Le Tocilizumab, un médicament contre le Covid au passé encombrant.

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Christian de Dadelsen, journaliste pour FranceSoir
Publié le 20 février 2021 - 16:58
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Tocilizumab
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Roche
Pas clair comme de l'eau de Roche.
Roche

Le tocilizumab est un anticorps monoclonal évalué depuis mars 2020 pour lutter contre la fameuse “tempête de cytokines” propre aux formes graves de Covid-19.

On aura tout entendu sur cette molécule : certaines études la considèrent très efficace pour améliorer le pronostic en phase inflammatoire et d’autres trouvent les résultats décevants.

En France, l’équipe du docteur Félix Ackermann de l’Hôpital Foch l’administre de façon compassionnelle à une trentaine de patients en détresse respiratoire, en avril 2020.  La molécule semble bloquer l’action des récepteurs de l’interleukine 6, une cytokine pro-infammatoire*.

Début janvier 2021, le ministre de la Santé britannique Matt Hancock s'appuie sur des études cliniques positives pour annoncer que les patients hospitalisés en soins intensifs pourraient recevoir du tocilizumab**.

L’étude Recovery affirme en février que la thérapie ciblée réduit la mortalité des patients hospitalisés***.

Quelques jours plus tard, une étude randomisée brésilienne publiée dans le "British Medical Journal", observe que la mortalité du groupe sous tocilizumab est bien plus élevée. «Prendre du tocilizumab en plus des soins standard n'a pas été efficace pour améliorer l'état clinique des patients à 15 jours, et pourrait augmenter la mortalité», concluent les auteurs de l'étude.

Le professeur Horby, l’un des responsables de l’essai Recovery, pointe toutefois le nombre peu élevé de patients impliqués dans l’étude brésilienne ainsi que la mortalité exceptionnellement basse dans le groupe placebo****.

Le tocilizumab, commercialisé sous le nom d’Actemra aux États-Unis et RoActemra en France, par le laboratoire suisse Roche, est utilisé à l’origine pour son action immunosuppressive dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Depuis 2010, 10 000 des 200 000 Français souffrant de cette maladie sont soignés avec des médicaments qui impliquent cette molécule*****.

En 2017, STAT News, magazine spécialisé dans la santé et propriété du Boston Globe, publie une enquête qui révèle que lors de l’introduction de l’Actemra sur le marché américain en 2010, les patients et les médecins n'ont jamais été avertis des risques d’effets secondaires potentiellement graves par le fabricant du médicament, Genentech, une filiale de Roche******.

Depuis son approbation, la Food and Drug Administration (FDA) a reçu des milliers de plaintes concernant l'injection intraveineuse et des rapports sur 1 128 personnes décédées après avoir pris de l’Actemra. L’agence américaine répondra qu’elle ne dispose pas d'outils assez sophistiqués pour déterminer si le médicament est responsable ou non de ces décès. Il faut savoir que bien que l'agence soit chargée de contrôler la sécurité des médicaments sur ordonnance, elle n’a pas à vérifier les rapports d'effets secondaires qu'elle reçoit.

STAT a analysé plus de 500 000 rapports sur les effets secondaires des médicaments contre la polyarthrite rhumatoïde et a trouvé des preuves évidentes que les risques de crise cardiaque, d'insuffisance cardiaque, d'accident vasculaire cérébral, de pancréatite et de maladie pulmonaire, étaient “aussi élevés ou plus élevés pour les patients traités par Actemra que pour les patients prenant certains médicaments concurrents.”

En 2014, Roche reconnaîtra l'infarctus du myocarde fatal d’une femme allemande de 62 ans comme étant “lié à l’Actemra". Mais ni Roche ni la FDA ne décideront de modifier la notice de l’Actemra pour avertir les patients et les médecins que des risques potentiels étaient apparus dans les rapports ainsi que dans les études cliniques réalisées après la mise sur le marché du médicament.

Selon les experts ayant examiné ces rapports, l'absence de mise en garde du public met en évidence l'incapacité de la FDA à juger correctement de la sécurité des médicaments après leur approbation et à agir rapidement lorsque des signes de danger potentiel apparaissent.

"Nous avons fait du bon travail en facilitant l'approbation des médicaments, souvent sur la base de preuves très préliminaires. Mais nous n'avons pas renforcé les normes de surveillance post-commercialisation pour nous assurer que ce qui existe depuis plusieurs années est sûr et efficace", confie à STAT le Dr Vinay Prasad, oncologue et éthicien médical à l'Oregon Health and Science University. "Le système est en panne et toutes les motivations financières sont prévues pour le maintenir en panne".

La question doit être posée : le laboratoire Roche a-t-il profité de l’épidémie de Sars-Cov-2 pour tenter de repositionner une molécule susceptible d’être impliquée dans la mort de centaines de malades de polyarthrite rhumatoïde ?

Est-il bien raisonnable de traiter des patients en phase inflammatoire de Covid sévère avec une molécule dont le fabricant refuse de prévenir des effets secondaires potentiellement graves ?

*Source : France 3 Régions
**Source : BBC
***Source : Reuters
****Source : Le Figaro
*****Source : Le Parisien
******Source : STAT News

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