Blonde, le biopic sur Marilyn Monroe raconté à travers le prisme d'une société en quête de stars
CRITIQUE - Réalisateur néo-zélandais, auteur de Chopper (2000), L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (2007) ou encore This much I know to be true (2021), Andrew Dominik s’attaque à la vie de la célèbre comédienne Marylin Monroe d’après l’œuvre de Joyce Carol Oates dans un film sorti principalement sur Netflix, nanti de moyens importants : Blonde.
Les biographies étant à la mode, un tel projet relève du défi, défi tant pour la comédienne, Ana de Armas que pour la mise en scène. C’est l’actrice qui remporte la Palme même si elle ne peut égaler évidemment la présence de l’originale.
Durant près de trois heures, on plonge dans la vie mouvementée de la comédienne, de son vrai nom Norma Jeane Mortenson (1926-1962). Sa mère, Gladys Monroe, et le mari de celle-ci à l'époque, Martin Edward Mortenson. Le couple s'était marié en 1924 et avait divorcé en 1925, un an avant la naissance de Norma. Lorsqu'elle était enfant, sa mère lui aurait montré une photographie de l'homme qui aurait été son père. En réalité, son père biologique était Charles Stanley Gifford (test ADN).
Entre un père absent qui la hantera toute sa vie, et une mère maltraitante, internée à cause de troubles schizophréniques avec délires paranoïaques, Norma Jeane est placée dans une famille d'accueil puis dans un orphelinat, inaugurant un destin chaotique. Pour y remédier et accrocher les feux de la rampe, elle entame une carrière de mannequin en 1944. Les premières photos de Norma Jeane sont prises par David Canover en novembre 1944 à l'usine Radioplane de Van Nuys en Californie, où elle travaille à l'inspection des parachutes, participant à l'effort de guerre dans les usines pour remplacer la main-d'œuvre masculine partie au front. Contrairement à ce qui a souvent été écrit, aucune photo ou couverture de Norma Jeane prise par David Canover n'ont figuré dans le magazine Yank à cette époque. Comme le photographe l'a écrit dans son journal, Norma Jeane voulait devenir actrice, mais ce dernier lui aurait répondu de commencer par devenir un mannequin. En 1945, elle intègre l'agence Blue Book Modeling Agency dirigée par Emmeline Snively. Son rêve de cinéma prend corps deux an plus tard, en 1947, avec une première apparition dans L'extravagante Miss Pilgrim de George Seaton dans lequel elle incarne un petit rôle d'opératrice de téléphone. C'est à partir de cette époque qu'elle change de nom pour devenir Marilyn Monroe. Quelques mois plus tard, elle décroche un véritable rôle dans Bagarre pour une blonde, tourné en 1947, sorti en 1948, généralement considéré comme son premier film. Peu à peu, Marilyn prend corps en incarnant des rôles dans des films qui deviendront rapidement des classiques du cinéma : Le Démon s'éveille la nuit (1952) de Fritz Lang, Chérie, je me sens rajeunir (1952) et Les hommes préfèrent les blondes (1953) de Howard Hawks, Niagara (1953) de Henry Hataway, Comment épouser un millionnaire (1953) de Jean Negulesco, Rivière sans retour (1954) d'Otto Preminger, Sept ans de réflexion (1955) et Certains l'aiment chaud (1959) de Billy Wilder, Les Désaxés (1961) de John Huston.
Le film Blonde retrace plusieurs épisodes d’une façon assez succincte, mais possède plusieurs fautes de goût comme l’insistance à montrer un fœtus dans le ventre de Maryline ou la reconstitution de quelques scènes de films qui ne souffrent pas la comparaison avec celles des originaux. Mais là où le film rate son entreprise est qu’il accorde trop d’importance au visuel quasi publicitaire plutôt que serrer son sujet au plus près. Pourquoi plusieurs plans au ralenti sur la fameuse séquence de Sept ans de réflexion où l'air, s’échappant d’une bouche de métro, soulève la robe de l’actrice ? Il aurait fallu un cinéaste possédant une vision plutôt qu’un plasticien versant trop souvent dans des plans esthétisés.
En bref, le réalisateur avait un sujet d’ampleur pour retracer toute l’indécrottable complexité et dissociation entre la vie privée et la vie publique de la célèbre comédienne, à la fois victime et responsable de son image puis dévorée par elle. Marilyn Monroe sex-symbol de l’Amérique en double-face : un érotisme pétillant et enivrant, une fausse ingénue, une excellente actrice qui fait merveille, excès en tout genre, tournages, drogue (amphétamines, barbituriques, alcool), dépression, fausses couches, boulimie sexuelle, mariages ratés avec la star du base-ball Joe DiMaggio puis avec l'écrivain Arthur Miller.
Le film aborde bien ici ou là ses aspects sans faire corps dans une vision d’ensemble, notamment par des faits concrets comme celui que l’on sait par divers témoignages qu’elle étudiait sa physionomie nue devant plusieurs miroirs.
Ce qu’il y a d’horrifique au final est la célébrité ou la gloire avec ce public avide, hystérique et mou, prêt à aduler son icône et à la dévorer, le tout étant propulsé par l’entreprise publicitaire du cinéma et son attraction-répulsion dans l’imaginaire de Marilyn Monroe qui, visiblement, en était bien consciente sans pouvoir s’en défaire. Elle incarnait le tragique entre le charnel et l’âme pour compenser un vide affectif abyssal, impossible à combler et dont on ne peut sortir vainqueur. La mort est au bout. D’où sa déchéance inéluctable.
C’est bien tout le mystère et la fascination qu’un tel destin suscite sans possibilité de le résorber. L’image est sage, impénétrable, et c’est ce qui fait son inépuisable richesse. Être virtuelle sans être réelle et se plaire et se complaire de son miroir, sans désir ni transcendance. Car que serait devenue Maryline Monroe sans sa plastique avantageuse et fabriquée qui à la fois l’attire et la révulse dans un aller-retour permanent ? Soit, on y renonce, soit, on s’y consume. Edgar Morin dans Les Stars écrit : « Modèle et modelée, extérieure et intérieure au film, le déterminant, mais déterminée par lui, personnalité syncrétique où l’on ne peut distinguer la personne réelle, la personne fabriquée par l'usine de rêves et la personne inventée par le spectateur, puissance mythique devenue puissance réelle, puisque capable de modifier films et scénarios et de diriger le dessin de ses admirateurs, la star est bien de même double nature que les héros des mythologies, mortels aspirants à l’immortalité, postulants à la divinité, génies actifs mi-humains mi-dieux ». Ce qui rend Maryline Monroe très proche du personnage de Kane dans Citizen Kane (1941) d’Orson Welles, émergeant à une époque dite de « révolution sexuelle » qui ne peut que dévorer ses propres enfants à terme et où l’image de nos jours est devenue l’aplatissement de toute cette mythologie même. Sa mort dans le film est quasiment élaguée sans retracer certaines pistes (Robert Kennedy lui aurait rendu visite la nuit de sa mort), noyant le tout dans un flou « avantageux » et sans risques. Cependant, la comédienne, Ana de Armos, tire tout de même son épingle du jeu dans ce rôle écrasant, notamment dans certaines scènes où elle parvient à incarner cette détresse et cet érotisme propres à la comédienne originale. Personnalité touchante dans sa grâce et sa perdition, et dont on chercherait en vain une remplaçante dans notre ère sans tragique.
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