"Tiempo después" : le monde d'après, encore après, bien après (vidéo)

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FranceSoir
Publié le 20 juillet 2020 - 16:46
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Film Tiempo Despues
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©Tamasa Distribution
En l'an 9177, le roi, dans son manteau d'hermine et avec sa massue de carton-pâte, exerce toujours son pouvoir arbitraire.
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SORTIE CINÉ – Après la pandémie de Covid-19, à quoi ressemblera le monde d'après? On n'en sait rien. Mais beaucoup plus loin dans le futur, par exemple dans sept siècles, il ne sera pas très différent du monde d'aujourd'hui: c'est ce que raconte le film espagnol Tiempo despuès, qui sort sur les écrans français ce mercredi 22 juillet.

C'est le dernier film du réalisateur José Luis Cuerda, décédé le 4 février dernier des suites d'un AVC, à l'âge de 72 ans. Peu connu du grand public à l'étranger, il était vénéré par les cinéphiles espagnols depuis son film Amanece, que no es poco (L’aube, c’est pas trop tôt), un film choral fait d'humour absurde et de narration surréaliste.

Quelques dizaines de survivants

C'est le même style que l'on retrouve dans ce Tiempo despuès, titre qu'on pourrait traduite par "Temps plus tard". Beaucoup plus tard puisqu'on est en 9177 et que l'humanité ne se réduit plus alors qu'à quelques dizaines de survivants.

Ces humains, semblables à ceux d'aujourd'hui, se divisent en deux groupes. Les riches et les gouvernants logent dans une tour officielle plantée au milieu du désert, tandis que les pauvres habitent dans des baraques en bois et des tentes installées dans une forêt proche.

Brebis dans l'ascenseur

Dans le bâtiment officiel aux longs couloirs circulaires, chacun a son appartement ou sa boutique, chaque métier étant représenté trois fois pour respecter la concurrence: salon de coiffure, boulangerie, bar, bordel, etc. Il y a un berger qui emmène ses brebis par l'ascenseur pour aller les faire paître sur la pelouse installée sur le toit. Il y a une mini-chapelle avec un prêtre qui manie le fusil, il y a deux gardes civils (dont un en kilt) qui patrouillent, un amiral en uniforme, des policiers, des militaires, le maire et sa directrice de cabinet.

Jeunesse désabusée

Il y a aussi six jeunes qui ont le droit de sortir entre 20 et 45 minutes par jour pour aller philosopher et, cyniques et désabusés, sont loin de se révolter contre cette société confinée et préfèrent parler de leur "cohérence écologique".

Et il y a le roi, chevelu et barbu, manteau d'hermine et massue en carton-pâte, qui gouverne en se moquant de ses sujets, qui se lève tard et est toujours en retard, qui dit ce qu’il faut faire ou pas en alternant mensonge, mauvaise foi et autoritarisme.

Pauvres et chômeurs

Du côté des pauvres, tout le monde est chômeur. Les gens sont habillés correctement, mangent à leur faim, mènent une vie monotone et misérable mais paisible dans un décor digne de l'ex-ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Jusqu'au jour où l'un de ces pauvres a l'idée saugrenue d'abandonner son statut de chômeur et d'aller vendre de la citronnade artisanale dans le bâtiment officiel des riches et puissants…

Entre science-fiction et farce, José Luis Cuerda a choisi la seconde option pour ce grand bond dans le futur. "En 9177, il y aura, je le pressens, environ 493 survivants des 8.636 guerres mondiales et des 36 de l’espace qui se seront produites. Et tout sera possible", expliquait-il. "Le monde de Tiempo después n’est pas un monde heureux. Qui veut d’un monde heureux? On veut être heureux quel que soit le monde".

Les choses n'ont pas changé

Il décrit donc un monde avec moins de gens mais où les choses n’ont pas beaucoup changé. Et c'est sur un ton de comédie absurde et débridée, avec des dialogues à la fois sérieux (dans un langage très châtié) et décalés, et un humour oscillant entre cynisme, second degré et surréalisme, qu'il dénonce les travers bien actuels de la société espagnole, en s'en prenant à toutes ses couches: la monarchie, le monde politique, les militaires, l'Église, la justice, la bureaucratie, les commerçants, la jeunesse.

La lutte des classes est toujours présente en 9177 mais les chômeurs et les pauvres en prennent aussi pour leur grade, capitalisme sauvage et révolution prolétarienne étant (presque) renvoyés dos à dos dans ce conte loufoque et futuriste aux relents anarchistes, dont le ton surréaliste rappelle parfois certains films du maître du genre, Luis Bunuel.

Persiflage cynique

Exemple de ce persiflage cynique qui oscille entre premier et second degrés, ces phrases prononcées dans les haut-parleurs de la forêt des pauvres par le "narrateur lyrique" installé par les riches: "Remercions les pluies du printemps passé, à la mi-mars, qui ont empli nos jardins de légumes. Remercions la révolution capitaliste, qui a enfin remis chaque chose à sa place. Où vit-on mieux qu'au sein de sa propre classe? Soyons heureux d'avoir évité des mélanges antinaturels bien inopportuns"…

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