Damien Abad : un centriste à l'UMP
A son arrivée à l’Assemblée nationale comme député UMP de l’Ain, en juin 2012, les articles ont fleuri sur Damien Abad, premier élu handicapé moteur à siéger au palais Bourbon. Depuis sa naissance il est atteint d’une maladie dégénérescente rare, l’arthrogrypose, qui le gêne dans ses mouvements et déplacements, mais ne l’empêche pas de mener une vie normale.
Pourtant, le réduire à cela serait une erreur. Ce Nîmois d’origine est surtout un homme d’appareil hors pair et un élu au CV déjà bien fourni pour ses 35 ans.
Souriant, il reçoit sans cravate. Son ton est posé, teinté d’un (léger) accent du Sud, le rire facile: on aurait presque l’impression de rencontrer une vieille connaissance. En vrai politique, Damien Abad montre un goût évident pour le contact humain.
Petit-fils d’un mineur de Saint-Etienne, fils d’un père acheteur pour Perrier et d’une mère assistante sociale, Damien Abad dit avoir eu une enfance simple et heureuse. Elevé dans une famille "plutôt de gauche", précise-t-il de lui-même à FranceSoir, il avoue sans peine que son père a "dansé sur les tables" à l’annonce de la victoire de François Mitterrand en 1981. "Mais ça a bien changé depuis", rectifie-t-il dans un éclat de rire.
Très sportif malgré son handicap, le député pratique depuis son enfance le football, la natation et le tennis de table (il est classé avec les valides). "Le football notamment m’a appris le fair-play et le respect de l’adversaire", assure-t-il. Petit, il supportait, à contre-courant des années OM, les clubs de Nîmes et de Saint-Etienne, "deux clubs populaires".
Valeurs et politique ne sont ainsi jamais bien loin. Depuis toujours passionné par les débats d’idées, Damien Abad s’est pourtant engagé sur le tard, ne voulant pas s’enfermer dans une "chapelle".
Après des études de sciences politiques à l’IEP de Bordeaux, dont il sort major, puis à Paris, il enchaîne avec l’ENA. Mais il rate deux fois le grand oral d’admission. "Les écrits se sont bien passés mais j’ai eu 6 à l’oral... Je ne devais pas entrer dans le moule. J'ai toutefois une petite fierté: Emmanuel Macron (actuel ministre de l’Economie, NDLR), qui était dans le jury, m’a mis 13 en économie".
Il fait ensuite ses débuts comme chargé d’études sur les questions budgétaires et fiscales au groupe UDF. Un poste très technique, où il se fait vite remarquer. Le centriste Hervé Morin, alors ministre de la Défense de Nicolas Sarkozy confronté au schisme d’une partie de ses troupes parties fonder le MoDem, lui demande de rester avec lui au Nouveau Centre. "Ok", lui répond Damien Abad, "je reste, mais pour faire de la politique".
Au diable Vauvert
Tout s’enchaîne ensuite très vite: élu très largement à la tête du mouvement des Jeunes Centristes, qu’il a fondé, en 2008, Damien Abad devient la même année conseiller municipal à Vauvert (Gard), puis député européen en 2009 (il est alors le plus jeune parlementaire français en exercice) et conseiller régional Rhône-Alpes l'année suivante. En 2012 enfin, en pleine vague rose il l'emporte dans la 5e circonscription de l’Ain et retrouve le palais Bourbon, mais du côté des parlementaires cette-fois. Il a tout juste 32 ans.
Un parcours éclair dû à l’influence d’Hervé Morin, qu'il présente comme son "premier père en politique"? Pas du tout. Damien Abad confie même avoir refusé de rejoindre le cabinet de son mentor au ministère de la Défense, préférant aller "gagner sa légitimité électorale sur le terrain".
Il part donc se faire élire à Vauvert, une petite commune gardoise de 11.000 habitants, près de Nîmes. Un lieu particulier pour celui qui, bien que Nîmois, y a été scolarisé en maternelle car c’était la seule école "classique" à l’avoir accepté malgré son handicap.
Mais un mandat de conseiller municipal dans une petite commune ne suffit pas pour rayonner à l’échelon national. Le jeune élu très europhile vise alors le Parlement européen et parvient, "après plus de six mois de bataille bassement politicienne", à se faire désigner second sur la liste de la majorité présidentielle dans la circonscription du Sud-Est.
Opportuniste?
L’un de ses combats les plus rudes, Damien Abad l’a mené à l’occasion des législatives de 2012 dans l’Ain. Fraîchement passé du Nouveau Centre à l’UMP –par opportunisme, disent ses détracteurs–, il a préparé cette échéance deux ans à l’avance en s’installant sur place. Mais il dérange les barons locaux qui voient d’un mauvais œil ce "parachutage". Pourtant, le jeune candidat réussit, en partie grâce à l’intervention de Nicolas Sarkozy, à leur imposer sa candidature.
Une détermination et un travail que lui reconnaissent même ses adversaires politiques, qui voient dans le plus jeune membre de la commission des affaires économiques un "gros bosseur", "préparant bien ses interventions et maîtrisant ses dossiers". Son défaut, toutefois, une certaine "agressivité", disent certains, lorsqu’il prend la parole dans l’hémicycle. Rien qui empêche toutefois un certains nombre d'élus, de son camp ou non, de lui prédire un bel avenir. A l'image de sa collègue des Cadets-Bourbon, le club des députés UMP de moins de quarante ans, Virginie Duby-Muller, qui lui imagine un "destin national" et le verrait bien ministre.
Nouvelle campagne électorale et nouvelle victoire aux élections départementales de fin mars lors desquelles Damien Abad a remporté le canton de Ceyzeriat. Le meneur de l'alliance entre la droite et le centre dans le département a même, cerise sur le gâteau, été élu président du conseil départemental le 2 avril, soit trois jours avant de fêter son 35e anniversaire.
A l’UMP, Damien Abad avait soutenu Bruno Le Maire face à Nicolas Sarkozy dans la campagne de l'automne dernier pour la présidence du parti. A contre-courant, encore une fois, des nombreux ralliements à l’ancien chef de l’Etat. "Je suis proche de (Nicolas Sarkozy), je sais ce que je lui dois, mais, quand il m’a demandé de le rejoindre, j’ai dit non. Non, car j’ai pris un engagement auprès de Bruno Le Maire et parce que la politique c’est d’avoir le courage de tenir ses convictions et ses engagements, le courage de ne pas aller à la soupe", disait-il alors à FranceSoir.
Pour autant, le centriste de l’UMP ne ferme pas la porte. Et, s'il avoue qu'il "aurait préféré que Nicolas Sarkozy revienne pour la primaire en vue de l’élection présidentielle de 2017", sans passer par la case du parti, il n’exclut pas de choisir l’ancien chef de l’Etat en 2017. "Sous réserve que Nicolas Sarkozy fasse un peu de ménage dans son entourage –car je ne suis pas un adepte de la ligne Buisson– et prenne des engagements forts, notamment sur l’éducation, qui ne doit pas être le monopole de la gauche ou sur une vraie réforme fiscale, mon +non+ temporaire (à Sarkozy) pourrait bien se transformer en +oui+ de long terme", assure-t-il.
Par Pierre Plottu
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.