Handicap-mobilité. Paris, le cauchemar des handicapés

Auteur(s)
Laurence Beneux
Publié le 28 juin 2024 - 12:00
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Guez / AFP
Handicap-mobilité. Paris, le cauchemar des handicapés
Guez / AFP

Les personnes à mobilité réduite (PMR) sont victimes de la raréfaction des places de stationnement dans Paris, et de leur prix exorbitant.

Les cartes priorité-invalidité, qui permettent de stationner gratuitement sur la voie publique et d’occuper les places réservées aux handicapés, sont massivement volées et un trafic de fausses cartes sévit, dans la relative indifférence des pouvoirs publics.

Résultat : les personnes à mobilité réduite renoncent à circuler dans la Capitale et à assister aux évènements culturels ou sportifs. Et la mise en place du contrôle automatisé du stationnement payant par des voitures radars a encore aggravé leur situation.

« Mon meilleur ami est handicapé, il est en fauteuil. C’est simple, il ne vient plus jamais dans Paris », se désole un militant pour l’amélioration des conditions de vie des personnes à mobilité réduite.

Les professionnels d’une Maison départementale des personnes handicapées francilienne tirent la sonnette d’alarme.

Sortir dans la Capitale, se distraire ou même sortir de son quartier pour faire soi-même ses courses, relèvent du parcours du combattant pour les PMR qui finissent par largement y renoncer.

Le trafic de fausses cartes priorité-invalidité, un très gros marché sur Paris

Pourquoi ? Parce que tout le monde n’a pas les moyens de circuler en taxi et que les places de stationnement qui sont théoriquement réservées aux personnes à mobilité réduite sont massivement occupées par des personnes valides.

Certes, ce genre d’incivilités a toujours existé, mais avec l’augmentation des coûts de stationnement sur la voie publique et la difficulté croissante à trouver une place, elles se développent, et s’organisent afin d’échapper à l’amende de 135 euros qui sanctionne l’occupation indue d’un espace réservé aux handicapés.

Ces incivilités font les choux gras de trafiquants qui ont trouvé là matière à des activités illégales mais juteuses.

Déjà, les vols de cartes priorité-invalidité se multiplient. Au point que certains de leurs possesseurs préfèrent afficher une photocopie de leur carte sur leur parebrise, quitte à risquer une amende qu’ils tenteront de contester par la suite. Des voleurs n’hésitent pas, en effet, à casser les vitres des voitures pour dérober le précieux document.

Les cartes volées sont ensuite reproduites à l’identique par des trafiquants qui revendent les copies via le réseau social Snapchat, qui permet d’envoyer des messages qui expirent une fois qu’ils ont été visionnés.

« Les fausses cartes sont imprimées sur du papier épais pour bien ressembler aux vraies et les QR codes copiés à partir des cartes volées sont bien faits et valides, nous explique un policier. Elles sont difficiles à détecter et le trafic représente un très gros marché sur Paris ».

Usage frauduleux de la carte d’un membre de la famille, souvent décédé

Le second principal moyen de fraude est d’utiliser la carte d’un membre de sa famille, notamment celle d’une personne décédée. Il arrive aussi que des personnes prêtent leur carte ou qu’elle soit utilisée à leur insu par des proches.

Cette dernière hypothèse constitue d’ailleurs un problème pour la poignée de policiers qui lutte contre le problème en Île de France.

Normalement, une carte indûment utilisée par une personne valide doit être immédiatement confisquée. S’il s’avère qu’elle a appartenu à une personne décédée, et les policiers ont accès à un fichier qui permet de le vérifier, la confiscation va de soi.

Mais les forces de l’ordre hésitent à retirer une carte potentiellement utilisée à l’insu de son propriétaire qui aura par la suite les plus grandes difficultés à la récupérer.

Or, si la confiscation d’une carte d’invalidité expose systématiquement le fraudeur à une amende de classe 5 de 0 à 1500 euros (jusqu’à 3000 euros en cas de récidive), prononcée par le tribunal de police, les policiers ne peuvent établir un PV de contravention s’ils décident de faire preuve d’indulgence et de rendre la carte indûment utilisée. Le contrevenant s’en sort alors avec une réprimande. Pas sûr que cela s’avère suffisamment dissuasif.

Faible mobilisation des pouvoirs publics face à un problème massif

Un autre problème est l’absence de formation spécifique pour détecter les usages frauduleux des cartes pour les PMR et le nombre très restreint de policiers qui effectuent les contrôles. Il faut dire que la confiscation d’une carte génère « beaucoup de paperasserie », nous explique l’un d’entre eux, « une heure et demi de travail pendant laquelle nous ne pouvons pas remplir d’autres missions ».

Pourtant, le problème est massif. Il y a un problème avec environ 70% des cartes contrôlées. Il n’est pas rare que des médecins utilisent des cartes de patients décédés, nous dit-on.

Cette année, une opération de contrôle qui a mobilisé une dizaine de policiers a été effectuée le jour de la fermeture de la Foire du Trône. Une rue entière est réservée aux véhicules transportant des PMR à proximité de la fête foraine.

L’opération a révélé plus de 80% d’infractions, et sur une trentaine de cartes contrôlées, 18 se sont avérées fausses.

Un chauffeur de la PAM, un service de transport à la demande réservé aux handicapés, n’a pas hésité à utiliser son véhicule de fonction pour venir à la fête avec sa famille.

« Les gens ne se rendent pas compte des conséquences qu'a leur incivilité sur la vie des handicapés, déplore un policier, ils pensent que ce n’est pas important et nous disent souvent qu’on ferait mieux de nous occuper de problèmes plus graves ».

Le principal motif invoqué par les contrevenants est la gratuité du stationnement accordée aux PMR.

Une gratuité qui ne se limite pas aux places réservées. Et à ce sujet, les PMR doivent faire face à un nouveau problème avec la mise en place du contrôle automatisé du stationnement payant par des voitures radars. Ces véhicules lisent les plaques, ils ne contrôlent pas les parebrises. Beaucoup de PV sont ainsi indûment distribués à des handicapés parfaitement en règle qui doivent ensuite entreprendre des démarches fort longues pour les faire annuler.

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