Du foin, oui, mais à la botte de qui ?
EDITO - Les tracteurs sont de sortie. Les agriculteurs sont en colère et ils le font savoir.
Depuis 15 jours, ils multiplient les blocages, axes routiers et bâtiments publics, préfectures, mairies et centres des impôts. Ils y déversent en abondance du fumier, du lisier et autres douceurs parfumées qui fleurent la campagne, pour se rappeler à nos ministres parisiens juste avant Noël.
Initié principalement par la FNSEA, premier syndicat paysan en nombre d'adhérents, le mouvement, qui a débuté dans le sud-ouest de la France, s'étend dorénavant sur quasiment tout le territoire.
Et pourtant, aucun média n'en parle. Télévisions, radios, journaux et sites d'information officiels (AFP et ses relais) : c'est le black-out total. Hormis les suspects habituels : Putsch, Tocsin et quelques autres comptes sur X.
Est-ce une nouvelle illustration du “Et c'est donc par le plus grand des hasards” , pour reprendre l'expression utilisée par Emmanuel Macron chacune des fois où une opération semble être pilotée depuis l’Élysée ? Ou est-ce, parce que, à l'inverse, celle-ci, d'opération, pourrait secouer le pays, suffisamment fort et durablement pour que l’Élysée soit ébranlé, et pousse Macron à s'enfuir à la campagne. Du côté de Varennes, par exemple ?
En effet, il n'y a pas que dans le monde agricole, loin s'en faut, que la crise ravit les croque-morts. Hormis les sociétés du CAC40, qui, par le biais tordu du Monopoly géant qu'on appelle "la Bourse", semblent bel et bien accaparer une très large part des fruits du travail des autres secteurs d'activités, ces derniers sont tous impactés par "la crise".
Esclaves des temps modernes que sont les employés d'Uber, d'Amazon et Cie, pour ne citer qu'eux, ouvriers, smicards et retraités ont été rejoints par la classe moyenne, dans l'impossibilité de joindre les deux bouts, fût-ce en se serrant la ceinture au-delà du dernier cran. Artisans, commerçants, patrons de PME et exploitants agricoles, tous font face à une hausse des prix, funeste pour leurs entreprises, des carburants et de l'électricité, des taxes, des charges sociales, etc.
Pourquoi ? Parce que, en parallèle, leurs marges, elles, n'ont fait que dégringoler ces dernières années. Et les prix de vente, alignés par les grandes surfaces sur ceux de leurs concurrents étrangers, étant descendus sous le seuil d'équilibre, ces malheureux n'ont plus que deux options possibles : le travail à perte ou le suicide. Se donner la mort ou attendre qu'elle arrive, économiquement, à très court terme, leurs réserves ayant complètement fondu depuis fort longtemps.
Pour les petits exploitants, en tout cas, la situation est dramatique. D'où un nombre de suicides record, cette année encore, dans le monde paysan.
Cependant, à l'opposé, pour les quelques très gros exploitants agricoles présents dans l'Hexagone, dont le président de la FNSEA, la situation n'a jamais été autant au beau fixe qu'actuellement.
C'est la raison pour laquelle des observateurs extérieurs, complotistes dernier échelon certainement, affirment qu'il s'agit là d'une manœuvre des pontes de la FNSEA, orchestrée par son président, Arnaud Rousseau, connu qu'il est pour être un “hénaurme” exploitant céréalier et un industriel (dans les huiles) important, et “en même temps” un ami personnel d'Emmanuel Macron.
Comme le disent fort justement ceux qui officient les pieds dans les déjections animales, dont ils font, parfois, profiter les préfectures, les mairies et les centres des impôts : ça pue cette histoire !
Si, au terme de ce mouvement, la base n'obtient que des miettes ou uniquement des promesses (c'est-à-dire en fin de compte rien), et qu'une nouvelle fois les grands exploitants agricoles et propriétaires terriens, eux, en sortent gagnants très substantiellement (avantages fiscaux exubérants et/ou rachat des petits pour une bouchée de pain), preuve sera rapportée qu'il s'agissait hélas d'un énième enfumage corporatiste donnant pleinement raison à Coluche :
“Le capitalisme, c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le communisme (ou le syndicalisme en l’espèce), c'est le contraire.”
Néanmoins, accordons à Arnaud Rousseau et ses amis le bénéfice du doute. Un homonyme du ministre de la Santé Aurélien Rousseau qui lui n’a aucun conflit d’intérêts avec son épouse, directrice déléguée à la CPAM (Caisse primaire d’Assurance maladie) au point d’avoir demandé une ordonnance de déport à la Première ministre au cas où ! Sans oublier, bien sûr, belle-maman Béatrice Cazeneuve qui, elle, travaille pour le laboratoire Lilly...
J'insiste : malgré la très grande ampleur de ce mouvement désormais, et le fait qu'il se durcit, aucun média ne s'en fait l'écho. Zéro dépêche de l'AFP, aucune image à la télévision, pas un mot à la radio, aucun article non plus dans la presse et sur les sites officiels d'information.
Pourquoi diable un tel couvercle sur le sujet ? Que craint le gouvernement ?
Évidemment, un ralliement à ce mouvement de tous ceux, paysans et gens de la ville, qui ont été mis sur la paille, par six ans de gouvernance d’Emmanuel Macron, “Robin des Bourges”, pilotée à sens unique : au profit exclusif de ses amis, "les gros”, les ultra-riches qui l’ont mis au pouvoir à cet effet. Ce besoin pathologique de toujours avoir plus d'argent et de pouvoir, assassinat de l'équité et contraire de la démocratie, qui consiste à (tout) prendre aux pauvres pour donner aux riches : à des personnes déjà riches afin qu'elles deviennent ultra-riches.
Ah ça, si à l’hiver 2018-2019, les paysans s'étaient joints aux Gilets Jaunes, il est plus que probable que notre mauvais roi aurait dû abdiquer.
Et nul doute que si tous ceux qui sont asphyxiés par la politique partisane qu'il continue de mener se rejoignent, si une union sacrée se faisait autour de ce mouvement, Emmanuel Ier devrait fuir.
Fuir, oui, et non pas uniquement céder.
On a pu tristement le constater avec les Gilets Jaunes, les infirmières, les pompiers, les lycéens,et les manifestations contre la réforme des retraites : face à des opposants pacifistes et sans armes, la répression à coups de trique est aisée et sans risque. Pour les policiers, gendarmes et CRS, c’était un régal. En revanche, face à des tracteurs et autres engins agricoles, des personnes qui ont sorti les fourches, les pelles et les haches parce qu'elles sont en train de crever de faim, ce ne serait plus simplement une révolte, Sire, ce serait une révolution.
Or, l'Histoire nous le dit. Louis XVI a été raccourci par le bras armé de la divine providence qui châtie “l'impie” (au sens de : ne croire en rien d'autre qu'en Satan), comme naguère on tranchait le litige en place de Grève, ceci, paradoxalement, pour substituer la laïcité à la religion, chrétienté qui faisait alors une Nation française unie (1). Pour le bénéfice unique de qui ?
La caste dirigeante bourgeoise qui a succédé à la royauté en 1789, et dont les descendants accaparent tous les pouvoirs 234 ans plus tard.
(1) Tout le contraire d'aujourd'hui. Emmanuel Macron y a œuvré et persiste dans cette voie destructrice. J'y reviendrai très bientôt dans un prochain édito.
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