Ukraine : la préparation de la capitulation (Partie 1)
TRIBUNE - Depuis le début du désastre de la contre-offensive ukrainienne face aux troupes russes, suivi de la compréhension par les partenaires occidentaux de la faillite de leur projet sur le territoire de l’Ukraine, le pouvoir à Kiev s’est retrouvé devant une réalité effroyable : le refus de la continuation des investissements venus des sources qui lui ont assuré auparavant d’être impérissables - le début de la fin du règne de Zelensky et de son entourage.
Pourtant, une telle fin était parfaitement prévisible. Seule l’ignorance de l’histoire et du mode opératoire doctrinal des protagonistes nous condamne à sa répétition. Dans mon analyse datant d’un an : “La guerre en Ukraine : les véritables raisons du conflit”, j’ai déjà mentionné les éléments constitutifs de la future défaite de Kiev :
“Au moment venu, quand le pouvoir américain considérera que le ‘retour sur investissement’ dans la guerre en Ukraine est suffisant, ou bien quand il fera le constat que la probabilité à atteindre le seuil de satisfaction est trop faible, il abandonnera le régime de Kiev. L’abandonnera de la même manière que le régime afghan de Ghani a été abandonné et les Kurdes en Irak et en Syrie ont été abandonnés après avoir accompli, partiellement, les missions qui leur ont été attribuées par l’Amérique contre la promesse de la création d’un état kurde. La promesse qui n’engageait que ceux qui l’écoutaient.”
Les intentions initiales des Russes
Les “experts” du camp occidental n’ont trouvé qu’une parade pour justifier leur grave manque de vision, d’anticipation et d’évaluation du potentiel de Moscou : répéter les mantras sur l’impuissance de la Russie à continuer à mener la guerre, puisqu’elle reste sur ses positions et n’avance guère sur le front depuis un an.
La myopie analytique ne leur permet pas de percevoir une réalité dérangeante. Si la Fédération de Russie a eu l’initiative unilatérale au début de la guerre de proposer la signature d’un accord de paix qui devait avoir lieu à Istanbul, à un moment où elle était incontestablement en position de force, y compris selon le point de vue du “camp atlantiste, cela ne signifie qu’une seule chose : Moscou avait déjà obtenu satisfaction en ce qui concernait les acquis territoriaux (les territoires pro-russes récupérés à l’Ukraine) et il ne lui restait qu’à obtenir de Kiev un engagement sur son statut de neutralité vis-à-vis de l’OTAN, soit l’assurance juridique de la non-présence des forces armées du camp ennemi sur le territoire de l’Etat tampon qu’est devenu l’Ukraine, pour la Russie, depuis 1991.
Aujourd’hui, la Russie reste stationnée d’une manière inébranlable sur ses positions acquises sur le front et se contente d’épuiser les dernières forces matérielles et humaines restantes de l’armée ukrainienne. Ceci n’est ni un signe de faiblesse, ni encore moins un hasard.
Les thèses ukraino-occidentales stipulant que la Russie a visé la disparition de l’Ukraine en tant qu’entité étatique sont, tout simplement, fantaisistes et ne sont que le reflet de l’amateurisme déconcertant de leurs auteurs. Les événements qui ont eu lieu à Istanbul au début de la guerre en sont la preuve : si Moscou avait comme objectif la disparition de l’Ukraine, jamais le Kremlin ne se serait mis autour d’une table de négociation de sa propre initiative au tout début de la guerre, tandis qu’elle dominait la situation sur le terrain, que ses troupes étaient positionnées dans les faubourgs de Kiev où la situation était chaotique. Troupes qui n’ont été retirées qu’en gage de bonne volonté au moment de la signature de l’accord d’Istanbul par la partie ukrainienne. Signature suivie d’une annulation au lieu d’une ratification…
La révélation
Vingt mois se sont écoulés depuis les événements mentionnés. Fin novembre 2023, un personnage très controversé de la scène politique ukrainienne a été mis sur le devant de la scène et a fait dans les médias des révélations qui ont produit l’effet de l’explosion d’une bombe sur l’opinion publique ukrainienne. Révélation considérée par la communauté d’experts ukrainiens comme la plus scandaleuse de l’année en cours… Dans une interview accordée à la chaîne de télévision ukrainienne 1+1, David Arakhamia, qui n’est personne d’autre que le chef de la fraction parlementaire du parti Serviteur du peuple de Zelensky, a évoqué les circonstances des négociations entre la Russie et l'Ukraine qui ont eu lieu à Istanbul entre mars et mai 2022. Arakhamia était le mieux placé pour évoquer cet épisode : il était en effet à la tête de la délégation ukrainienne.
Il se souvient de la position des Russes à l’époque : “Ils ont espéré presque jusqu’au dernier moment que nous allions accepter la neutralité. C’était leur objectif principal. Ils étaient prêts à terminer la guerre si nous prenions la neutralité – comme la Finlande autrefois – et si nous prenions des engagements de ne pas entrer dans l’OTAN.”
Il a également mentionné que les “conseillers à la sécurité” de Washington, de Londres, de Varsovie et de Berlin ont eu accès à l’intégralité des documents discutés autour de la table de négociation.
En parlant des raisons de l’annulation de l’accord, il n’en a évoqué qu’une seule : la visite de Boris Johnson à Kiev. “Boris Johnson est venu à Kiev et a dit : “Nous ne signerons rien du tout avec eux. Nous allons, tout simplement, faire la guerre.”
Il est à noter que le parlementaire n’a pas prononcé un seul mot concernant Boutcha. Et, rappelons-nous, l’unique version officielle de Kiev et du camp atlantiste de l’époque pour justifier l’arrêt des pourparlers avec les Russes et l’annulation de l’accord d’Istanbul était le massacre de la population civile perpétré par des troupes russes à Boutcha.
Cet illustre personnage termine son interview avec la grande fierté d’avoir dupé la délégation russe : “Nous avons accompli notre mission de faire traîner les choses avec la note de 8 sur 10. Ils se sont (les russes) décontractés, sont partis, et nous avons pris la direction de la solution militaire.”
Cette révélation retransmise à la télévision a permis au grand public ukrainien de découvrir la réalité de la guerre qui aurait pu aisément être arrêtée dès ses débuts. Et que ce n’est qu’à l’initiative directe de l’Occident, via son émissaire Boris Johnson, qu’elle a été relancée et a entraîné des centaines de milliers de morts ukrainiens et encore davantage de blessés graves et de mutilés, ainsi que la destruction de l’économie et des infrastructures d’un pays qui mettra des décennies avant de revenir à la situation d’avant-guerre. Qui était déjà tout à fait déplorable…
Oleg Nesterenko est président du CCIE (Centre de commerce et d'industrie européen), représentant en France les intérêts de la Chambre de commerce et d'industrie russe.
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