Twitter : Elon Musk s'envole vers d'autres cieux... et tombe sur un bec
C'est un spectacle de 44 milliards d'euros qui nous est offert par Elon Musk, et il ne fait que commencer. Alors que la cage vient seulement d'être ouverte, les oisillons piaillent en apercevant leurs idoles revenir au creux du nid, les rapaces voisins s'enfuient à tire-d’aile et les chasseurs d'en bas arment leurs fusils. Peut-être l'oiseau bleu va-t-il y laisser quelques plumes...
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Viser la Lune
Elon Musk a pour habitude de faire les choses en grand ; voler plus haut pourrait être son slogan. Si bien que son nouveau projet n'est rien de moins que "la liberté d'expression absolue", au risque d'en effrayer certains. À peine a-t-il racheté Twitter, lundi 25 avril, que la plateforme est entrée en ébullition :
Plaisant spectacle, depuis quelques heures, des lamentations du camp du Bien, farouches partisans de censurer à mort tous ceux qui ne pensent pas comme eux, épouvantés à l’idée que #Twitter puisse redevenir un espace de vraie liberté. Mot qu’évidemment nos bébés Staline exècrent.
— André Bercoff (@andrebercoff) April 26, 2022
L'ancien PDG de Twitter Jack Dorsey soutient ce projet : "Je suis confiant parce qu'Elon s’est donné comme mission de permettre d’éclairer les consciences". Selon lui, il fallait arracher l'oiseau bleu des griffes de Wall Street.
De nombreux exilés, pour qui le nid était devenu plus hostile qu'autre chose, font leur grand retour. Aussi les internautes se réjouissent-ils de pouvoir (re)lire les tweets de Robert Malone, des camionneurs du Freedom Convoy et de... Donald Trump ?
Voler trop près du soleil
L'ancien président des États-Unis a été le martyr de l'oiseau bleu. Banni de sa plateforme préférée le 8 janvier 2021, quelques jours après le désormais célèbre "assaut du Capitole", le "serial tweeter" s'est réfugié au cœur de son propre réseau : Truth Social. Sur Twitter, ses partisans l'ont tout de même défendu bec et ongle et depuis plus d'un an... attendent son grand retour.
Seulement, maintenant qu'Elon Musk lui en offre l'opportunité, Donald Trump décline la proposition. "Je continuerai d'utiliser Truth Social", confiait-il à Fox News le 25 avril, tout en souhaitant que le nouveau propriétaire de Twitter "améliore [la plateforme, ndlr] qui a des bots et des faux comptes". Il faut dire que l'envolée d'Elon Musk a fait brusquement chuter le cours des actions de Truth Social, qui n'en était encore qu'à ses balbutiements, tout en redorant le sien. Un coup d'éclat qui ressemble à s'y méprendre à une manœuvre financière, dont le patron de Tesla n'est pas complètement étranger. Par ailleurs, le média Bloomberg pose une question intéressante : "Comment va-t-il couvrir les 21 milliards de dollars de fonds propres de la transaction qu'il a personnellement garantis ?" Selon eux, bien qu'il soit l'homme le plus riche du monde, il ne possèderait "que" trois milliards en liquide. Va-t-il devoir vendre des parts de ses autres entreprises, se tourner vers d'autres investisseurs, ou faire l'autruche ?
Quoi qu'il en soit, s'il semble bien parti, son périple vers l'absolue liberté est loin d'être terminé, d'autant qu'il va possiblement devoir faire face à d'autres obstacles...
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Les oiseaux de mauvais augure...
Parmi eux, l'Union européenne (UE) et ses chasseurs de "fake news". Le 23 avril dernier, l'UE concluait une nouvelle législation "historique" : le règlement sur les services numériques ("Digital Services Act", DSA, en anglais). Son entrée en vigueur est prévue au plus tard pour 2024, et il prévoit de "protéger les utilisateurs en ligne, assurer la liberté d’expression et des opportunités pour les entreprises", selon Ursula von der Leyen. En d'autres termes, exiger des plateformes qu'elles régulent le contenu brassé.
Barack Obama et Emmanuel Macron partageaient tous deux le même discours, l'un et l'autre se présentant en pourfendeurs des réseaux sociaux. Cédric O, Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, rappelait hier que les règles s'appliquent à tous :
Il y a des choses intéressantes dans ce qu’@elonmusk veut impulser pour @Twitter, mais rappelons que le #DigitalServicesAct - et donc l’obligation de lutter contre la désinformation, la haine en ligne, etc. - s’appliquera quelle que soit l’idéologie de son propriétaire. #PFUE2022
— Cédric O (@cedric_o) April 25, 2022
Fière comme un paon, c'est ensuite BFM TV qui s'est mise à voler dans les plumes d'Elon Musk, précisant vouloir lutter contre la "désinformation". Sans surprise, son chef de service tech Raphael Grably s'est joint à la prise de bec, en assurant que "la loi s'applique aussi aux libertariens du dimanche", urgeant : "Calmez-vous avec Elon Musk".
Enfin, c'est le correspondant à Washington Antoine Heulard qui s'est montré un peu craintif : "Elon Musk est un partisan de la liberté d'expression absolue, sans la moindre restriction. Concrètement, cela veut dire qu'avec Musk aux manettes, finis les efforts de modération, finis les efforts pour lutter contre les fake news." Il explique aussi que la réapparition (hypothétique) de Donald Trump pourrait "avoir des conséquences sur la démocratie américaine, et pourquoi pas même sur les prochaines élections présidentielles en 2024". Et de conclure, plus complotiste que jamais : "54,20 $, le tarif proposé par Elon Musk, n'a de toute évidence pas été choisi par hasard. Dans ce chiffre, il y a 420, et ça c'est une référence au cannabis et à la culture de la fumette. [...] C'est aussi la journée du 4 avril, la journée nationale de la marijuana."
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