La peur pouvait éviter le danger.
EDITO : Depuis des années, les Français vivent dans la peur. Celle de ne pas avoir son permis de conduire ; celle de planter son bac ; celle de ne pas être en bonne santé ; celle de manquer de tout et de rien ; ou celle plus amusante de rater sa vie à cinquante ans, faute d’avoir pu s’offrir une belle et jolie montre Rolex. Les Français ont aussi peur des mouvements sociaux, de l’extrémisme politique, des paralysies économiques, des virages professionnels, des transformations technologiques, des mutations sociétales, des migrations humaines; Nos ancêtres, les gaulois, ne craignaient-ils pas que le ciel leur tombe sur la tête !
Cette peur se retrouve dans toutes les strates de notre société. Nos élites se rassurent et s’inquiètent à la lecture des sondages, nos énarques s’inquiètent et se confondent en descendant dans la rue, nos concitoyens se perdent et s’angoissent en s’égarant sur les réseaux sociaux. Bref, les Français aiment se faire peur.
Cette peur institutionnalisée trouve d’ailleurs sa traduction en France dans un état providence qui doit pour toutes et tous, rassurer, prévenir et protéger en toutes circonstances ! Au quotidien, la course à l’échalote intellectuelle associée au concours Lépine de la fausse bonne idée, a petit à petit, installé en France, ce contentement au plus petit dénominateur commun : On a peur de presque tout ! Plutôt que d’être incités à l’initiative, au mouvement, à l’entrepreneuriat, à l’acceptation des risques, les Français ont été dissuadés et empêchés d’agir, et contraints à se tourner en permanence vers l’état providence. L’Etat se devant de tout garantir, même la peur.
La crise sanitaire inédite qui ébranle notre monde moderne l’a récemment prouvée. Nous sommes tous chaque soir, comme tétanisés et suspendus aux annonces et aux consignes -souvent les mêmes- du Ministre de la Santé et de son Directeur général de la Santé. Et nous ne jouons pas à nous faire peur. Nous avons peur.
Posons alors la question qui s’impose : La peur est-elle réclamée par les Français, ou est-elle distillée par nos élites ? L’une des réponses est simple. La peur est la conséquence naturelle de notre modèle vertical et centralisé. Un modèle proposé et imposé par nos modes de scrutins électoraux pourtant démocratiques.
De l’autre côté du parapheur, la peur est elle aussi palpable. Les femmes et les hommes politiquent ont peur eux aussi. La confiance entre le peuple français et ses gouvernants n’étant que trop souvent une illusion très vite perdue, la défiance est partout. Les politiques redoutent, et c’est bien normal, le moment où ils perdent la confiance des Françaises et des Français La vérité est qu’ils gouvernent la France, au jour le jour, avec la « boule au ventre ». Tout cela n’est pas nouveau et le Covid-19 n’y est pour rien.
De Paris à New-York en passant par Londres et d’autres capitales mondiales, le Coronavirus Covid-19 n’a pas toujours officiellement rimé avec la peur. Quelques semaines avant le confinement, tout le monde, vous, nous, tous, nous minimisions les effets de cette grippe exotique. Que faisions-nous quand tous les signaux faibles-forts étaient déjà là ? Quand les caméras du monde entier étaient pourtant bien braquées sur cette méga bourgade chinoise inconnue du grand public et infestée par cette nouvelle épidémie ? Mais plutôt que de se préparer, nous feignions de la considérer avec sérieux. Pire nous nous en moquions pour mieux nous rassurer… Ah ! La bonne « pangolinade » Et une Corona, une ! Le nuage de poussières du coronavirus ne passera évidemment pas sur la France. C’est notre tournée ! Nous avons tous préféré retarder l’échéance, jouer la montre et regarder ailleurs. La prise de conscience, la responsabilisation et le passage à l’action ont été tardifs. Retards à l’allumage personnels et généralisés. Depuis le danger est partout. Nous sommes tous des amateurs responsables !
Rien d’anormal à tout cela. Dans une contribution récente, Olivier Sibony, professeur à HEC a donné un webinar (vision conférence) sur la prise de décision et le biais cognitif. Une approche intéressante que nous vous encourageons à partager. Il fait état d’un certain nombre d’expériences et de leçons à apprendre et à tirer de son expertise. Par exemple : Si on demande à un expert en politique de prédire le résultat d’une élection dans un pays et que parallèlement on interroge une brochette de 50 individus lambdas et bien l’expérience nous démontre que la cohorte d’amateurs bat toujours l’expert. Emmanuel Macron aurait-il lu Sibony quand il félicitait il y a quelques semaines ses parlementaires d’être des amateurs ? Lui l’amateur de la politique n’est-il pas devenu Président de la République française ?
Experts et amateurs, la peur gouverne nos décisions. Puisque gouverner c’est prévoir, nous aurions pu prévoir tous les stades de la peur. Nous aurions dû collectivement nous écouter. Du déni à la sidération, il ne nous aura fallu que quelques petites semaines et près de 20 000 décès pour nous convaincre du péril sanitaire que nous vivons. Par peur, experts et amateurs se sont trompés.
A l’heure où toutes les sommités scientifiques du monde entier cherchent, et souhaitons-le, trouverons, le vaccin pour faire disparaitre cette épidémie, il est normal d’avoir peur. Pour les gens qu’on aime, pour l’humanité et même pour soi-même. Aussi, s’il est bon de rappeler que la peur aurait pu il y a trois mois nous éviter le danger, il est nécessaire de dire aujourd’hui que le danger serait désormais d'avoir peur en l’avenir et en notre capacité à tous ensemble nous réinventer.
Chacun est responsable de tous.
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