Débattue au Sénat, l'idée du passe vaccinal évince petit à petit le passe sanitaire

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FranceSoir
Publié le 12 janvier 2022 - 21:03
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F. Froger / D6, pour FranceSoir
« La vaccination je suis pour, mais pas à n'importe quel prix ! » Esther Benbassa, sénatrice non-inscrite.
F. Froger / D6, pour FranceSoir

Du passe sanitaire au passe vaccinal, il n'y a qu'un pas. Les sénateurs, qui avaient pourtant plusieurs fois manifesté leur opposition au passe sanitaire, ne semblent pas contrariés outre mesure par son évolution en passe vaccinal. Entamés le 11 janvier à 14 h 30, les débats y sont toujours en cours, mais la politique du « tout vaccin » gagne clairement du terrain.

« Il n'est pas nécessaire d'être épidémiologistes pour saisir l'absurdité »

L'opposition franche a donné de la voix au début des débats. Alors qu'il est admis par tous que le vaccin ne protège ni de la contamination ni de la transmission, la sénatrice Laurence Muller-Bronn a rapidement soulevé un premier paradoxe : « Les vaccinés testés positifs peuvent prendre le train, mais pas les non-vaccinés testés négatifs. Pourquoi ? » Un constat simple qui remet d'emblée les tests sur le devant de la scène. Si personne n'a daigné répondre à son interrogation sur le moment, c'est sa collègue Sylviane Noël qui est revenue à la charge ce jour, proposant un amendement qui réintègrerait le test négatif comme passe-droit, au côté de la vaccination. Cette tentative a été balayée d'un revers de main par le Sénat tout entier, seuls 12 élus l'ont soutenu.

Voir aussi : Sylviane Noël : "une société de flicage aux antipodes des valeurs de mon pays"

Plusieurs élus, fins observateurs, se sont contentés de répondre sans plus d'arguments : « Si l'on remet les tests, ce n'est plus un passe vaccinal ! » Seule la sénatrice Marie Mercier s'est risquée à une explication : « Il ne s'agit pas de savoir si l'on peut contaminer. Un testé négatif peut quand même être contaminé lui-même, et donc surcharger les hôpitaux ! » Cette réponse a soulevé d'autres questions. Parmi elles, la question des proportions entre vaccinés et non-vaccinés dans les hôpitaux, qui sert de blanc-seing au gouvernement, que Loïc Hervé a mis à mal en invoquant les chiffres de la DREES :

Par ailleurs, nombreux sont les sénateurs à avoir rebondi sur le délabrement du système hospitalier en France. Philippe Bas lui-même, président (LR) de la commission des lois et rapporteur du texte, disait hier à ce sujet que « les non-vaccinés avaient bon dos. » Une « politique de la terre brûlée » selon Alain Houpert, qui ajoute : « Je suis un enfant du contrat social de Rousseau, pas du crédit social chinois. Seuls ceux qui ne peuvent affronter l'échec cherchent des boucs-émissaires. »

Deux taux records en même temps : la vaccination et la contamination

91 % des Français de 18 ans et plus sont entièrement vaccinés. Pour autant, le gouvernement ne cesse de le répéter, avec Omicron, nous subissons des taux records de contaminations, avec plus de 300 000 cas positifs par jour. Naturellement, plusieurs sénateurs, dont Loïc Hervé, ont posé la question : à quoi a servi le passe sanitaire, si c'est pour en arriver là ?

Olivier Véran, confiant, a pris la parole pendant six minutes pour répondre à la question, multipliant les allégations douteuses :

Il est clair sur un point : le passe sanitaire a servi à inciter les Français à se faire vacciner. En juillet 2021, le Conseil d'État donnait son feu vert au passe sanitaire sous conditions. Entre autres choses, le sésame ne devait pas être une forme d'incitation :

« L’application du "passe sanitaire" à chacune des activités pour lesquelles il est envisagé de l’appliquer doit être justifiée par l’intérêt spécifique de la mesure pour limiter la propagation de l’épidémie, au vu des critères mentionnés précédemment et non par un objectif qui consisterait à inciter les personnes concernées à se faire vacciner. »

Manifestement, ce n'est plus d'actualité.

« La cohérence dans l'erreur... elle prospère ! »

C'est le sénateur des Républicains Sébastien Meurant qui a profité de l'occasion pour souligner les nombreux oubliés derrière la politique du « tout vaccin ». Quid des traitements, du service hospitalier, du climat de peur ambiante ? « D'autant que nous savons qu'Omicron est beaucoup moins létal ! Alors pourquoi s'entêter ? », a-t-il poursuivi. Et de conclure avec agacement : « Ah ça, la cohérence dans l'erreur... elle prospère ! »

Laurence Muller-Bronn a renchéri, sous les rires et huées de ses collègues, en mentionnant rapidement les effets secondaires des vaccins.

Sous cette avalanche d'attaques, le ministre de la Santé a décidé de jouer d'abord la carte de l'esquive : « J'entends l'opposition, mais il y a des discours qui piquent », a-t-il simplement dit, sous-entendant clairement que la question des effets secondaires relevait de l'affabulation, ou du délire, pourrait-on dire pour reprendre ses termes.

Lire aussi : Les non-vaccinés selon Olivier Véran : "loin de tout", "méfiants" dans un "délire", ou "indifférents"

Ensuite, c'est la carte de l'infantilisation qu'il a sortie, expliquant à qui voulait bien s'y abaisser : « Imaginez que vous ayez une infection urinaire. L'on vous prescrit des antibiotiques et vous guérissez. Quelques jours après vous rattrapez une cystite, vous reprenez donc des antibiotiques et guérissez de nouveau. Pensez-vous qu'au bout de la cinquième fois, vous allez dire "J'en ai marre" ? » Le message est clair : « Je vous le dis clairement, ce vaccin est une chance pour l'humanité. Je pèse mes mots. »

Enfin, il a conclu : « J'aimerais qu'il y ait plus de voix qui portent le vaccin. » Il n'y en aurait pas déjà suffisamment !

L'exemple de nos « voisins helvètes »

En s'appuyant sur l'exemple de la Suisse, qui accorde 90 jours de passe sanitaire à ceux qui sont testés positifs, Mme Sabine Drexler, affiliée aux Républicains, a de son côté déposé un amendement pour introduire l'immunité naturelle dans le texte. Une autre tentative de contournement de « l'obligation vaccinale déguisée », qui a fait long feu. Pour s'expliquer, elle assurait avoir fait mesurer son taux d'anticorps par un médecin et n'en avoir pas besoin davantage.

Encore une fois, c'est le ministre de la Santé qui s'est levé pour répondre. Selon lui, parce qu'il existe deux types d'immunité (humorale et cellulaire) et que l'on « ne peut mesurer la seconde », « le taux d'anticorps ne dit rien de la capacité de notre organisme à se défendre et éviter les formes graves. C'est un consensus scientifique. » L'immunité naturelle serait-elle un mythe ? Les Suisses, qui pourtant hébergent de nombreux laboratoires, comme le soulignait Alain Houpert pendant les débats, seraient-ils dans l'erreur totale ? Et, « pourquoi alors une contamination nous exemptait-elle de la deuxième dose pendant les mois qui viennent de s'écouler ? », demandait le sénateur Patrick Chaize. Sans réponse.

Quelques amendements adoptés

Pour le moment, seuls trois changements majeurs ont été apportés au texte. D'abord, le Sénat, dans sa grande majorité, souhaite que le contrôle d'identité reste l'apanage des forces de l'ordre. Ensuite, il prévoit d'épargner les mineurs du passe vaccinal. Enfin, un seuil « d'extinction automatique » a été proposé par Philippe Bas, et adopté. Si le nombre d’hospitalisations liées au Covid-19 descend en dessous de 10 000 dans tout le pays, le passe vaccinal doit disparaître. Actuellement, nous en sommes à 25 000 selon les chiffres officiels. Il y a assez peu d'espoir, donc.

Cela étant, qui le voudra pourra toujours saisir la justice ! Grâce à un amendement d'Éliane Assassi (Parti communiste), pour les déplacements liés aux convocations juridiques ou à l'exercice de la justice chez un professionnel du droit, ni justificatif de vaccination, ni test négatif ne seront exigés.

Les débats se poursuivent, et tout laisse à penser que le passe vaccinal sera accepté dans sa globalité, même si quelques modalités peuvent être ajustées à la marge. La majorité des sénateurs adhère au "paradigme du tout-vaccinal" et s'attache à amender le projet sans en contester le principe ou les postulats.

La marge de manœuvre de ceux qui, dans l'arène parlementaire, tentent de s'opposer, est donc très ténue. En témoignent deux échos donnés par la sénatrice de Haute-Savoie Sylviane Noël : une "petite victoire" avec l'adoption d'un amendement qui allège certaines modalités lourdes pour la vie quotidienne des Français, quitte à risquer l'usine à gaz... Et un rejet sec d'un autre amendement le lendemain, proposant la réintégration des soignants suspendus. 

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