effet dissuasif".

>Qu'adviendra-t-il des personnes sanctionnées?

Les auteurs de crimes terroristes déchus de leur nationalité "seront poursuivis et condamnés en France", selon Manuel Valls, et c'est seulement à l'expiration de leur peine qu'ils pourront faire l'objet d'une expulsion du territoire.

Dans les cas où cette expulsion ne serait pas possible (risques de torture ou refus du pays de le reprendre par exemple), des mesures de surveillance pourraient être prises: assignation à résidence, interdiction d'entrer en contact avec certaines personnes...

>Quelles sont les portes de sortie?

Une piste serait de ne pas faire mention de la binationalité dans la Loi fondamentale, mais de renvoyer cette distinction à la loi d'application.

Manuel Valls a écarté la solution de l'indignité nationale, qui avait l'avantage de ne pas créer de discrimination entre ceux qui ont la seule nationalité française et les binationaux.

Selon la porte-parole du PS, "la formulation pourrait évoluer" et, si le terme de "déchéance" demeure, "on pourrait parler de déchéance nationale, ou de déchéance de citoyenneté".

 

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