Vincent Bolloré, Bernard Arnault et d’autres propriétaires de médias mainstream “reprennent” l’ESJ de Paris
Déjà propriétaires des nombreux médias mainstream en France, Bernard Arnault, la famille Dassault, Vincent Bolloré ou encore Rodolphe Saadé reprennent avec un consortium d’autres investisseurs l'ESJ de Paris, la plus ancienne école de journalisme au monde. Si les lignes éditoriales des journaux et chaînes de télévision appartenant aux nouveaux propriétaires de cet établissement font déjà grincer des dents, cette nouvelle suscite particulièrement des craintes de les voir se mêler de la formation des prochaines générations de journalistes.
Une école “non reconnue” récupérée par les Bolloré & Co
Fondée en 1899 par Jeanne Weill, romancière plus connue sous son nom de plume Dick May, l'école supérieure de journalisme (ESJ) de Paris connaîtrait depuis de nombreux mois une crise, due essentiellement à sa mauvaise gestion. L’établissement était dirigé depuis 2009 par Guillaume Jobin, journaliste spécialisé dans la presse médicale et médecin neurobiologiste de formation, que Le Point avait dépeint, dans un article publié en décembre 2023, comme “pro-russe” et “pro-palestinien”.
Le journal décrivait alors une école “en dérive idéologique”, ayant pris un “tournant militant” et développé des “réseaux troubles” au Moyen-Orient, recrutant des enseignants qui seraient “controversés”. Le Point évoquait surtout une éventuelle situation financière compliquée avec des retards de paiement de salaires malgré les milliers d’euros annuels que doit régler chaque étudiant. L’ESJ Paris avait dénoncé une publication “mensongère” et “diffamatoire”, tandis que certains saluaient les efforts de Guillaume Jobin à offrir une formation à des journalistes de la région MENA.
Toutefois, à la différence de l’ESJ de Lille, l’école de Paris (aucun lien, NDLR) ne faisait déjà plus partie des 14 écoles reconnues par la profession. En 2015, l’établissement avait perdu sa certification RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles).
Le communiqué de l’ESJ de Paris ne cite aucunement la situation actuelle qui expliquerait sa reprise par un collectif d’investisseurs. L’établissement se dit “heureux” d’annoncer vendredi 15 novembre 2024 cette reprise par des éditeurs et entrepreneurs français. Parmi ces derniers figurent Financière Agache, propriété de Bernard Arnault, qui détient Le Parisien et Les Echos, le groupe Bayard presse, qui détient le journal La Croix et le magazine Phosphore, le groupe Dassault, propriétaire du Figaro, à travers sa filiale Koodenvoi, l’ancien président du Medef ou encore la propriété de Vincent Bolloré, la Compagnie de l’Odet, qui est actionnaire de Canal plus et Prisma média). Figure aussi la CMA Média, propriété de Rodolphe Saadé et filiale de l'armateur français CMA CGM qui détient La Provence, BFM ou encore RMC.
Le communiqué évoque aussi les frères Bentzmann ( Stanislas et Godefroy) et TSV Immobilier. Aucun des repreneurs ne s’est exprimé sur cette reprise, n’a détaillé son projet, ou dévoilé son apport financier.
Main basse sur la fabrique de l'info
La présidence, poursuit l’ESJ de Paris, “est confiée à Vianney d’Alançon”, un entrepreneur lyonnais catholique spécialisé dans le patrimoine, la bijouterie et la culture, propriétaire de Financière de la Lance, un des nouveaux repreneurs de l’école et un des actionnaires du parc à thème Rocher Mistral dans le département des Bouches-du-Rhône, objet de nombreux contentieux judiciaires. Vianney d’Alançon serait l’un des meneurs des négociations de reprise selon Challenges, qui évoquait un montant de 2 à 3 millions d’euros.
La direction générale par intérim sera assurée par Elhame Medjahed, ancienne présentatrice sur Europe 1 et actuelle responsable pédagogique de l’école, en attendant de nouvelles recrues à la direction en janvier et de nouveaux locaux.
Si cette reprise est considérée par certains médias comme une opportunité pour les repreneurs de faire de l’ESJ de Paris une “pépinière de journalistes” pour leurs journaux, les autres réactions expriment surtout de l’inquiétude. Aux yeux de certains étudiants et journalistes, les nombreux propriétaires des médias privés étendent leur mainmise aux écoles et à la formation.
“Que Bolloré, Arnault, Saadé et Dassault veuillent se mêler de la formation des journalistes devraient tous nous inquiéter. Les écoles doivent rester indépendantes des actionnaires qui détiennent les médias”, estime Alexis Lévrier, historien de la presse et des médias, sur un post X. D’autres ne voient rien d'autre qu’une consolidation de la puissance des milliardaires dans le secteur des médias et dans leur contrôle de la chaîne de valeur de la presse, de la formation à la publication.
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