La Politique qui soumet ne prend jamais de vacances

Auteur(s)
Laurence Waki*, pour France-Soir
Publié le 09 août 2023 - 16:43
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Le fort de Brégançon
Crédits
GERARD JULIEN / AFP
Patrouilles de la gendarmerie nationale devant le Fort de Brégançon, le 1er juin 2019.
GERARD JULIEN / AFP

TRIBUNE/OPINION - La Politique prend-elle ses vacances en août ? Tout dépend ce que l’on met dans "Politique ". Nous avons un président qui effectivement est parti en vacances au Fort de Brégançon dans le Var; une habitude présidentielle inaugurée par De Gaulle en 1968, et boudée par les deux présidents socialistes, F. Mitterrand et F. Hollande. Cette habitude de lieu et de date en fait une tradition et surtout un coût.

Coût de la vie (nationale)

Qui paie les vacances des présidents de la République ? Qui paie celles de Macron et de sa famille ? Une question qui taraude d’autant plus, que de moins en moins de Français partent en vacances, encore moins en août, et à qui l’avenir qui leur est annoncé est celui des restrictions de dépenses, de déplacements, même du fondamental comme la santé et l’alimentation. Ceci au nom de la responsabilité nationale semble-t-il…

Pourquoi faudrait-il payer les vacances de ceux qui en ont largement les moyens comme Macron, par ceux qui se restreignent, voire même ne peuvent partir en vacances ? Qui ferait cette obscénité d’un chef de l‘État à la charge de la population, qui pourtant s’appauvrit et ne peut plus se prendre elle-même en charge ? 

Pourtant, nous assure la Cour des comptes (1), Macron coûte seulement 60.000 euros par baignade pour sa sécurité, auxquels s’ajoutent des frais de fonctionnement qui auraient baissé (400.000 euros), tandis que les frais personnels seraient en partie payés par le couple. Ce qui devrait rassurer les Français ? Ou faire grincer des dents ceux qui ont entendu Macron déclarer le lendemain du remaniement ministériel du 20 juillet 2023 : "Il faut préparer en quelque sorte le pays pour un cadre exigeant et de l’ordre en matière de finances publiques" (2). Certainement qu’il était question des finances publiques pour la rentrée, ne comprenant pas ses vacances ?

L'autre visage de Paris au mois d'août 

C’est vrai aussi que les vacances au mois d’août coûtent plus cher. Qui fait s’étonner cette habitude de nombreux Français à vouloir continuer de partir à cette même période. Une forme de migration de masse qui se concentre sur cette partie restreinte des vacances scolaires. Parce qu’il ferait plus chaud, que l’eau de baignade serait plus agréable, que l’ensoleillement serait plus long. Ces arguments qui semblent l’emporter sur les prix nettement plus chers, sur ce trop de monde qui fait mettre les estivants coude à coude sur les plages. 

Et puis comme tout le monde part, fait que les commerces aussi ferment et obligent ceux qui y travaillent à partir en août. Paris au mois d’août change de visage; c’est un autre rythme, moins de bruit, plus d’espace. C'est le meilleur moment pour en profiter. C’est du moins mon argument à cette question lancinante qui est adressé à tout un chacun en ces périodes : "Tu pars où cette année ?". Une habitude qui perdure. Qui rassure ? Il est encore normal en 2023 de partir en vacances, même de pouvoir prendre l’avion. Mais jusqu’à quand ?

Bien sûr que l’on peut se moquer du comportement moutonnier des Français qui se retrouvent nombreux au même endroit, après s’être suivis dans les bouchons routiers malgré les recommandations de Bison Futé, dans les gares, dans les aéroports, puis sur les mêmes plages, dans les mêmes restaurants… 

Des moutons les Français ? Des moutons les humains ? Rappelons que ce sont les hommes qui ont fait des béliers et des brebis, ces moutons qu’on accuse d’être dociles voire conformistes. Qu’en réalité sans sa domestication en troupeau, cet animal n’est pas originellement ainsi; il aurait même des comportements individualistes, singuliers, même non suivistes. Ce serait donc les organisations/les systèmes qui favoriseraient les fonctionnements grégaires. Un chef, et tous font troupeau derrière ? Ce n’est pourtant pas comme cela que le monde avance et progresse.

Un monde de plus en plus dématérialisé

Cet attachement à partir en vacances, notamment au mois d’août, n’est-ce pas plutôt vouloir faire comme avant, "ce monde d’avant", avant 2020 notamment ? Ce désir de vite le retrouver, qui a entraîné de trop nombreux Français à suivre, à faire des compromis, à croire au provisoire des contraintes, à se restreindre pour retrouver cet avant, cette promesse; à condition de se soumettre au chef, à condition de s’oublier. 

Quand beaucoup commencent à pressentir que ce monde d’avant tant promis n’est pas prévu, ne l’a jamais été et ce dès le début. Qu’inexorablement les Français sont entraînés à marche forcée dans un monde de plus en plus dématérialisé, sur lequel ils n’ont pas le contrôle. 

En août, la Politique ne s’arrête certainement pas, même si cela se voit moins. Qui fait passer ce qui aurait pu créer un tollé à une autre date. Initialement annoncé au 1er avril, et désormais depuis le 1er août 2023, le ticket de caisse n’est plus obligatoire; pour l’instant on l’obtient en le demandant. 

Rappelez-vous que c’est le même processus qui a été utilisé pour les sacs de caisse, avant de les rendre payants… Afin de "sauver la planète", nous dit-on pour couper court à tout questionnement. 

Cela sera-t-il le changement de trop, qui fait prendre conscience à ceux qui croyaient retrouver leur repère, à retrouver leur chemin d’avant, que cette époque est révolue ? Que ce qui est dit n’est pas ce qui est, mais qu’il faut faire comme si. Que suivre c’est se perdre. Quand les informations transmises ressemblent trop souvent à un pari sur l’amnésie de la population. 

L’exemple de la météo est à ce titre frappant. Quel temps faisait-il l’été dernier ? L’hiver dernier ? Il y a 10 ans, 30 ans… Qui se souvient ? Qui peut comparer à l’aide de sa mémoire ? Et même sera-t-elle fiable ? Officiellement cet été, c’est la "canicule" qui s’accompagne d’une sécheresse, à cause du "réchauffement climatique", celui-là même que l’on dit combattre en supprimant les tickets de caisse ! Mais la météo se moque bien des croyances de quelques-uns, fussent-ils "experts", dont les motivations restent obscures à toute personne sensée. En réalité, les quelques jours de chaleur d’un été tout à fait normal, ont laissé place à un été frais et très pluvieux pour la saison.

Sécheresse humide 

Pourtant, certains ne se sont pas démontés, comme Libération (3) qui titre : "Malgré la fraîcheur qui s’annonce, la sécheresse continue de s’étendre", pour quand même mettre en garde face à ce qui peut être qualifié de "sécheresse asymptomatique"; comme on a eu des malades asymptomatiques du Covid ? "La Corse a ainsi traversé sa deuxième plus longue vague de chaleur depuis 1947 du 8 au 24 juillet. L’île a connu 'un de ses mois de juillet les plus chauds', avec juillet 2022 et 2015, avec une température moyenne de 24,9 degrés." 

Oui vous avez bien lu : 24,9 degrés, traduit par le journal en extrême chaleur. Quand s’égrène tout au long des termes pour terrifier : anormalement chaud /après un mois de juin particulièrement bouillant /a fait suffoquer /qui fut infernal… Après le "réchauffement", c’est "l’ébullition" qui est en route !? Et pourtant ce n’est pas ce qui s’est passé. Ce à quoi il nous est répondu : "Mais la chute des températures dans l’Hexagone est un trompe-l’œil." 

Quelle enquête a fait ce journal ? Quelles sont ses sources ? Un indice avec ce qui est écrit à la fin de l’article : "Actualisé le 1er août avec la déclaration de Christophe Béchu". Ainsi tout reposerait sur les déclarations d’un ministre, qui devient pour Libération, un expert sur la question météorologique notamment. Et ce, sans ciller ! Une telle pirouette qui fait se demander pourquoi la météo n’est pas censurée. Pourquoi s’encombrer encore de vrais chiffres ? Comme les tickets de caisse, à terme ne s’agit-il pas de supprimer tout ce qui peut donner prise, faire réfléchir, faire douter ? 

En revanche, jamais ne seront supprimés les sondages. Ne leur fait-on pas dire ce que l’on veut ? Si déclarer que Jean-Jacques Goldman est la personnalité préférée des Français ne peut avoir un impact sur la vie présente et future des Français, l’on ne peut en dire autant quand il s’agit d’un Politique. 

Paraîtrait-il qu'Édouard Philippe serait lui aussi une personnalité préférée des Français cette année ; ceci coïncidant avec les dires de Emmanuel Macron le 25 juillet 2023 depuis la Nouvelle-Calédonie, faisant suite à une question concernant Édouard Philippe en 2027 (4)

"Je tiens à ce que ceux qui ont été auprès de moi pendant ces six ans, qui ont fait les réformes à mes côtés, puissent prendre le relais. (…) Il a fait cela bien. C’est un ami." 

Que cela soit une parole parmi d’autres dont est coutumier Macron; rappelons par exemple cette idée aussi d’un troisième mandat exercé par lui-même… Qu’importe, il est là fondamental de sortir de l’amnésie. Et de ce qui s’est passé avec Édouard Philippe concernant la gestion sanitaire du Covid en tant que chef du gouvernement, quand comme je le précise dans cet article de 2021 (5), il avait "les manettes". C’est Édouard Philippe qui a décidé du confinement des Français, de la mise à l’arrêt de l’activité économique, de l’interdiction des médecins généralistes de soigner, d’empêcher tout suivi de soins des malades sans rapport avec le Covid…; en résumé tout ce qui s’est passé concernant le Covid entre novembre 2019 et juillet 2020, qui était sous sa responsabilité. 

Ces promesses de retrouver le monde d’avant à condition d’oublier, de nier son pouvoir sur sa vie, d’accepter la dématérialisation de ce qui nous entoure, de croire tout ce qui est dit plutôt que voir par soi-même, sont ce qui fera s’éloigner, voire éteindre toute réalité, toute beauté, toute conscience de ce qui est, de ce qui nous permet d’agir, de créer. De vivre. Ce serait finalement accepter de soi-même être dématérialisé, accepter de disparaître. Ni la vie d’avant, ni la vie d’après, rien ne peut justifier cette absence à sa propre vie, à la diriger pour soi et pour tous. 

Des Aphorismes et cætera, Laurence Waki (le 8/08/2023) 

*Laurence Waki est écrivain et philosophe. Retrouvez ses textes sur son site internet.

Notes : 

(1) Article de Capital sur le coût des vacances présidentielles - Emmanuel Macron : combien coûtent les vacances du président au fort de Brégançon ?

(2) Article La Tribune sur les finances publiques - Emmanuel Macron : "Il faut préparer le pays pour un cadre exigeant en matière de finances publiques"

(3) Article Libération sur la sécheresse - Malgré la fraîcheur qui s’annonce, la sécheresse continue de s’étendre

(4) Article France-Info sur Édouard Philippe en 2027 - En Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron évoque Edouard Philippe parmi ceux qui pourraient "prendre le relais" en 2027

(5) Lire les articles de Laurence Waki sur Édouard Philippe, Juin 2018 - Avril 2020 - Juillet 2021

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