L'interdiction d'instruction en famille, une loi liberticide ?

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Marine Wambre pour FranceSoir
Publié le 23 octobre 2020 - 17:35
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Emmanuel Macron lors d'un entretien télévisé à l'Elysée sur la situation du Covid-19 en France, à Paris le 14 octobre 2020
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© Christophe ARCHAMBAULT / AFP/Archives
Emmanuel Macron
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP/Archives

Tribune : Dans son discours du 2 octobre dernier, Emmanuel Macron a annoncé qu'il comptait lutter contre les séparatismes en supprimant le droit d'instruire en famille. (IEF)

Si cette mesure semble ne concerner qu'une minorité de français, (à peine 0,5% des familles auraient fait le choix de l'IEF), sa portée va en réalité bien plus loin et devrait être l'affaire de tous.

 

Un amalgame un peu trop simpliste.

Le premier argument pour mettre fin à l'IEF a été l'exemple d'écoles clandestines dont les enfants étaient « sortis des radars » et qui avaient été retrouvés en mettant en corrélation les fichiers CAF et de l'Education Nationale (EN).

Pourtant, les familles qui pratiquent l'IEF déclarent leurs enfants à la mairie et à l'EN chaque année. Les enfants instruits en famille reçoivent le contrôle de la mairie tous les deux ans ainsi que celui de l'EN tous les ans avec un inspecteur et un conseiller pédagogique. Si la famille ne respecte pas ses devoirs d'instruction envers ses enfants, les enfants doivent être scolarisés dans les 15 jours qui suivent le contrôle.

Ainsi, on ne comprend pas bien pourquoi le gouvernement met en lien deux situations qui n'ont rien à voir : d'un côté les parents qui ne déclarent pas leurs enfants à l'EN, de l'autre des familles qui sont régulièrement contrôlées y compris à leur propre domicile. La réponse fournie par le gouvernement est que même si le radicalisme en IEF est une exception, les familles qui n'ont rien à se reprocher doivent faire l'effort de renoncer à leur droit pour protéger les autres, la menace terroriste étant une priorité sur tout le reste. Les terroristes ayant attaqué la France, y compris l'assassin de Samuel Paty, sortaient pourtant des bancs de l'école de la République, ce n'est pas pour ça que l'on ferme les écoles.

Au début du quinquennat, une « mission flash sur l'IEF » a été menée pour faire le point sur l'IEF et sur le risque de radicalisation.

Les conclusions insistaient sur ce droit qui devait être maintenu, sur la qualité de l'enseignement reçu par la grande majorité des enfants, et proposaient des mesures de suivi plus poussées pour ne pas perdre d'enfant en chemin.

 En IEF ou scolarisés, toutes les familles sont concernées.

Si le gouvernement a choisi d'interdire plutôt que d'accompagner, c'est au détriment de nombreuses familles.

Il y aura bien sûr les familles qui ont toujours fait le choix de l'IEF, pour respecter davantage le rythme des enfants, pour leur offrir des méthodes d'apprentissage plus vivantes ou alternatives.

Mais les victimes de cette loi seront aussi les familles qui ont subi l'IEF. Les familles dont les enfants perdaient confiance en eux à l'école parce que la méthode d'apprentissage n'était pas adaptée à leurs besoins, les familles dont les enfants, harcelés à l'école, avaient la boule au ventre chaque matin et ont eu besoin de l'IEF pour un temps au moins, pour reprendre confiance en eux et retrouver goût à la vie.

Les victimes seront aussi les familles qui ne sont pas encore en IEF, celles qui pensent que ça n'arrive qu'aux autres et qui un jour devront peut être faire face au mal-être de leur enfant. Pour qui l'IEF qui aurait pu être salvateur, ne sera plus une option.

Loin d'être enfermés, les enfants instruits en famille vivent pour la plupart une grande ouverture sur le monde. Ils sont libres d'apprendre au moment où ils sont le plus disponibles, en suivant leur curiosité naturelle et en développant leur potentiel et leurs intérêts multiples.

La psychothérapeute Isabelle Filliozat dit elle même : « L'IEF forme des enfants passionnés, à l'aise avec les adultes, autonomes et responsables. Leur esprit civique est souvent manifeste. Les séparatismes sont davantage le fruit de l'exclusion, de l'échec et de la violence éducative que de l'IEF. En tant que psychothérapeute et spécialiste de la parentalité, je soutiens le maintien du droit à l'IEF ».

A une époque où on estime à 700 000 élèves le nombre de victimes de harcèlement scolaire, où le suicide infantile est une réalité, comment la réponse du gouvernement peut elle être de fermer l'accès à un enseignement qui permet au contraire à tant d'enfants de se reconstruire ?

 

Enfin, au delà de l'objet de cette loi, il y a la façon dont elle est amenée par Emmanuel Macron.

Le 2 octobre, il nous annonce qu'il a « pris la décision » et nous assure qu'elle sera effective en semblant faire fi du vote nécessaire des parlementaires.

Quelques jours plus tard, le site Eduscol publie un Vademecum de l'IEF où on peut lire « à la suite des annonces du président du 2 octobre 2020 […] l'instruction à l'école sera rendue obligatoire pour tous dès 3 ans à compter de la rentrée scolaire 2021 ». Le président ne devrait il pas montrer l'exemple à tous ces enfants de la République en respectant la législation française et les modalités de mise en place des lois ? Quel message de la République envoie t il lorsqu'il annonce une décision unilatérale comme effective avant même son passage au vote ?

Après les gilets jaunes, le confinement, les mesures liberticides qui nous sont imposées chaque jour sous prétexte de crise sanitaire (dont la prolongation d'état d'urgence n'a été voté que par 26 parlementaires), il me semble que nous devrions rester attentifs aux lois même lorsqu'elles ne concernent qu'une minorité de la population.

Car à l'instar des grenouilles dont on augmente la température de l'eau progressivement pour qu'elles ne pensent pas à s'échapper, ce gouvernement semble parfois nous cuisiner à petit feu.

Gardons nos droits civiques hors de l'eau, et assurons nous que la devise de la France ne soit pas qu'un étendard vide de sens flottant au dessus d'une nation réprimée.

Pour nous mêmes et pour les générations à venir qui devront vivre dans le monde que nous leur préparons.

Marine Wambre, Thérapeute familiale, maman de deux enfants instruits en IEF. Co-fondatrice de l'association IEF46.

 

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