Quand l'Ordre fait désordre ... Soutien au docteur Nicole Delépine

Auteur(s)
Karen Brandin pour FranceSoir
Publié le 28 décembre 2020 - 16:09
Mis à jour le 29 décembre 2020 - 13:32
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Ma liberté de soigner
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FranceSoir
Quand l'Ordre fait désordre ... Soutien au docteur Nicole Delépine.
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Il y a quelques jours, le conseil de l'Ordre des médecins dont on a décidément quelques difficultés à comprendre la mission, voire à se convaincre de la légitimité, a finalement décidé de sortir de sa léthargie, malheureusement pas pour la bonne cause, mais pour inquiéter six médecins sommés de s'expliquer sur des propos jugés outrageux, voire trompeurs ; des médecins qui ont eu l'audace de défendre le soin et la liberté de soigner, la liberté de penser.

Parmi ces élus, car finalement il s'agit d'être fiers de cette désapprobation en haut-lieu, il y a un médecin désormais bien connu de FranceSoir par ses très nombreuses contributions ces derniers mois : le docteur Nicole Delépine.

J'ai souhaité rebondir sur cette énième provocation de sorte qu'elle soit au contraire l'occasion, le prétexte d'un hommage appuyé, un hommage à la mesure du courage et de l'honnêteté de cette grande dame, cette guerrière du soin, sourde aux compliments, trop pudique souvent pour accepter les éloges. J'espère qu'elle me pardonnera cette entorse...

Je n'ai pas de lien avec le monde médical ; j'ai eu la chance jusqu'à présent de ne rien lui devoir que de très ordinaire. Cette tribune est donc celle d'une catégorie visiblement marginale voire négligeable pour le conseil de l'Ordre : celle des patients potentiels ou avérés ; c'est aussi celle d'une étudiante en maths qui en rencontrant par hasard il y a presque 20 ans Nicole Delépine au travers d'un livre : “Neuf petits lits au fond du couloir ” (paru chez Michalon en 2000) a regretté pour un instant de ne pas voir fait médecine. Celle enfin d'une enseignante, qui pour ses enfants, n'auraient pas voulu d'autre pédiatre.

Dans le JDD du 22 décembre, une esquisse de portrait est proposé ; plutôt une caricature. Nicole Delépine est tout d'abord présentée comme "un médecin qui dérange" (le Monde du 12 août 2014) ; par les temps qui courent, on est tenté de dire : "c'est bon signe et même plutôt flatteur ; prometteur tout au moins".

Et en effet, elle a refusé l'ordre établi, le fameux sérail, quand il lui semblait illégitime, trop rigide pour être vrai, trop rigide pour être sincère ; elle a surtout eu le tort tout au long de sa carrière de tout mettre en oeuvre pour rendre ou garantir au patient une autonomie en faisant sienne cette citation de Marie Curie : "dans la vie, rien n'est à craindre ; tout est à comprendre."

Etre un "patient” (ie “celui sur qui on agit” ), c'est presque toujours “subir”, et on a trop souvent le sentiment que la blouse blanche est rassurée par ce déséquilibre qu'elle revendique et entretient quand elle ne le provoque pas ; cette distanciation sociale et humaine est peut-être simplement là pour se protéger, éviter d'être submergé ,mais elles nous étouffent ...

On se retrouve alors seuls face contre terre au point d'avoir des difficultés à se souvenir de La Boétie quand il nous rappelait : " ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux." Mais quand on écoute le docteur Delépine, on comprend au contraire qu'il existe encore des médecins qui n'hésiteront pas une seconde à se mettre à notre hauteur ; ces mêmes médecins qui vont tout mettre en oeuvre envers et avec nous pour nous aider à nous relever.

Plus loin, on lit aussi : “Comparée par certains à un gourou en raison de son emprise supposée sur ses patients et leurs familles, elle a dénoncé les essais thérapeutiques pendant près de trente ans, prônant l'individualisation des traitements. ”

Etymologiquement, il semblerait que “Gourou” vienne du sanskrit “enseignant”, "maître à penser", c'est-à-dire quelqu'un qui, sans vous contraindre, vous encourage à progresser et à comprendre ; un sage qui vous accompagne dans une réflexion, assiste à une sorte de mûrissement sans jamais le précipiter ou l'orienter. C'est donc là encore un compliment. Sauf que tout se gâte malheureusement parce qu'on parle "d'emprise supposée". Et là pour le coup, on est vraiment dans l'indécence. Ce type de raccourci linguistique, très en vogue décidément durant cette crise hystérico-sanitaire (on pense au qualificatif de complotiste bien sûr), doit cesser parce qu'il est dévastateur et parce qu'il est mensonger.

Créer un lien, une connivence, une complicité avec un patient, surtout lorsqu'il s'agit d'un enfant, c'est une nécessité. C'est une fatigue aussi, un don de soi, l'acceptation en filigrane de phrases, de mots, de regards qui vont vous hanter des années durant parfois. Mais vous guider, vous défier aussi.

On dit bien “prendre en charge un patient”. On prend tout en charge en réalité quand on est pédiatre-oncologue : la maladie, son nom,la menace, la peur, l'angoisse, la douleur, le découragement, la famille. Il faut imaginer une seconde la charge mentale quand on a en face un bout de chou atteint d'un cancer, quand on a en face de soi rien de moins qu'une aberration, une trahison de la nature, ou de la vie. Quelque chose de révoltant contre lequel il ne faut jamais oublier, jamais se lasser, jamais renoncer à combattre. Dans ces moments-là, il faut de la force pour deux, pour dix. Cette même force qui continue d'animer le docteur Delépine aujourd'hui alors que tout semble se perdre et que rien ne se crée.

Il faut des mots aussi. Il faut du temps.

Etre médecin, c'est ça aussi : construire un écosystème pour le soin. Une médecine à taille humaine, une médecine personnalisée parce que c'est idéal tout simplement, parce que chaque corps est un terrain à appréhender, à décrypter ; chaque corps est une histoire aussi, un passé organique et émotionnel qui peut tout changer, qui conditionne l'avenir. Les familles, en choisissant, le service du docteur Delépine, ont toujours fait un choix en conscience, en confiance. Dieu sait que certains ont dû lutter à armes trop souvent inégales pour arriver épuisés, jusqu'à elle.

D'ailleurs, quand on a la curiosité, mais aussi l'honnêteté de regarder les diaporamas sur YouTube puisqu'elle partage tout, elle offre tout de son expérience clinique, on comprend qu'elle ne présente pas seulement des cas de rémissions, des statistiques de guérison, mais bien des histoires de vie avec des petits patients devenus parfois médecins à leur tour ou encore des adolescentes devenues mamans. Des vies sauvées pour de vrai, pour de bon, tout simplement. Des malades qui ont un prénom.

On aurait parfois le sentiment qu'en mettant en garde contre le réflexe des essais thérapeutiques, elle a prôné ou participé à une médecine un peu “louche”, de sous-sol. Il faut donc savoir que les chimiothérapies ne relèvent pas à ma connaissance des médecines alternatives, pas vraiment des médecines dites “douces” non plus.

Ce n'est pas qu'elle n'a pas eu l'audace de se ruer vers ces molécules dites innovantes (innovantes pour qui finalement ?) mais plutôt qu'elle n'en a pas eu la faiblesse. Que ce soit un médecin de convictions, un médecin militant ne fait pas débat, mais elle reste ouverte. C'est donc bien en conscience qu'elle a, en première intention, fait le choix de privilégier les traitements éprouvés dont on maîtrise par conséquent la toxicité (existence d'antidotes par exemple).

“Primum, Non Nocere.”

En premier, ne pas nuire ou le moins possible car une chimio, ce n'est jamais anodin.

Nicole Delépine, médaille d'argent de l'académie de médecine en 1985, est une scientifique remarquable, aussi rigoureuse que soigneuse et elle n'a jamais rien proposé, décidé qui ne soit pas éclairé par les données acquises de la science. C'est cette curiosité et cette honnêteté intellectuelle qui l'ont poussé à s'interroger sur la pertinence des thérapeutiques et lui ont permis de découvrir à l'époque les travaux du professeur américain Gérald Rosen avant de s'en inspirer pour améliorer l'espérance de vie des petits patients dont elle avait la responsabilité. La violence qui lui a été faîte à l'occasion de la fermeture forcée de son service à Garches est irréparable. C'est définitivement une tâche, une honte, pas seulement pour l'APHP qui n'est plus à ça près.

Alors quand on lui reproche ses prises de position sur la gestion de la crise du covid, lorsqu'elle rappelle de manière pourtant modérée et là encore sourcée, que "l'hydroxychloroquine associée à un antibiotique en traitement précoce est le meilleur de ce que l'on peut proposer", “que les masques pour les enfants sont une violence inutile”, "que le sort réservé aux aînés avec le terrible décret du rivotril est digne d'un pays de barbares", "que les tests PCR, tels qu'ils sont pratiqués avec un nombre de cycles dénoncés par des dizaines de scientifiques, sont trompeurs et conditionnent pourtant une politique mortifère", c'est parce qu'elle a abattu avec le soutien indéfectible de son époux, le chirurgien Gérard Delépine, un travail de titan, un travail que personne ou presque n'a été prêt à consentir et dont on peut apprécier le sérieux et la précision dans leur dernier ouvrage paru en octobre 2020 chez Fauves : "Autopsie d'un confinement aveugle."

Epluchant chaque article, ne laissant rien au hasard, elle a pendant cette crise mis tout en oeuvre via de multiples tribunes sur France Soir notamment pour, une fois de plus, nous éclairer, nous alerter, nous encourager à comprendre. Bref, nous émanciper. Elle fait donc partie des rares médecins qui ont fait honneur à la démarche scientifique tout simplement, cette grande oubliée de la crise même si elle est outrageusement évoquée à longueur de journée sur les plateaux télé. La science, à force d'avoir bon dos, doit neuf mois plus tard, avoir une sacrée scoliose... Elle a fait honneur au corps médical, comme Christian Perronne pour ne citer que lui. Jamais un titre de docteur en médecine n'a été mieux porté, n'a été plus légitime. Ce retour, ce sont les patients et seulement eux qui sont légitimes pour le donner.

Ardente, infatigable défenseuse du consentement éclairé auquel elle a juré la même fidélité qu'au serment d'Hippocrate, on lui reproche parfois un ton un peu révolutionnaire, un ton trop énergique mais je répondrai que "quand on aime, on ne compte pas". La passion est à ce prix ; elle a ses éclats de voix. Elle a vu durant sa carrière de médecin hospitalier la vie fauchée en plein vol, en toute injustice, des vies d'enfants devenus pour un temps un peu les siens.

Si aujourd'hui elle défend la Vie, les Vies avec tant de vigueur, c'est parce que mieux que nous, elle sait ce qu'elle vaut, ce qu'elles valent.

Il ne s'agit pas de donner un ordre au conseil mais un conseil à l'Ordre : "laissez-la tranquille ; ne nous faites pas regretter que le ridicule ne tue pas."

Souvenez-vous de la phrase d'Alphonse Allais : "Une fois qu'on a passé les bornes, il n'y a plus de limites."

Bien sûr, je n'ai pas le poids de l'avocat Fabrice Di Vizio quand concernant Didier Raoult, il déclare, presque déclame pour répondre à la question :

-"Avec cette plainte, que risque le professeur Raoult ?

-"Moi vivant, rien.“

Pourtant, ”je", ou plutôt “nous” puisque nous sommes nombreux à le penser, déclarons sur le même ton :

“Avec cette plainte, que risque le docteur Nicole Delépine ?”

-"Nous vivants, rien.“

A bon entendeur, salut.

Karen Brandin, scientifique.

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